Maria et Hubert van Beek © Défap

Dans les années 60, la vénérable Société des Missions Évangéliques de Paris (SMEP) gardait encore des modes de fonctionnement et des manières de penser venus du XIXe siècle. C’est pourtant au cours de cette période qu’elle a fait sa mue – une mue d’autant plus spectaculaire qu’elle a été réalisée en quelques années à peine – donnant naissance à une conception entièrement renouvelée de la Mission, et à deux institutions soeurs : le Défap et la Cevaa.

Hubert et Maria van Beek en ont été témoins ; tout comme ils ont été témoins, jeune couple d’envoyés à Madagascar, du bouillonnement intellectuel au sein des Églises de pays issus de la décolonisation. Tous deux nés aux Pays-Bas, ils ne semblaient en rien destinés à travailler pour les Missions françaises. Le contact avec la SMEP devait se nouer grâce à un bureau de liaison mis en place par l’Église réformées des Pays-Bas : le but en était, comme le rappelle Hubert van Beek, «d’aider les jeunes qui voulaient partir outre-mer, pour les mettre en lien avec des organisations actives dans les domaines de la Mission, du développement, de l’entraide».

Les premiers signes d’une révolution en marche

Pour aller plus loin :
Le point sur Madagascar et sur les actions du Défap

Après de premiers échanges en février 1964, voilà bientôt le jeune couple à Paris pour suivre la formation des envoyés. Une formation très différente de celle que dispense aujourd’hui le Défap, tant dans la forme que sur le fond. «La conception de la SMEP telle qu’elle transparaissait dans les cours était encore verticale», se souvient Hubert van Beek, entre la mission protestante de Paris et ses «Églises filles». Autre aspect : «Il fallait se mettre entièrement à disposition de la Mission, souligne Hubert van Beek. Le choix du pays où nous devions partir, et de ce que nous allions y faire, revenait au Conseil». La formation proprement dite durait cinq mois – cinq mois à vivre en commun au 102 boulevard Arago. Avec parfois des tiraillements annonciateurs des grandes transformations qu’allait connaître la Mission. Les van Beek assistent même à une grève des étudiants. Parmi les sujets polémiques : la place des enfants des futurs envoyés. Un casus belli pour de jeunes parents : c’était précisément le cas des van Beek, et Maria était en outre enceinte… Le cursus, lui, était des plus solides : histoire de la mission, théologie (liée à la mission), exégèse biblique, relations avec les Églises africaines… Cours de langues étrangères, aussi, avec des passages obligés parfois surprenants : «J’ai suivi des cours de langue bantoue à l’école des Langues Orientales», se souvient Hubert van Beek. Finalement, le jeune couple devra partir pour Madagascar sans avoir pu apprendre la langue malgache…

Mais,signe d’une révolution en marche, c’est à cette même période que Charles Bonzon, le directeur de la SMEP, écrit dans son rapport d’activités : «Le temps d’une mission dirigeante est là, comme partout ailleurs, définitivement passé». Maria et Hubert van Beek ont le souvenir d’un directeur soucieux d’établir des liens et de promouvoir des échanges entre les Églises qui constitueraient plus tard la Cevaa au point de «s’enfermer des semaines dans son bureau pour multiplier les contacts afin de réussir à obtenir les fonds pour réunir les représentants de toutes les Églises issues des travaux de la SMEP». C’est encore à cette période – en novembre 1964 – que le pasteur Jean Kotto, Secrétaire général de l’Église évangélique du Cameroun, lors de l’Assemblée générale de la SMEP, s’adresse directement à son président Marc Boegner en citant Ésaïe 54 : «Monsieur le Président, élargis l’espace de ta tente…» Cette interpellation qui apparaît aujourd’hui comme fondatrice dans l’histoire du Défap et de la Cevaa, Maria et Hubert van Beek y assistent dans la chapelle du 102 boulevard Arago…

Madagascar : une période «passionnante»

Vient le moment de rejoindre Madagascar : une traversée de trois semaines, en passant par le canal de Suez. Arrivés à Tananarive, les époux van Beek découvrent leur lieu d’affectation : l’école Paul Minault, baptisée du nom d’un des premiers missionnaires à Madagascar, mort assassiné en mai 1897. «C’était la pépinière des pasteurs malgaches», souligne Hubert van Beek. «Au temps de la colonisation, c’était la seule école où des élèves malgaches pouvaient suivre une formation pour se présenter comme candidats libres au baccalauréat. Et elle avait une telle réputation qu’y entrer, c’était l’assurance de décrocher le bac». Hubert van Beek y donnera des cours de physique et de chimie, pendant que Maria s’occupera de l’internat de jeunes filles. Plus tard, ils partiront pour le nord de l’île, à Mahajanga, où Hubert sera animateur de groupes de jeunes.

C’est donc à Madagascar que ce grand mouvement qui agite le monde de la Mission les rattrape : tous deux décrivent une période «passionnante». A leur arrivée en 1965, le pays était indépendant depuis 5 ans, les Églises autonomes depuis 3-4 ans ; lors de la création de la FJKM, la fédération regroupant les Églises issues des missions, en 1968, Hubert van Beek devient l’un des seuls missionnaires européens à occuper des fonctions de responsabilité au sein de la jeune Église de Jésus-Christ à Madagascar. Il y travaillera en lien direct avec son secrétaire général Victor Rakotoarimanana, qui deviendra lui-même par la suite le premier secrétaire général de la Cevaa.

De la FJKM au Conseil œcuménique des Églises

Le départ de Madagascar, à la fin des années 70, ne marquera pas pour Hubert van Beek un éloignement vis-à-vis de la Mission, puisqu’il travaillera dès lors pour le Conseil œcuménique des Églises jusqu’en 2004, en s’occupant de l’entraide dans un premier temps, puis des relations avec les Églises. Il travaillera ensuite à la conception du Forum Chrétien Mondial, dont il sera le premier secrétaire jusqu’en 2011, et où il continuera à occuper des fonctions jusqu’en 2016.

De 1964 à 2016, une vie entière au service de la Mission ; et c’est pour Maria et lui un retour aux sources lorsque, de passage à Paris, ils viennent rendre visite au 102 boulevard Arago et saluer l’équipe du Défap.

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