Méditation du jeudi 16 décembre. En ce temps d’avant Noël, évitons le trop-plein : conservons du vide, de l’espace que Dieu puisse remplir. Noël, c’est Dieu qui vient, mais ni de la manière, ni là où nous l’attendions.

« La Nativité », fresque de Sandro Botticelli (vers 1476-1477) © Wikimedia Commons

Pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait accoucher arriva, et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’emmaillota et l’installa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait plus de place pour eux dans la salle commune.
(Luc 2, 6-7)

Le monde est plein. Le monde est plein de monde. Le monde est plein d’objets. Le monde est plein d’ambitions. Le monde est plein de croyances et de bonnes intentions.

Le monde est si plein que Dieu s’y montre dans les interstices. Là où nous ne l’attendons sûrement pas. À la crèche, par exemple : dans le lieu où sont relégués ceux qui ne trouvent pas place dans l’espace commun, dans la salle commune. Le lieu inhospitalier par excellence.
Est-ce qu’il reste un peu de vide, dans ce monde, pour que Dieu puisse y venir ? Est-ce qu’il reste un peu de vide pour qu’un écho de sa Parole puisse résonner ?

Il existe un petit jeu qui s’appelle le taquin, un de ces petits jeux qui s’entassent dans un tiroir ou s’égarent sous un meuble, un jeu sans importance, qui ne sert qu’à passer le temps et sur lequel on se surprend parfois à passer des heures, un de ces petits jeux auxquels on pense aux moments les plus bizarres sans savoir pourquoi.

Il a une règle tellement simple que ce n’est même pas une règle : il s’agit de mettre en ordre une série (des chiffres, des lettres ou une image). Mais le jeu n’est pas dans la règle, il est dans la matérialité du petit plateau, et il faut qu’il soit petit pour qu’on puisse y jouer. Un plateau minuscule, cinq ou six centimètres de côté au maximum, et des cases – des cases qui coulissent les unes par rapport aux autres à l’intérieur d’un cadre.

❝ Il vient !

Si toutes les cases sont occupées, ça n’est qu’un petit carré. Mais si vous enlevez une des cases, si vous libérez une des cases… Là, ça devient intéressant. Vous pouvez faire bouger un des petits carrés qui restent en le poussant du bout du doigt, là où se trouve maintenant une place vide. Dans l’espace ainsi libéré, vous pouvez pousser un autre petit carré. Et ainsi de suite. Vous pouvez faire bouger l’espace vide comme ça, en le remplissant tour à tour. C’est là que c’est beau. Parce que si vous écoutez ce qui se passe en le disant à haute voix, vous entendrez ça : « Un plein dans le vide, encore un plein dans le vide, le vide bouge, c’est le vide qui permet que ça bouge… » C’est exactement ça : sans vide, il n’y a pas de mouvement possible.

Pourquoi vous raconter tout ça ? Parce que c’est presque Noël. Et que c’est le plus beau des cadeaux que nous puissions faire, le plus cadeau que nous ayons reçu. Qu’il y ait un peu de vide quelque part, pour permettre que ça bouge. Que tout ne soit pas plein, pour que le mouvement soit possible. Un peu de vide pour de la vie… à chacun de l’interpréter sur son propre chemin ! Un peu de vide dans notre temps, dans nos certitudes, dans nos habitudes, dans notre quotidien. Un peu de vide pour retrouver le souffle, pour retrouver le sens.

La case vide… c’est la folie de l’Évangile ! C’est le souffle qui, malgré notre monde si plein, malgré nos vies si pleines, vient s’insinuer là où on ne l’attendait pas. Oui, Dieu vient ! Il vient là où vous ne l’attendez pas, mais il vient… Vous pouvez faire de la place pour lui, vous pouvez écouter le son infime qu’il fait en entrant dans nos vies… mais ça n’est pas une condition pour qu’il vienne. De toute façon, il vient. Il s’installe. Il trouve le petit espace nécessaire, dans le monde et en vous. Il parle. Vous l’avez entendu, et vous l’entendrez encore. Il vient !

❝ Un tout petit espace…

Il vient en révélant un visage de Dieu que nous n’attendions pas. Couché dans une mangeoire. Ou là-haut sur une croix. Alors que nos regards se tournent vers le ciel, c’est lui qui vient et qui bouleverse notre monde, comme un souffle de liberté. Il vient !

Ce bébé n’était pas prévu par le monde et le monde ne l’a pas reçu. Il n’y avait plus de place pour lui, plus de place dans la maison commune. Mais quand Dieu s’installe, ça bouscule : la Parole de Dieu qui s’installe dans le monde, ça bouscule. Parce que pour prendre racine, elle va bousculer nos habitudes, nos certitudes, nos attentes et nos vies. Elle vient bousculer l’humanité tout entière.

La Parole de Dieu, personne ne la possède. C’est elle qui est venue trouver sa place dans le monde, de façon inattendue. Et 2000 ans plus tard, pour entendre Dieu, on se souvient de cette mangeoire, l’espace inattendu où a surgit Dieu dans le monde, et surtout on écoute le souffle qui passe. Le monde est plein, mais le souffle a toujours de la place !

Un tout petit espace…

Prière

Nous nous unissons dans la prière et nous portons dans cette prière tous les envoyés du Défap de par le monde :

Père, ta Parole nous a redit ton amour pour ce monde.
Nous te prions pour celles et ceux qui ont faim, fais-nous découvrir la joie du partage.
Nous te prions pour les immigrés et les exilés, prépare-nous à les accueillir avec toutes leurs différences.
Nous te prions pour les solitaires, conduis-nous sur le chemin de leur souffrance.
Nous te prions pour les méprisés et les détenus, rappelle-nous qu’ils ont droit au respect.
Nous te prions pour les malades, inspire-nous l’offrande d’une présence.
Nous te prions pour celles et ceux qui exercent l’autorité dans le monde ; donne à chacun de nous d’assumer ses responsabilités.
Nous te prions pour ton Eglise, apprends-lui à rester fidèle.
Comme Jésus l’a enseigné à ses disciples, nous te disons :
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ;
pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal,
car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles.
Amen.