Le voyage d’Abraham d’Ur à Canaan, tableau du peintre hongrois József Molnár © Magyar Nemzeti Galéria

 

Pourquoi avoir choisi la mobilité comme thème de cette série de conférences pour les émissions de Carême protestant ?

Laurent Schlumberger : Je suis frappé par l’importance croissante des mobilités de toutes natures dans notre vie quotidienne et dans les manières que nous avons de nous les représenter dans notre vie et notre monde. Elles ont toujours existé ; mais aujourd’hui, elles se renforcent.

La nouveauté, c’est surtout qu’elles sont devenues une forme d’injonction. Autrefois, c’était plutôt le fait d’être stable qui était valorisé ; aujourd’hui, on contraire, on valorise la mobilité et on dévalorise la stabilité. J’ai voulu réfléchir à cette valorisation croissante durant cette période de carême, que l’on décrit généralement comme un chemin – un chemin vers Pâques ; et réfléchir au croisement des mobilités d’aujourd’hui et des mobilités dans la Bible.

 

Car dans la Bible aussi, la mobilité est très présente…

Il y a plusieurs niveaux de mobilité dans la Bible.

  • Sur un premier plan, celui des mobilités géographiques, on peut dire qu’elles sont omniprésentes : dans l’Ancien Testament, on n’arrête pas de bouger – on parlera d’exode ou d’exil pour le peuple d’Israël. Dans le Nouveau Testament, Jésus parle de lui-même comme n’ayant «pas un  endroit où reposer sa tête» ; quant à l’apôtre Paul, il ne tenait tout simplement pas en place.
  • Sur un deuxième plan, la mobilité est valorisée dans la Bible lorsqu’il s’agit de la relation avec Dieu : ce sont les appels à la conversion, les vocations adressées à des individus… Il y a là une autre forme de mobilité, non seulement physique, mais aussi intérieure : une mobilité à la fois géographique et existentielle. Pensons au message adressé par Dieu à Abraham : «Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai».
  • Sur un troisième plan, Dieu lui-même se présente comme mobile. Ce qui va à l’encontre de toutes nos représentations classiques d’un Dieu trônant dans le ciel, au milieu des nuages, immuable… La Bible nous montre au contraire un Dieu toujours en marche, non seulement se déplaçant mais aussi évoluant dans ses pensées, ses décisions… Et Jésus, à travers ses paraboles, peut nous montrer aussi des images étonnantes de la mobilité de Dieu…

 

Mais si la mobilité est déjà tellement présente dans la Bible, pourquoi cet accent mis jusqu’alors sur la stabilité ?

Pour aller plus loin :
Carême protestant : « Du zapping à la rencontre »
Le site de Carême protestant
Carême 2018 : annonce sur le site de l’EPUdF
Annonce sur le site de Fréquence Protestante

Nous avons longtemps vécu dans une société où les évolutions étaient extrêmement lentes : les changements sociaux se faisaient sur plusieurs générations. Alors qu’aujourd’hui, nous assistons à des bouleversements à l’échelle d’une seule et même génération…

La Bible, elle, a été écrite sur un temps long ; et à l’échelle de ce temps long, elle met déjà l’accent sur la mobilité – mobilité de Dieu et de la foi. Un des enjeux de réflexion actuellement est : comment vivre notre foi dans un monde mouvant, liquide, mobile, en relation avec un Dieu que nous percevons comme immobile ? Plutôt que de nous accrocher à un passé rêvé comme immuable, nous devrions changer nos représentations de Dieu pour vivre notre foi aujourd’hui.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez

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