Premières impressions du Caire par Julien, envoyé par le Défap et l’ACO en Égypte pour une mission de service civique qui a commencé en septembre. Avec une double casquette : il doit à la fois apporter un soutien à l’enseignement du français au sein d’un établissement protestant, le New Ramses College, et aider les jeunes résidentes d’un foyer d’accueil de jeunes filles dans leurs devoirs.

Photo de repas avec les volontaires en Égypte : au premier plan à gauche Julien, et à droite Brigitte Colard, également envoyée de l’ACO. Au deuxième plan derrière Julien, Matthieu Busch, pasteur de l’Union des Églises Protestantes d’Alsace Lorraine et directeur de l’ACO. À l’arrière-plan au bout de la table, trois envoyés de l’Œuvre d’Orient © ACO/Défap

Cher Défap, chère ACO,

Je suis arrivé au Caire le 5 septembre, j’écris cette lettre de nouvelles le 5 décembre. Mon service civique au Caire a commencé depuis trois mois et je me suis bien habitué à ma nouvelle vie, à ma nouvelle ville. Le Caire est une ville fascinante, ambivalente sur bien des points, le dépaysement qui ne s’est pas encore tout à fait échappé, m’a pendant longtemps caché l’aspect extrêmement populaire de ces rues. Les bâtiments sont d’une architecture et d’une couleur inhabituelles mais ils sont aussi dégradés et bien souvent vétustes. Les rues sont vivantes et habitées mais elles sont aussi cabossées et parsemées de déchets. Le pays possède une histoire plurimillénaire, avec son lot de pharaons, d’intellectuels précurseurs, de spiritualités multiples mais est désormais en proie à un régime dictatorial subtil dont la domination ne s’exprime pas dans la vie de tous les jours mais que l’on aperçoit furtivement dès lors qu’on cherche des médias indépendants ou que l’on s’intéresse aux perspectives de carrière d’un jeune Égyptien sans réseau.

Au milieu de ces dissonances, je travaille depuis un peu plus de deux mois, d’une part au New Ramses College (NRC), et d’autre part je me mets au service d’un foyer de jeunes filles situé non loin de chez moi, à hauteur de trois ou quatre après-midis par semaine.

Au NRC, je suis un Français plus qu’un professeur de français, j’aime mes collègues qui m’enseignent la vie en Égypte et avec qui tantôt je mange du kochari, tantôt je bois du café turc ou du thé. J’aime aussi les élèves car même s’ils ne sont pas faciles, je n’ai pas connu de plus grande satisfaction qu’un cours réussi, de la même manière qu’il n’y a rien de plus déprimant qu’un cours raté. Je crois qu’ils m’apprécient aussi et je sens que même les classes les plus difficiles commencent à aimer mes cours. Enseigner est un vrai apprentissage pour moi, chaque classe, chaque individu en fait, a ses spécificités et les méthodes d’enseignement doivent être flexibles. Le jeu est ma méthode d’enseignement privilégiée, ma flexibilité est d’adapter les jeux aux tranches d’âge et de faire attention aux retours de mes élèves, qu’il s’agisse de retours directs ou indirects.

Au foyer, je suis un Égyptien qui se fait passer pour un Français, la faute à mes origines algériennes probablement. La Sœur responsable du foyer est une personne exceptionnelle comme j’en ai rencontrées peu dans ma vie. Les filles sont merveilleuses, imaginez 80 gamines de 4 à 18 ans vivant en communauté, elles sont comme des sœurs les unes pour les autres, elles s’aiment, se disputent, se font la tête, se rabibochent constamment. Je donne des leçons en français et en sciences à l’équivalent ici des CM1, CM2 et 6ème, pour un total de 11 élèves. Ici, on ne joue pas, on travaille, et on travaille beaucoup même ! Entre l’école et le soutien scolaire assurés par les volontaires, dont moi-même, les filles travaillent de 8h du matin à 8h du soir six jours sur sept. Alors même si on travaille on s’amuse aussi, on se fait des blagues, on se taquine en arabe ou en français parce que les filles sont bien meilleures en français que n’importe lequel de mes élèves au New Ramses Collège, même les plus vieux. Avec les filles, le plus attristant ce n’est pas quand elles ne vous écoutent pas ou qu’elles ne sont pas concentrées, le plus attristant c’est quand elles donnent l’impression qu’elles ne vous aiment pas. Cela donne une idée à quelle point la relation professeur/élève au foyer est différente de celle au NRC.

Sinon, je prends aussi des cours d’arabe depuis mon arrivée et je progresse bien, je dois dire que j’en suis assez fier. Je joue au foot une fois par semaine avec des amis et une petite équipe de tarot s’est également mise en place. Je fais même du théâtre d’improvisation, d’ailleurs avec la troupe nous nous sommes produits sur scène la semaine dernière. J’ai fait aussi quelques soirées depuis mon arrivée, j’ai même été au concert de Wegz une méga-star locale, mais je ne suis pas encore sorti danser et c’est bien la seule chose qui me manque !

Voilà pour les nouvelles, j’aime beaucoup ma vie au Caire. Marseille me manque un peu malgré tout, mais le week-end dernier j’étais à Alexandrie et voir la mer a rempli mon cœur de souvenirs, désormais me revoilà au Caire entre le sable fin et la poussière.

Julien

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