Méditation du jeudi 10 janvier 2019. Nous prions pour notre envoyée en Haïti et nous reprenons notre lecture interculturelle du cycle de Joseph. Les frères de Joseph sont repartis en Canaan avec des provisions, laissant Siméon en otage. À la demande de Joseph, ils reviennent en Égypte avec Benjamin, que Joseph projette de retenir à son tour en otage, au désespoir de Juda…

Alors Joseph, incapable de contenir son émotion devant les gens de son entourage, leur ordonna de sortir. Ainsi était-il seul avec ses frères quand il se fit reconnaître d’eux. Mais il pleurait si fort que les Égyptiens l’entendirent, et que la nouvelle en parvint au palais du Pharaon.

Joseph dit à ses frères : « C’est moi Joseph ! Mon père est-il encore en vie ? » Mais ses frères furent tellement saisis qu’ils furent incapables de lui répondre.

« Approchez- vous de moi », leur dit-il. Ils s’approchèrent.

Joseph reprit : « C’est moi Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour être emmené en Égypte. Ne vous tourmentez pas et ne vous faites pas de reproches pour m’avoir vendu ainsi. C’est Dieu qui m’a envoyé ici à l’avance, pour que je puisse vous sauver la vie. Il y a déjà eu deux années de famine dans le pays, mais pendant cinq années encore on ne pourra ni labourer la terre ni récolter les moissons. Dieu m’a donc envoyé dans ce pays avant vous, pour que vous puissiez y avoir des descendants et y survivre ; c’est une merveilleuse délivrance. Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu. Et c’est encore lui qui a fait de moi le ministre le plus puissant du Pharaon, responsable du palais royal et administrateur de toute l’Égypte.

Maintenant dépêchez-vous d’aller dire à mon père : « Voici le message que t’adresse ton fils Joseph : Dieu a fait de moi le maître de toute l’Égypte. Viens chez moi sans tarder. Tu t’installeras dans la région de Gochen avec tes enfants, tes petits-enfants, ton bétail, moutons, chèvres et boeufs, et tous tes biens. Tu seras ainsi tout près de moi. Ici je te fournirai des vivres, pour toi, ta famille et tes troupeaux, afin que vous ne manquiez de rien, car il y aura encore cinq années de famine». »
Et Joseph ajouta : « Vous voyez bien, et toi en particulier, Benjamin, que c’est moi qui vous parle. Allez donc dire à mon père quelle importante situation j’occupe en Égypte, et racontez-lui tout ce que vous avez vu. Ensuite dépêchez-vous de l’amener ici. » Joseph se jeta au cou de Benjamin, et tous deux s’embrassèrent en pleurant. Joseph pleurait aussi en embrassant ses autres frères. Alors seulement ils osèrent lui parler.

Au palais royal on apprit que les frères de Joseph étaient arrivés en Égypte. Le Pharaon fut heureux de cette nouvelle, ainsi que son entourage. Il dit à Joseph : « Dis à tes frères de charger leurs bêtes et de repartir au pays de Canaan, pour aller y chercher leur père et leurs familles et pour les ramener ici. Je les installerai dans la région la plus prospère d’Égypte, où ils disposeront des meilleurs produits du pays. Tu diras aussi à tes frères de se procurer ici des chariots pour ramener leurs femmes et leurs enfants, ainsi que leur père. Ils ne doivent pas regretter ce qu’ils laisseront là-bas, car ils viendront s’installer dans la région la plus prospère de l’Égypte. »

Les fils de Jacob firent ce qu’on leur proposait. Joseph leur fournit des chariots, selon l’ordre du Pharaon, ainsi que des provisions de route. Il fit cadeau d’un habit de fête à chacun d’eux, mais à Benjamin il en donna cinq, ainsi que trois cents pièces d’argent. En outre il envoya à son père, pour le voyage, dix ânes chargés des meilleurs produits d’Égypte et dix ânesses chargées de blé, de pain et d’autre nourriture. Il recommanda à ses frères de ne pas se disputer en cours de route, puis les laissa partir. Ceux-ci quittèrent l’Égypte, gagnèrent le pays de Canaan et arrivèrent auprès de leur père Jacob.

Ils lui annoncèrent : « Joseph est toujours en vie ! Il est même administrateur de toute l’Égypte. » Jacob ne réagit pas, car il ne les croyait pas. Mais ils lui rapportèrent tout ce que Joseph leur avait dit, ils lui montrèrent les chariots que son fils avait envoyés pour le voyage. Alors Jacob se ranima. Il déclara : « Je n’en demande pas plus. Mon fils Joseph est toujours en vie. Je veux aller le revoir avant de mourir. » Genèse 45,1-28

 


Source : Pixabay

 

On se souvient qu’après leur réconciliation, Jacob et Esaü n’étaient pas restés ensemble, mais que chacun s’était acheminé, avec sa famille, son clan et ses troupeaux, vers son lieu propre : Séir pour Esaü, Sichem pour Jacob. (Gn 33)

À l’opposé, l’objectif de Joseph est, au-delà de la réconciliation avec ses frères, de les réunir tous, avec leur père Jacob, dans son lieu d’exil, l’Égypte.

Mais comment décider Jacob-Israël à quitter la terre de la promesse ? En a-t-il le droit aux yeux de Dieu ? Lors d’une famine Isaac s’était vu interdire de partir en Egypte (Gn 26,2ss)

Est-ce parce que Joseph anticipe les possibles réticences de son père qu’il organise tout un stratagème afin de lui forcer la main : garder Siméon en otage, puis faire venir Benjamin dans le même but ?

Mais Joseph est un affectif ; il ne peut aller jusqu’au bout de son plan. Et on assiste à une scène bouleversante : Joseph, en pleurs, dévoile enfin son identité à ses frères. En même temps il exprime sa foi en affirmant qu’au-delà du mal commis par ses frères, c’est Dieu qui a provoqué son exil pour le bien et le salut de tous.

Alors ce sont les frères eux-mêmes qui désormais sont envoyés vers Canaan, de la part de Joseph, mais aussi de la part du Pharaon, pour aller chercher Jacob et toutes leurs familles afin qu’ils s’installent ensemble dans la meilleure province d’Égypte. 

Cette implantation ressemblerait à une belle histoire si nous ne connaissions la douloureuse suite, décrite au début du livre de l’Exode.

Alors Joseph a-t-il bien fait d’organiser l’installation de son peuple sur la terre d’Égypte ? L’exil doit-il donner lieu à un nouvel enracinement ou ne durer qu’un temps provisoire ? Les exilés doivent-ils rester entre eux, à part, ou bien chercher à s’assimiler ? Ces questions bien complexes ne sont-elles pas toujours actuelles ?

 

 


Louisiane Saint Fleurant (1924-2005), artiste haïtienne

 

Nous prions pour notre envoyée en Haïti et pour tous les exilés à travers cette prière prononcée par le Pape François lors de sa rencontre sur l’ile de Lesbos avec le Patriarche Barthélémy et l’archevêque Jérôme :

« Dieu miséricordieux, nous te prions pour tous les hommes, pour toutes les femmes et pour tous les enfants qui sont morts après avoir quitté leur pays à la recherche d’une vie meilleure.

Bien que beaucoup de leurs tombes ne portent aucun nom, chacun d’eux est connu, aimé et chéri de toi.

Puissions-nous ne jamais les oublier, mais honorer leur sacrifice plus par les actes que par les paroles.

Nous te confions tous ceux qui ont fait ce voyage, affrontant la peur, l’incertitude et l’humiliation, en vue de parvenir à un endroit de sécurité et d’espérance.

Tout comme tu n’as jamais abandonné ton Fils lorsqu’il a été conduit à un endroit sûr par Marie et par Joseph, de même à présent sois proche de tes fils et de tes filles que voici, à travers notre tendresse et notre protection.

En prenant soin d’eux, puissions-nous travailler pour un monde où personne n’est contraint à abandonner sa maison et où chacun peut vivre dans la liberté, la dignité et la paix.

Dieu miséricordieux et Père de tous, réveille-nous du sommeil de l’indifférence, ouvre nos yeux à leur souffrance, et libère-nous de l’insensibilité générée par le confort mondain et l’égocentrisme.

Aide-nous, en tant que nations, communautés et individus, à voir que ceux qui viennent dans nos contrées sont nos frères et sœurs.

Puissions-nous partager avec eux les bénédictions que nous avons reçues de tes mains, et reconnaître qu’ensemble, comme une famille humaine unique, nous sommes tous des migrants, en chemin dans l’espérance vers toi, notre vraie maison, où toute larme sera essuyée, où nous serons tous en paix et en sécurité dans tes bras. »

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