Ancienne envoyée du Défap à Madagascar, Cécile Millot a tiré un livre de cette expérience : Les aventures de Madame Cécile à Madagascar, publié aux éditions Amalthée. Mais comment cette enseignante d’allemand installée du côté de Reims a-t-elle pu, à 55 ans, se retrouver ainsi à apprendre le français à des élèves malgaches ? Rencontre et témoignage, à la recherche d’une annonce fantôme et d’un nouveau départ…
Cécile Millot interviewée lors des Journées Portes Ouvertes des cinquante ans du Défap © DéfapQui es-tu ?
Cécile Millot : Rien ne me destinait à partir à Madagascar pour enseigner le français à 55 ans. J’étais maître de conférences en littérature allemande à l’université de Reims, et raisonnablement contente de mon sort. Même si, comme tout le monde, je pensais de temps en temps que j’aurais pu faire autre chose que ce que je faisais, mais quand on travaille sur une culture étrangère, on a aussi un certain nombre de possibilités de changer d’air.
Qu’est-ce qui t’a poussée à partir ?
En 2007, ma mère, puis mon père, puis mon compagnon sont morts. Alors je me suis assise cinq minutes, et je me suis demandé ce que je voulais vraiment faire du temps qui me restait à vivre.
Comment as-tu connu le Défap ?
Je ne sais pas ! J’ai toujours cru que j’avais trouvé l’appel à candidature sur Coordination Sud, que je suivais régulièrement. Et un jour, un des pasteurs du Défap m’a dit : « Mais nous ne mettons jamais nos postes sur Coordination Sud ! » Et je n’ai jamais retrouvé qui avait bien pu m’envoyer le descriptif de ce poste, dont j’ai pensé tout de suite qu’il était fait pour moi.
Qu’as-tu trouvé que tu cherchais ?
Un nouveau départ. La force de dépasser ce que j’avais vécu.
Qu’as-tu vécu comme quiproquos liés à des différences culturelles ou difficultés d’intégration ?
Le sous-titre de mon livre, c’est « Perdue dans la jungle de la différence culturelle », et je me suis vraiment toujours sentie en décalage. Pour de petites choses, comme le fait qu’à Madagascar, on n’indique pas le chemin en disant « à droite » ou à gauche », mais en disant « au nord », ou « au sud ». Ou pour des choses fondamentales, comme la façon dont les Malgaches conçoivent la propriété. De ce point de vue-là, il m’a bien fallu trois ans pour passer de « ils me pompent des sous tout le temps » à une compréhension de l’absence de propriété privée dans la mentalité des Malgaches – qui ne m’empêchait pas toujours de récriminer parce qu’ils me pompaient des sous tout le temps.
Quelles rencontres t’ont marquée ?
La rencontre permanente avec la misère, à tous les niveaux, sous toutes ses formes. Les Hautes-Terres, où j’étais, sont une région riche (toutes proportions gardées). Mais on y vit comme en France il y a 150 ans : pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de machines, même pas mécaniques, ni dans les champs, ni à la maison, les enfants rachitiques, l’absence de soins médicaux… Et une ignorance totale du monde qui entoure les enfants comme les adultes, du monde proche et du monde lointain.
Pourquoi as-tu voulu mettre sur papier et publier ton expérience ?
Je suis rentrée avec le sentiment que j’avais vécu un dépaysement exceptionnel. Sans doute parce que j’étais partie seule, donc que j’étais en immersion totale, je pense que j’ai eu un besoin beaucoup plus fort de vivre proche des Malgaches que des volontaires qui sont partis en famille. Et j’avais très envie de raconter cette aventure.
À ton avis, que peut apporter d’utile ton témoignage ?
Je pense qu’il peut servir à des envoyés, pour les préparer, justement, à toutes les incompréhensions, tous les décalages dus à la différence de culture et à la différence de niveau de vie, que l’on ressent parfois douloureusement. Et aussi : par petites touches, et en restant toujours au ras des pâquerettes, je pense que j’ai réussi à donner une impression de ce qu’est la vie dans un pays sous-développé (oui, je dis « sous-développé »), et dans un pays sur lequel est passé le rouleau compresseur de la colonisation. Et que dans le monde actuel, cela peut être important de comprendre cela.
Cécile Millot
Les aventures de madame Cécile à Madagascar
À commander aux éditions Amalthée
À partir de 9,99€