Méditation du jeudi 17 janvier 2019. Nous poursuivons notre lecture du cycle de Joseph et nous prions cette semaine pour nos envoyés en Égypte.

Joseph alla informer le Pharaon : « Mon père et mes frères, dit-il, sont arrivés du pays de Canaan, avec leurs moutons, leurs chèvres, leurs boeufs et tous leurs biens. Ils se trouvent actuellement dans la région de Gochen. »

Puis Joseph prit cinq de ses frères et les présenta au Pharaon. Celui-ci leur demanda : « Quel métier faites-vous ? » — « Majesté, répondirent-ils, nous sommes éleveurs de petit bétail, comme l’étaient nos ancêtres. La famine pèse si lourdement sur le pays de Canaan, qu’il n’y a plus de pâturages pour nos troupeaux. Nous sommes venus ici comme immigrés. Veuille nous accorder le droit de nous installer dans la région de Gochen.»

Le Pharaon dit à Joseph : « Maintenant que ton père et tes frères sont venus te rejoindre, toute l’Égypte est à ta disposition. Choisis le meilleur endroit du pays pour les y installer. Ils peuvent très bien séjourner dans la région de Gochen. Et si tu estimes qu’il y a parmi eux des hommes compétents, désigne-les comme responsables de mes propres troupeaux. »

Joseph amena aussi son père chez le Pharaon et le lui présenta.

Jacob salua respectueusement le Pharaon, et le roi lui demanda : « Quel est ton âge ? »

— « Il y a cent trente ans que je vais d’un pays à l’autre comme un étranger, répondit Jacob. Ma vie a passé vite, et j’ai connu des années difficiles. Je n’ai pas atteint l’âge de mes ancêtres, qui menaient pourtant la même existence que moi. » Jacob salua de nouveau le Pharaon et sortit du palais royal.

Joseph installa son père et ses frères dans le meilleur endroit d’Égypte, dans les environs de Ramsès, conformément à l’ordre du Pharaon. Il leur donna des terres en propriété. Il fournit des vivres à son père, à ses frères et à toutes leurs familles, selon le nombre des bouches à nourrir.

Joseph amassa tout l’argent d’Égypte et de Canaan avec lequel les gens lui achetaient du blé et il le fit déposer dans le palais du Pharaon.

Lorsqu’il n’y eut plus d’argent, ni en Égypte ni en Canaan, les Égyptiens vinrent dire à Joseph: « Donne-nous à manger. Faudrait-il que nous mourions sous tes yeux, parce que nous n’avons plus d’argent ? » — « Si vous n’avez plus d’argent, donnez-moi vos troupeaux, répondit Joseph, et moi, en échange, je vous donnerai à manger. » Ils amenèrent donc leurs troupeaux à Joseph qui leur procura de la nourriture en échange de leurs chevaux, moutons, chèvres, boeufs et ânes. Cette année-là il leur assura de quoi manger en échange de tout leur bétail.

Au bout d’une année, ils revinrent et dirent à Joseph : « Monsieur l’Administrateur, nous ne pouvons pas cacher que nous n’avons plus d’argent et que nos troupeaux t’appartiennent déjà. Nous n’avons plus rien d’autre à te proposer que nos personnes et nos terres. Faudrait-il que nous mourions sous tes yeux et que nos terres soient abandonnées ? Achète-nous avec nos terres, et fournis-nous de quoi manger. Nous serons, nous et nos terres, au service du Pharaon. Nous ne tenons pas à mourir. Procure-nous des semences pour que nous puissions survivre et que les terres ne soient pas réduites en désert. »

Joseph acheta toutes les terres d’Égypte pour le compte du Pharaon, parce que la famine s’était aggravée et que chaque Égyptien vendait son champ. De cette manière, le pays tout entier devint la propriété du Pharaon et Joseph réduisit le peuple en esclavage d’un bout à l’autre du pays. Les seules terres que Joseph n’acheta pas furent celles des prêtres, parce qu’il existait un décret du Pharaon en leur faveur. En effet, ils vivaient de ce que le Pharaon leur attribuait, c’est pourquoi ils n’eurent pas à vendre leurs terres.

Joseph s’adressa au peuple : « Maintenant que je vous ai achetés, vous et vos terres, pour le compte du Pharaon, je vais vous procurer du blé à semer dans les champs. Mais au moment de la moisson, vous donnerez un cinquième des récoltes au Pharaon. Les quatre autres cinquièmes vous appartiendront. Vous vous en servirez pour ensemencer les champs et pour vous nourrir, vous, vos enfants et tous ceux qui habitent dans vos maisons. »

Ils répondirent : « Tu nous sauves la vie. Puisque tu nous manifestes ta bienveillance, nous acceptons d’être les esclaves du Pharaon. » C’est ainsi que Joseph promulgua une loi, qui est encore en vigueur aujourd’hui : en Égypte, un cinquième des récoltes revient au Pharaon. Seules les terres des prêtres ne devinrent pas la propriété du Pharaon.

Les Israélites s’étaient établis en Égypte, dans la région de Gochen. Ils y acquirent des propriétés, eurent des enfants et devinrent très nombreux. Jacob vécut dix-sept ans en Égypte. La durée de sa vie fut de cent quarante-sept ans.

Lorsque Jacob sentit la mort venir, il appela son fils Joseph et lui dit : « Si tu as de l’affection pour moi, montre-moi ton amour et ta fidélité : ne m’enterre pas en Égypte. Promets-le-moi en mettant ta main sous ma cuisse. Quand je serai mort, tu emporteras mon corps d’Égypte et tu iras le déposer dans le tombeau de mes ancêtres. » — « Je ferai ce que tu m’as demandé », répondit Joseph. Jacob insista : « Jure-le-moi ». Joseph le lui jura. Alors Jacob le remercia en s’inclinant profondément à la tête de son lit. Genèse 47,1-31

 


Source : DR

 

Jacob est descendu en Égypte avec toute sa famille et ses biens. C’est avec une profonde émotion qu’il a retrouvé son fils Joseph. Celui-ci, sur la proposition de Pharaon, fait le projet d’installer les siens dans une région prospère du pays, à part des égyptiens, qui n’ont aucune sympathie pour les peuples bergers.

Mais cette installation, heureuse pour les réfugiés, coïncide avec une période terrible pour l’Égypte. La sécheresse et le manque règnent encore sur le pays, et les habitants, qui ont épuisé leurs économies, sont obligés de se séparer de leurs biens, puis d’entrer en servitude, pour simplement se nourrir et survivre.

Ainsi Joseph, ministre plénipotentiaire de Pharaon, assume un rôle dangereusement paradoxal. Il sauve les égyptiens de la famine mais fait peser sur eux la dure main de Pharaon, tout en limitant les futures redevances à 1/5 des récoltes. Et avec l’accord de Pharaon il sauve sa famille, mais, en lui donnant une position privilégiée, il risque fort, si la crise alimentaire s’aggrave, de l’offrir un jour en pâture à la vindicte du peuple égyptien. Car de tout temps les épreuves collectives favorisent la désignation d’un bouc émissaire.
Une double question est posée aux hébreux : quels liens gardent-ils ou non avec la terre que Dieu leur a donnée, et avec l’identité de « Jacob-Israël » que Dieu leur a conférée ? Il semblerait qu’il y ait sur ces questions une divergence entre Joseph et son père Jacob. 

Joseph a prospéré en exil ; il a épousé une femme égyptienne, dont il a eu deux fils auxquels il a donné des noms hébraïques. Joseph assume une double-identité, et aujourd’hui il ne désire qu’une chose : garder son père et sa famille près de lui, à l’abri. Mais Joseph n’a pas vraiment pensé aux modalités de leur intégration : peuple résidant à part, adorant son propre Dieu, avec des occupations et responsabilités spécifiques de pasteurs, y compris pour le compte de Pharaon, quelle sera la relation de ce peuple avec le peuple égyptien ?

Jacob, pour sa part, est conscient que les choses sont moins simples qu’il n’y paraît. Il est dépositaire de la promesse et ne peut rompre la chaîne de transmission qui lui vient d’Abraham. C’est pourquoi, s’il accepte de demeurer en Égypte pour le moment, il demande à Joseph qu’à sa mort, ses ossements soient emportés dans le tombeau de ses pères.

Les questions soulevées par ce récit sont fondamentales pour tous, mais les peuples en exil les incarnent de manière plus évidente. Il en va de l’identité de l’être humain – identité personnelle et collective. Qui sommes-nous ? Qu’est-ce que l’identité ? Notre identité est-elle liée à une terre, un pays  ? Devons-nous garder l’identité de ceux qui nous ont précédés ? Ou au contraire devons-nous accepter de nouveaux enracinements liés à de nouveaux contextes et conditions de vie ? Et si nous sommes exilés, devons-nous, pouvons-nous, « rentrer au pays » ?

Les réponses ne seront pas les mêmes pour tous, mais une chose est sûre, ici comme là-bas le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, de Moïse, de Jésus-Christ reste Dieu et Père pour nous, il ne nous abandonne pas et nous appelle à son service.

 

 


Source : Pixabay

 

Nous prions pour nos envoyés en Égypte.

Dieu, qui dans ta providence, dès le commencement du monde,
As prescrit à la terre de produire l’herbe et des fruits de toute sorte,
Toi qui donnes au semeur la semence et le pain pour la nourriture,
Nous t’en prions:
Permets que cette terre, enrichie par ta largesse et cultivée par le travail humain,
Produise du fruit en abondance
Pour que les peuples se réjouissent des biens que tu leur accordes,
Et qu’ils te rendent grâce ici et dans l’éternité.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

Livre des Bénédictions (1986), Conférence des évêques catholiques du Canada

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