Méditation du jeudi 1er novembre 2018 : poursuite de notre série pour une lecture interculturelle du cycle de Joseph. Nous prions pour nos envoyés au Togo.

Le temps passa. Un jour deux hauts fonctionnaires du roi d’Égypte commirent une faute contre lui. C’étaient le chef des échansons, responsable des boissons du roi, et le chef des boulangers. Le Pharaon se mit en colère et les fit enfermer dans la forteresse, la prison du chef de la garde royale, là même où Joseph était détenu. Le chef de la garde les confia aux soins de Joseph, et ils furent maintenus quelque temps en prison.

Une nuit, l’échanson et le boulanger du roi d’Égypte firent tous deux un rêve dans leur prison. Chacun de ces rêves avait son propre sens. Le matin, quand Joseph vint les voir, il les trouva d’humeur sombre. Il leur demanda : « Pourquoi avez-vous l’air si triste aujourd’hui ? » — « Chacun de nous a fait un rêve, répondirent-ils, et il n’y a personne ici pour nous en donner l’explication. » — « Dieu peut vous la donner, déclara Joseph. Racontez-moi donc ce que vous avez rêvé. »

Le chef des échansons raconta son rêve : « Dans mon rêve, dit-il, il y avait un plant de vigne devant moi. Ce plant portait trois rameaux. Dès qu’il eut bourgeonné, il se couvrit de fleurs, puis de grappes mûres. J’avais en main la coupe du Pharaon. Je cueillis alors des raisins, j’en pressai le jus dans la coupe et je la lui tendis. »

Joseph lui dit : « Voici ce que signifie ton rêve : Les trois rameaux représentent trois jours. Dans trois jours, le Pharaon t’offrira une haute situation : il te rétablira dans tes fonctions. Tu pourras de nouveau lui tendre la coupe, comme tu le faisais précédemment. Essaie de ne pas m’oublier, quand tout ira bien pour toi ; sois assez bon pour parler de moi au Pharaon et me faire sortir de cette prison. J’ai été amené de force du pays des Hébreux, et ici je n’ai rien fait qui mérite la prison. »

Lorsque le chef des boulangers vit que Joseph avait donné une interprétation favorable du rêve, il lui dit : « Moi aussi j’ai fait un rêve. Dans ce rêve, je portais sur la tête trois corbeilles de gâteaux.

La corbeille supérieure était pleine des pâtisseries préférées du Pharaon, mais des oiseaux venaient les picorer dans la corbeille, sur ma tête. »

Joseph lui dit : « Voici ce que signifie ton rêve : Les trois corbeilles représentent trois jours. Dans trois jours le Pharaon t’offrira une haute situation, plus haute que tu ne voudrais : on te pendra à un arbre, et les oiseaux viendront picorer ta chair. »

Trois jours après, le Pharaon fêtait son anniversaire ; il offrit un banquet à tous les gens de son entourage. En leur présence, il offrit de hautes situations au chef des échansons et au chef des boulangers : Il rétablit le premier dans ses fonctions, pour qu’il lui tende de nouveau la coupe, mais il fit pendre le second. Ainsi s’accomplit ce que Joseph avait annoncé. Pourtant le chef des échansons oublia tout à fait Joseph. Genèse 40,1-23

 


Joseph interprète le rêve de l’échanson et du boulanger

 

Nous avons appris en Canaan que Joseph était un rêveur, nous allons le rencontrer maintenant interprète des songes en Egypte. Nous l’avons vu endosser un rôle important dans la maison de Potifar, nous le voyons désormais prisonnier des geôles de Pharaon.

La hiérarchie sociale qui règne dans la société se retrouve en prison : Joseph est mis au service de deux prisonniers de marque qui ont déplu à Pharaon : le boulanger et l’échanson, le maître du pain et le maître du vin. Aujourd’hui encore, on peut retrouver dans les prisons cette relation d’assujettissement entre des prisonniers influents qui font la loi et d’autres qui ont besoin de protection ou d’argent.

Mais pourquoi l’échanson et le boulanger sont-ils incarcérés ? Rien n’est dit de la faute qu’ils ont commise contre Pharaon. Est-ce une faute commune ? La sanction finale semble l’exclure, puisque l’un est rétabli dans sa fonction et l’autre exécuté. Est-ce une faute liée à leurs offices respectifs ? Leurs songes peuvent le suggérer, puisque l’échanson rêve de vigne et de jus de raisin et le panetier de pâtisseries. Cependant le rêve du premier est florissant et flatte Pharaon, celui du second est plus énigmatique, s’arrêtant sur les oiseaux venant picorer les gâteaux dans les corbeilles qu’il porte sur la tête.

Comment Joseph interprète-t-il les rêves qu’on lui soumet ? Ces rêves sont -ils des prémonitions ? Les interprétations de Joseph semblent le confirmer, puisqu’à partir d’éléments oniriques, il va annoncer l’avenir, et les choses se passeront selon ses prédictions. Or Joseph se réfère à l’interprétation de Dieu lui-même.

Il y aurait donc une fatalité inexorable, heureuse pour les uns et malheureuse pour les autres, et personne ne plaiderait en faveur de ces derniers ! Qu’a donc fait le pauvre boulanger pour mériter ce sort ?

Ou le talent de Joseph servirait-il plutôt à annoncer les excès du pouvoir pharaonique, qui, de manière totalement arbitraire décide, sans avoir de compte à rendre à personne, qui parmi ses sujets doit vivre et qui doit mourir ?

Et nous, quels sont nos rêves ? Que nous disent-ils de nos désirs, de nos peurs, et de la marche du monde ? Et qui peut les interpréter ?

 

 


Les danseurs d’Emmanuel Kavi, peintre togolais

 

Nous prions pour nos envoyés au Togo et nous découvrons ce poème de Max Dotsé AMEGEE, poète togolais, avocat au barreau de Paris.

Au bout de moi-même

Au bout de mon rêve ma terre féconde parle et jubile

La vague au pied de mon zénith vient me rendre ces bateaux gavés
Comme une illusion qui attise le feu de ma blessure traumatique.

La vague la même vague me parle du voyage
comme le silence froid de mes ancêtres
de leurs terres sacrées horizontalement bradées,
de leur courroux de leurs cris déconnectés
et de leur lune ma souche calcinée

Le fleuve mon miroir sèche et mon champ mon seul espoir s’inonde d’images sans pirogue
comme une immense injustice sans recours

Emmenez-moi loin de ces maux
aux abords de ces mots qui résonnent comme le tam-tam
Appel du matin qui cogne ma vigueur endormie

Que se lèvent ô que dis-je
Que s’élèvent tous ces vers si purs par-ci par-là
D’un soleil si amical par-ci par-là
L’astre qui sait tendre la main par-ci par-là
Fils de la nature qui sait prendre une main par-ci par-là
La main rien qu’une main fraternelle
La main qui tombe la main qui mord la poussière

Et qu’enfin se forme le poing de l’humanité
Qui respire la dignité pour cette même Afrique !

Emmenez-moi vivre dans ses lignes
Emmenez-moi boire à la source de sa propre lumière
Où la voix du feu s’entend
Où s’entend la voix de l’eau
La sève d’une insolente espérance

Emmenez-moi ivre de cette source jusqu’au bout de moi-même.

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