Le pasteur André Bokundoa, président de l’ECC, en visite au Défap © Défap |
Depuis 1997, la République Démocratique du Congo est dirigée par un Kabila : il y eut d’abord Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu ; puis, après son assassinat en 2001, son fils, Joseph Kabila. Il est toujours à la tête du pays, mais depuis fin 2016, et depuis la fin de son deuxième et théoriquement dernier mandat présidentiel, il a épuisé toutes les formes légales qui lui permettaient de se maintenir au pouvoir. Il gouverne donc sans mandat ; l’opposition politique, divisée depuis la mort en Belgique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, ne semble pas en mesure de le contrer efficacement, ni de résister à une répression qui s’avère violente. Dans ce pays divisé, en proie à des guerres civiles larvées, qui figure parmi les plus pauvres du monde (le taux de pauvreté y est de 64%), c’est l’Église catholique, seule institution ayant la légitimité suffisante auprès de la population, qui après avoir joué un rôle de médiateur entre le régime et les opposants, a fini par prendre la tête de la contestation. Quant aux protestants, Joseph Kabila s’était acquis leur soutien tacite… jusqu’à l’arrivée du pasteur André Bokundoa à la présidence de l’Église du Christ au Congo (ECC), fédération qui regroupe à elle seule 95 communautés ecclésiales à travers le pays. Depuis lors, les relations se sont tendues avec le pouvoir et l’ECC à son tour est menacée par la répression.
En visite au mois de février en République Démocratique du Congo, le pasteur Jean-Luc Blanc, du service des Relations et Solidarités Internationales au Défap, avait eu l’occasion de participer à une réunion de la 53ème session ordinaire du Comité exécutif national de l’ECC et de transmettre un message de soutien voté lors de l’Assemblée Générale de la Fédération Protestante de France (FPF). En ce mois de mars, c’est le pasteur Bokundoa qui est, à son tour, l’invité des protestants de France. Il a notamment rencontré le président de la FPF, le pasteur François Clavairoly, et participé à une réunion de travail rue de Clichy ; il a également été l’invité du Défap, boulevard Arago. Deux visites que Jean-Luc Blanc voit comme complémentaires : «En ce qui concerne les projets d’avenir et nos relations, ils ont surtout été abordés à la Fédération, en allant dans deux directions : plaidoyer en direction des autorités françaises et organisation d’une plateforme RDC sous l’égide de la Fédération. La visite au Défap a davantage permis de parler de la Mission et d’expliquer le rôle du Défap.» À l’occasion de cette visite au 102 boulevard Arago, André Bokundoa a accepté de répondre à quelques questions sur la situation de l’ECC, et a demandé aux protestants de France «une parole publique» de soutien face aux pressions politiques. Il a également transmis le texte de la Déclaration du comité exécutif national de l’Église du Christ au Congo, qui interpelle directement le régime du président Kabila (à retrouver ici).
Quelle est la situation politique actuelle en République Démocratique du Congo ?
Pasteur André Bokundoa : Nous sommes dans la fièvre et l’ébullition. La dernière élection présidentielle dans notre pays aurait dû être organisée en 2016 ; elle n’a toujours pas eu lieu. Tous à présent, nous attendons cette échéance électorale, car nous avons besoin d’alternance au pays. Nous voulons croire que le 23 décembre 2018, nous aurons bien les élections présidentielle, législatives, provinciales et locales qui nous ont été annoncées pour cette date, et que nous espérons démocratiques et transparentes.
Quelle est la position de l’Église du Christ au Congo ?
La position de l’Église du Christ au Congo, c’est de rester une Église prophétique – dénoncer le mal, encourager le bien. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. On a longtemps accusé l’Église du Christ au Congo d’être proche du pouvoir; mais nous voulons nous démarquer de cette image.
Ce qui n’est pas une position facile à tenir, si l’on en juge par la situation du pasteur Ekofo…
Certes, ce n’est pas une position facile ; pourtant nous devons nous y tenir, si nous voulons qu’il y ait un vrai changement. Mais actuellement, c’est plutôt le statu quo : nous attendons l’Assemblée qui doit déterminer la répartition des sièges au niveau national; et nous attendons aussi que la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante de la RD. Congo) puisse nous confirmer la tenue effective des prochaines élections. Sinon, nous lui retirerons notre confiance.
Qu’attendez-vous de vos relations avec les protestants de France ?
Nous attendons de vous, d’abord vos prières ; ensuite, une parole publique, qui montre que vous nous soutenez. De manière à ce que les autorités de notre pays sachent que les protestants de France et d’ailleurs soutiennent ceux du Congo. Car parfois, nous nous considérons un peu comme des abandonnés, des orphelins… Lorsque nos amis catholiques organisent des manifestations, ils savent qu’ils ont le Vatican derrière eux. Nous, nous n’avons pas le Vatican; mais nous avons nos frères et sœurs protestants partout dans le monde qui peuvent nous soutenir par leurs déclarations.
Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez