La pasteure Pascale Renaud-Grosbras a rejoint l’équipe du Défap en cours d’été au service Animation-France, où elle prend la suite de la pasteure Florence Taubmann. Rencontre.

Pascale Renaud-Grosbras lors d’un entretien radiophonique © Service protestant

Pascale Renaud-Grosbras, vous êtes arrivée dans l’équipe du Défap en juillet dernier… Un moment assez particulier pour le Service protestant de mission, qui célèbre ses 50 ans. Comment vivez-vous cette période ?
Pascale Renaud-Grosbras : Je suis encore dans la phase de la nouvelle venue, avec un regard extérieur, un peu naïf, qui permet de découvrir le travail d’une équipe et les questions auxquelles il faut répondre au quotidien dans une structure comme le Défap. J’ai étudié la missiologie à l’université, comme tous mes collègues pasteurs, mais arriver dans la vénérable Maison des Missions, boulevard Arago, me fait toucher du doigt l’histoire longue de tous ceux qui nous ont précédés. Il y a encore peu, on partait en terrain de mission dans des conditions précaires pour lesquelles il fallait se préparer longtemps : on apprenait à construire une maison, à cultiver de quoi se nourrir, on apprenait des rudiments de topologie, une langue nouvelle… bref, on partait sans forcément prévoir de rentrer, c’était une vocation à vie. Aujourd’hui, les envoyés sont à un avion de chez eux, pas beaucoup plus : on ne pense plus la mission de la même façon, déjà parce que les conditions concrètes ont profondément changé. On ne se prépare pas de la même façon non plus : aujourd’hui, une préoccupation importante de l’équipe du Défap c’est de transmettre un fond de connaissances sur les questions interculturelles, par exemple, et les futurs envoyés discutent beaucoup entre eux, et avec nous, de ce qu’ils apprennent à ce sujet. Nos Églises, aussi, nous interpellent de plus en plus à ce sujet. Les communautés sont de plus en plus mélangées, nos pasteurs sont parfois issus d’autres cultures : comment tout ça fonctionne-t-il, comment on peut l’accompagner ? Bref, j’ai encore beaucoup à découvrir, à réfléchir et c’est passionnant !

Le Défap, portait chinois : si c’était un animal, un fruit, une couleur, un instrument de musique, pour vous, ce serait… ?
Pascale Renaud-Grosbras : Un animal ? Un chat ! Parce que les chats ne supportent pas les portes fermées, et que je vois le Défap comme le signe que nos Églises ont vocation à ouvrir des portes.
Un fruit, exotique, sans doute, pour dire toute la diversité des lieux d’envoi aujourd’hui !
Une couleur ? Le « vert Défap », un beau vert opale qui fait partie de notre logo.
Un instrument de musique je ne vois pas, pour moi le Défap c’est plutôt un orchestre qui fait vivre des tonalités multiples.

Avant de devenir pasteure, vous avez eu une vie professionnelle bien remplie… Qu’est-ce qui vous a orientée vers cette nouvelle voie – et vers le Défap ?
Pascale Renaud-Grosbras : Je suis devenue pasteure parce que je suis tombée dans la marmite de la prédication : entendre prêcher l’Évangile puis me confronter moi-même au défi de trouver dans les textes bibliques l’étincelle de bonne nouvelle pour nos vies a été fondateur. J’étais une littéraire et l’exégèse a tout naturellement pris une place importante dans mon ministère, ça reste important jusqu’à aujourd’hui. Rejoindre l’équipe du Défap au poste d’animatrice, c’est faire le pari qu’on peut réfléchir ensemble aux défis de la mission aujourd’hui, en faisant confiance à l’intelligence collective. On peut s’appuyer sur les textes, sur l’histoire de la mission, pour prendre un nouvel élan et imaginer des choses nouvelles. C’est passionnant ! Partager l’Évangile et les questions que cela soulève, ça reste passionnant.

Peut-on y voir une relation avec la thèse sur l’hospitalité que vous préparez actuellement ?
Pascale Renaud-Grosbras : Je crois en effet que l’hospitalité est une clé intéressante pour penser la mission aujourd’hui. Les textes bibliques déploient beaucoup cette image pour dire la relation entre Dieu et les humains, pour essayer de nous ouvrir à une autre compréhension de qui est Dieu pour nous et de comment on peut le recevoir dans nos vies. Et puis bien sûr, il y a des injonctions à l’hospitalité : ça veut dire que se montrer accueillant, ça ne va pas de soi, mais que c’est un risque à prendre parce que la rencontre avec l’autre est vitale. Une partie de ma thèse s’intéresse aux pratiques d’hospitalité dans nos communautés : qu’est-ce que ça veut dire quand quelqu’un d’étranger à la communauté vient au culte et que personne ne lui parle ? Qu’est-ce que ça veut dire, qu’une communauté ait perpétué depuis des générations la pratique des repas partagés – et qui y participe ? Ces questions permettent de souligner qui est vu comme légitime ou non à prendre part à l’hospitalité. Pour la mission, c’est pareil, qu’on parle des envoyés depuis la France ou des gens reçus ici, il y a des choses à réfléchir du côté des pratiques et de la théologie sous-jacente.

Rêvons un peu : pour vous, à quoi ressemblerait le Défap idéal ?
Pascale Renaud-Grosbras : Le Défap idéal, c’est celui qui n’oublie rien de son histoire et qui en fait un tremplin pour aider les Églises à accomplir la mission qui leur est confiée : transmettre la belle, la bonne nouvelle, celle qui ne nous appartient pas, mais qui passe par nous. Je réfléchis beaucoup à la question de l’Église universelle – ou plutôt l’Église invisible dont parlaient les Réformateurs, celle dont seul Dieu connaît les contours. Celle-là, il ne nous est pas demandé de la construire, mais de l’habiter, avec les frères et les soeurs qui nous sont donnés. Elle nous préexiste et elle vivra encore après nous, mais nous avons un rôle à y jouer, librement. Ca passe par des actes très concrets : permettre à des jeunes et des moins jeunes de faire l’expérience de la vie dans une Église à l’autre bout du monde, accueillir des frères et des soeurs venus d’ailleurs, ça demande des qualités professionnelles pointues et beaucoup d’organisation. C’est du concret, de l’incarné. Et ça nous permet de ne pas nous replier sur l’illusion que nous sommes l’Église tous seuls, chacun dans notre coin. Le Défap idéal, c’est celui qui rappelle aux Églises qu’elles ne sont pas tout ce qui existe de l’Église !

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