Ils ne représentent qu’une fraction des 1% de protestants que compte la société libanaise ; leur histoire remonte pourtant à la moitié du XIXème siècle. Avec, très tôt, des liens forts avec les protestants de France. Retour sur l’histoire de l’Église protestante française de Beyrouth, seule église protestante d’expression francophone au Liban.

Membres de la paroisse protestante francophone de Beyrouth, en compagnie du pasteur Riess © Gérard Riess

 

Une communauté sans temple, mais bien vivante. C’est le paradoxe de l’EPFB, l’Église protestante française de Beyrouth, qui depuis plus de six ans, dépend pour ses réunions du Collège Protestant de la ville. Une «petite communauté mosaïque» comme la décrivait Christine Lacoste, l’épouse du pasteur Pierre Lacoste, envoyé du Défap auprès de cette Église jusqu’en 2019, et auquel a succédé le pasteur Gérard Riess comme pasteur intérimaire bénévole. Elle a connu ces dernières années une croissance permise par son témoignage auprès des employés de maison – souvent des jeunes femmes malgaches, venues en quête d’un moyen de subvenir aux besoins de leur famille restée au pays, et qui sont désormais nombreuses aux cultes de l’EPFB, aux côtés de la communauté francophone protestante de Beyrouth ou de paroissiens d’autres origines.

Au Liban où le protestantisme, surtout lié aux missions américaines, représente environ 1% de la population, le protestantisme français apparaît comme une minorité dans la minorité. Et pourtant, voilà plus d’un siècle et demi que le protestantisme francophone est installé au Liban. Plus précisément depuis le 23 novembre 1856, date du premier culte protestant de langue française jamais organisé au Moyen-Orient. L’histoire de la paroisse protestante de Beyrouth a retenu qu’il avait, grâce à une certaine concorde alors en vigueur en Europe, été présidé par un pasteur allemand parfaitement bilingue… Concorde que la Première Guerre mondiale avait fait voler en éclats. La guerre finie, en 1919, le Traité de Versailles, principalement dans son article 438, avait dès lors défini dans quelles conditions les biens appartenant à des missions religieuses chrétiennes allemandes devaient revenir à des missions religieuses des États alliés ayant les mêmes croyances.

Le tournant des années 2000

Le protestantisme en France, essentiellement tourné vers les terres d’Afrique, n’était pas particulièrement préparé à assumer cette nouvelle responsabilité. La Fédération protestante de France avait toutefois, après des hésitations, choisi d’assumer cette tâche sous l’impulsion d’hommes comme le pasteur Jean Bianquis et son fils Philippe, professeur à l’université américaine à Beyrouth. De cette période datent donc les liens privilégiés entre les protestants de France et la communauté protestante francophone de Beyrouth. Il faudra encore attendre le printemps 1926 pour qu’une mission conduite par le sénateur Eccard séjourne au Liban accompagné de Jean Bianquis (ancien directeur de la Société des missions évangéliques de Paris – désormais le Défap) et de Mlle Puech, infirmière, pour prendre en charge l’héritage de la mission allemande, composé essentiellement d’une église et d’un collège de jeunes filles. Cette école devait par la suite devenir le Collège Protestant.

Longtemps la communauté est restée principalement composée d’expatriés ou de résidents français. Mais les années 2000 ont marqué un tournant avec l’arrivée de domestiques malgaches, souvent protestantes et francophones, pratiquement sans droits et sans aucune visibilité au sein de la société libanaise, et qui ont trouvé au sein de l’EPFB un refuge et un lieu où exister et exprimer leur foi.

Un projet immobilier toujours bloqué

Culte en période de crise sanitaire à Beyrouth © Gérard Riess

Un nouvel élan a été pris en août 2013 : suite au départ du pasteur Robert Sarkissian, présent depuis 1970, la FPF a dépêché une mission, comme jadis elle l’avait fait avec la mission exploratoire «Eccard-Bianquis-Puech». C’est sous son égide que cinq partenaires se sont engagés à encourager et à soutenir le témoignage protestant français au Levant : la Ceefe (Commission des Églises protestantes d’expression française à l’extérieur), la FPF, le Défap, l’ACO (Action chrétienne en Orient), en lien avec l’APFB (Association Protestante Française de Beyrouth). Ce soutien s’est manifesté à travers l’envoi par le Défap du pasteur Pierre Lacoste, présent à Beyrouth de 2013 à 2019, et dont le pasteur Gérard Riess, en tant que pasteur intérimaire bénévole, a pris la suite de 2019 à 2020.

Mais la petite communauté de Beyrouth se trouve sans lieu de réunion depuis plus de six ans. Plus précisément depuis la démolition de son temple, qui aurait dû faire place à un bâtiment plus moderne et plus adapté. À l’origine, l’opération immobilière était destinée à assurer les frais de fonctionnement et l’avenir de l’Église protestante française de Beyrouth, à travers la vente d’une partie du terrain de 4600 m2 du temple historique de la paroisse pour mettre en œuvre un projet entièrement neuf, combinant centre cultuel et activités sociales et culturelles. Un organisme spécifique, la Fondation des Cèdres, a même été créé en décembre 2014 pour gérer le capital issu de cette opération immobilière et financer la construction du nouvel ensemble ; mais à ce jour, le projet reste bloqué.

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