Même si le scrutin paraît lointain vu de la métropole, le référendum d’autodétermination qui se tient ce week-end en Nouvelle-Calédonie cristallise une fois de plus les tensions.

Délégation de la Nouvelle-Calédonie Clôture du 4ème festival des arts mélanésiens, Mwâ kâ Nouméa, Nouvelle-Calédonie 2010 © Sekundo

Loin des informations quotidiennes sur la pandémie de Covid-19 et des aléas de la politique métropolitaine, c’est un peu du destin de la France qui va se jouer ce dimanche 4 octobre, à près de 18.000 km de distance, en plein Pacifique. Un an et onze mois après le référendum d’autodétermination du 4 novembre 2018, les Calédoniens sont de nouveau, ainsi que le prévoyait l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, appelés à se prononcer sur l’avenir de leur terre.

Il s’agit du troisième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie – et comme les précédents, il est organisé dans un climat de forte tension. Mais la situation a beaucoup changé depuis les années 80. Le premier référendum, celui de 1987, organisé dans le contexte du retour à la paix après la violence des «événements,» avait été boycotté par les indépendantistes. Sans surprise, 98,3% des suffrages exprimés s’étaient prononcés pour le maintien au sein de la République, mais avec une participation inférieure à 60%. Le scrutin de 2018, au contraire, avait vu une forte participation : plus de 81%. Et une nouvelle victoire du «non» à l’indépendance, mais bien moins large qu’annoncé : 56,67%. Entre ces deux référendums, la Nouvelle-Calédonie avait connu plus de trente ans de paix civile et des transformations profondes de sa vie politique et de sa société : une large autonomie, une population de plus en plus multiculturelle mêlant Kanaks, Européens, mais aussi Wallisiens, Vietnamiens, Chinois… Désormais, les enjeux d’un «oui» ou d’un «non» à l’indépendance ne sont plus les mêmes. Si elle reste prédominante, la traditionnelle opposition entre Kanaks et Caldoches, entre les premiers habitants de cette terre et les descendants de colons, n’est plus suffisante pour rendre compte de l’évolution d’un territoire qui a connu en trente ans une forte croissance propulsée par l’industrie du nickel, un fort développement urbain (Nouméa concentre à elle seule 100.000 habitants sur les 270.000 de l’archipel) et une évolution de ses institutions qui lui donne aujourd’hui un mode de gouvernance unique au monde. Car la rapidité même de ces évolutions s’est accompagnée de disparités importantes, non seulement territoriales, mais aussi sociales – avec notamment un fort chômage des jeunes, et tout particulièrement des jeunes Kanak.

Le score inattendu du «oui» en octobre 2018

Une large victoire du «non» en novembre 2018 aurait marqué la fin de cette série de référendums. Ce qu’espéraient les anti-indépendantistes, qui comptaient voir ainsi annulée la tenue des deuxième et troisième référendums prévus par l’accord de Nouméa. Mais le score inattendu du «oui» avait ouvert la possibilité d’organiser un nouveau scrutin dans les deux ans – puisqu’il suffisait pour cela d’une demande écrite adressée au haut-commissaire et signée par un tiers des membres du congrès.

Face à tous les risques de tensions avant et, surtout, après le référendum, les Églises ont une parole d’apaisement à apporter, dans ce territoire où la vie spirituelle s’exprime plus ouvertement qu’en métropole et où la laïcité à la française ne s’applique pas. Au sein du protestantisme calédonien, représentant aujourd’hui un tiers de la population, c’est le cas de l’Église Protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC), qui entretient une longue histoire avec le protestantisme français. Constituée en grande majorité de Kanak, elle avait, dès les années 70, souligné les aspects néfastes de la colonisation. Devenue autonome dans les années 60 sous le nom de «Église Évangélique en Nouvelle-Calédonie et aux Iles Loyauté», elle a changé son nom en 2013, pour y intégrer l’appellation de Kanaky. Lors de la campagne du référendum de novembre 2018, elle a encouragé ses membres à une démarche d’accueil de l’autre dans sa diversité, en insistant sur l’aspect multiculturel que présente désormais la population néo-calédonienne. Ce qui se retrouvait dans son appel à une «Semaine de prière pour la paix dans le pays et pour toute l’année 2018», placé sous ce thème issu d’Éphésiens 2,19 : «Concitoyens d’un pays nouveau».

Défendre l’identité Kanak

C’est dans ce contexte que se place ce texte du pasteur Daniel Wea, de l’EPKNC. Un texte qui reste marqué par la volonté de défendre l’identité Kanak – un sujet tellement sensible qu’il a largement influé sur la composition du corps électoral pour ces référendums d’autodétermination. Un texte qui se veut aussi politiquement engagé, et qui va au-delà des positions affichées aujourd’hui par l’EPKNC. Il ne se prétend pas porteur d’un discours officiel de son Église ; mais il est révélateur des évolutions et des interrogations qui l’ont traversée et la travaillent encore aujourd’hui, face à une société certes multiculturelle, mais divisée et où les Kanaks cherchent encore leur place, et où le «destin commun» évoqué par le préambule de l’Accord de Nouméa reste encore à construire.

Et pour éclairer les enjeux du scrutin de ce dimanche 4 octobre, quelques éléments : un article de la1ere.fr, le Portail des Outre-mer, qui consacre aussi un dossier complet à ce référendum ; et un numéro de 2018 du Bulletin de l’Amicale des Pasteurs français à la retraite qui revient sur les liens entre les protestantismes de la métropole et de la Nouvelle-Calédonie.

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