Comment parler de la mission aujourd’hui ? Comment cette thématique doit-elle être prise en compte au sein des Églises ? Cette question, qui était déjà au cœur du dernier conseil national de l’EPUdF, a été évoquée à Lyon lors d’une table ronde à laquelle participaient notamment Basile Zouma et Emmanuelle Seyboldt.

Affiche de « La mission dans tous ses états », événement organisé à Lyon les 26 et 27 novembre © Défap

« Le défi missionnaire va-t-il changer la face de l’Église… ou juste la façade ? » Derrière le jeu de mots, un thème et un enjeu cruciaux, non seulement pour les organismes missionnaires comme le Défap… mais aussi pour les Églises elles-mêmes. En témoignaient la qualité des intervenants qui étaient présents, ce 26 novembre, pour débattre lors de la table ronde organisée à l’initiative du pasteur Pierre Blanzat à l’espace Bancel, à Lyon. Il y avait là Emmanuelle Seyboldt, présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France – l’EPUdF qui a précisément placé son dernier synode national sous le thème de « Mission de l’Église et ministères » ; Basile Zouma, Secrétaire général du Défap ; Peter Hanson, pasteur luthérien américain qui œuvre à la fois à l’Église protestante unie de Lyon rive-gauche et à l’Église anglicane Trinity Church Lyon ; et Robert Innes, évêque anglican du diocèse d’Europe. Quatre intervenants pour cette table ronde, et pas moins de cinq organismes du milieu des Églises participant à ce week-end, puisque l’Église évangélique du Cameroun en France (qui a créé sa première paroisse française précisément à Lyon, en 2008) en était également partenaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet événement était organisé à Lyon, une ville où le dialogue œcuménique est particulièrement actif.

Par définition, la mission – y compris dans son acception profane – suppose un but à atteindre ; elle implique des efforts à accomplir et des difficultés à surmonter… Il n’y a pas de mission qui aille de soi. C’est d’autant plus vrai dans le domaine missionnaire – et plus encore aujourd’hui. Tous les organismes missionnaires sont poussés à mener des réflexions approfondies sur leur rôle, leurs moyens, leurs domaines d’intervention – et au-delà, sur ce qu’implique la mission aujourd’hui. Tous ont été amenés à se réformer pour pouvoir adapter leur action dans un monde qui bouge, dans des sociétés qui se transforment de manière rapide et radicale.

Emmanuelle Seyboldt et Robert Innes au Grand Temple de Lyon pour le culte du premier dimanche de l’avent © Église Protestante Unie de Lyon Rive Gauche

Comment parler de la mission en Europe aujourd’hui, comment répondre aux défis du monde actuel comme, par exemple, celui de la participation des Églises aux grands débats de société, celui de la relation aux exclus, aux migrants, celui de la sauvegarde de la création ? Quel témoignage porter dans une société où les Églises, en tant qu’institutions, sont en perte d’influence pendant que se développent des formes de religiosité hors institutions ? Quelles relations trouver entre Églises – celles qui sont implantées dans notre pays de longue date, celles qui s’y implantent, parfois avec un projet ouvertement missionnaire, et celles établies au loin, avec lesquelles existent des relations de longue date ? Quelle place pour les échanges de personnes dans ces relations entre Églises, quelle place pour la solidarité internationale ? Quels équilibres trouver entre témoignage et action concrète ? Quelles relations avec les autres chrétiens, avec les autres religions ? Aucune de ces questions n’est vraiment nouvelle, mais elles se posent d’année en année avec plus d’acuité.

« L’Église a des frontières qui vont bien plus loin qu’elle ne l’imagine »

À l’occasion de cette table ronde, les divers intervenants ont pu partager leurs expériences : le pasteur Peter Hanson, qui a longuement œuvré au Sénégal, a ainsi pu témoigner des effets du choc culturel… à l’aller, mais aussi au retour. Or, s’il s’attendait à devoir faire des efforts d’adaptation en allant des États-Unis, où il était né et avait grandi, au Sénégal, il ne s’attendait nullement à devoir se réadapter en revenant sur le territoire américain, où il a retrouvé un contexte, mais aussi un milieu d’Église très différents de ceux qu’il avait précédemment connus. Emmanuelle Seyboldt a évoqué le long travail de réflexion sur « Mission de l’Église et ministères » en cours au sein de l’EPUdF, mais aussi les partenariats noués avec d’autres Églises comme celle d’Angleterre, et a évoqué des expériences comme celle des « fresh expressions ». Basile Zouma, pour sa part, a rappelé l’histoire du Défap, tout le chemin parcouru depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui : « un parcours riche de rencontres, de relations, de réflexions » pour un organisme dont la vocation est « d’établir des ponts ». Et de souligner : « Dans aucune société humaine, il n’est naturel de penser à celui ou celle qui est loin ; on a d’abord tendance à penser à soi, aux proches. D’où l’intérêt de lieux « poils à gratter », destinés à nous rappeler que le monde ne se limite pas à notre petite sphère géographique ». Et au-delà même de cet aspect, les Églises ne peuvent prétendre se tenir à l’écart des grands changements du monde : leur composition même change en profondeur, ce qui est valable sur tout le territoire national, et pas seulement dans les grandes villes. Les mouvements de population touchent ainsi directement à la sociologie des paroisses.

« Si l’on prend l’exemple d’un continent avec lequel la France a des liens historiques, le continent africain, souligne Basile Zouma, il faut bien se rendre compte qu’aujourd’hui, il existe des communautés issues de pays d’Afrique dans nombre de paroisses de l’EPUdF. Ces communautés participent à la vie de l’Église, l’enrichissent, et viennent aussi lui rappeler qu’elle a des frontières qui vont peut-être bien plus loin qu’elle ne l’imagine. L’Église d’aujourd’hui ne correspond plus au modèle qui avait cours il y a seulement quelques décennies, elle a poussé des branches si loin qu’elle ne s’en rend parfois plus vraiment compte elle-même : il n’est pas simple pour tout le monde de prendre conscience de cette nouvelle réalité. » Et Basile Zouma d’ajouter, pour répondre à la question qui donnait son thème à la table ronde : « que l’on parle de face ou de façade de l’Église, les deux sont importantes. Quand on a une façade dégarnie, ça ne donne pas envie d’entrer ; et quand on entre, on doit trouver quelque chose qui donne envie de rester. Dans l’Église, nous devons donc travailler notre présence au monde pour donner à la fois envie d’entrer et de rester. »

Au-delà de la table ronde, qui se tenait le samedi à 17h30 à l’espace Bancel avec les quatre intervenants, c’était le week-end entier qui était placé sous la thématique de la mission, avec un culte interculturel organisé le dimanche matin au Grand Temple de Lyon, et un culte-cantate dans l’après-midi avec l’ensemble Bruecken. C’était aussi l’occasion de présenter l’exposition sur les 50 ans du Défap, qui aura prochainement vocation à circuler dans les paroisses de la région lyonnaise.

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