Les membres du Conseil économique, social et culturel de Tahiti ont rendu hommage à John Doom le 30 janvier 2017. Cette figure de la culture polynésienne, homme de conviction et d’engagement, notamment contre les essais nucléaires français à Mururoa, s’est éteint le 25 décembre 2016 des suites d’une longue maladie. Jacqueline Dom et Jean Adnet, anciens envoyés du Défap à Tahiti, témoignent ici de leur rencontre avec John Doom.

Une lettre de Jacqueline Dom

« Missionnaires, avec mon mari, en Polynésie de 1962 à 1971, nous avons bien connu John Doom.
Lorsque nous sommes arrivés, il était encore secrétaire de mairie à Arue, une bourgade située juste à l’entrée de Papeete… Elle doit quasiment faire partie de la ville, aujourd’hui.

Très engagé dans l’Église Évangélique de Polynésie française par le biais des UCJG (Union chrétienne des Jeunes gens), il est devenu secrétaire général après l’autonomie de cette dernière, instaurée officiellement par le pasteur Marc Boegner venu exprès de Paris en septembre 1963.

Mon mari, Frédy Dom, est quant à lui devenu en 1965 trésorier de l’Église. Certaines personnes se perdaient un peu entre le Secrétaire Doom et le Trésorier Dom !

C’était un homme sage, avec qui il était très agréable de collaborer, qui ne recherchait jamais les honneurs. Nous avons vécu plusieurs temps fort de l’Église ensemble, que ce soient des joies (fêtes, kermesses, collectes annuelles) ou des peines (le décès du pasteur missionnaire Maurice Bach, le départ précipité d’un autre pour cause de maladie)

Son épouse Tetua, disparue il y a quelques années, était également très engagée dans l’Église. Plus tard, ils sont venus s’installer à Ferney-Voltaire dans l’Ain, car John avait été nommé au Conseil œcuménique des Églises (COE) à Genève.
Je me souviens qu’un jour, nous nous sommes retrouvés à Paris lors d’un colloque au Sénat où il présentait « Moruroa et nous », l’Association qu’il avait créée pour dénoncer les effets nocifs des essais atomiques.

Nous gardons un souvenir très vivant de cet homme, grand serviteur de l’Église qui a toujours su vivre sa foi de manière concrète en s’occupant des autres. »

    Jacqueline Dom,
Ancienne envoyée à Tahiti

 

 

Lettre de Jean Adnet

« Nous avons appris la mort de John au moment où, le sachant malade, notre famille lui écrivait un message de NoëI. C’est dire notre émotion d’apprendre qu’il venait de nous quitter.

Parmi les souvenirs les plus marquants que j’ai de John, il y a d’abord le jour où il a commencé à servir son Église en devenant diacre. Il a été, dès le début, supporter du mouvement UCJG, l’Union chrétienne des Jeunes gens, au sein duquel on le voyait, lors des défilés du 14 juillet.

J’ai découvert la Nouvelle Calédonie avec lui, quand a été créée à Lifou la Conférence des Églises Protestantes du Pacifique. Je lui ai aussi rendu visite en France, ainsi qu’à son bureau du Conseil Œcuménique à Genève où il était représentant des Églises du Pacifique.

Cette fonction a été pour lui l’occasion de découvrir d’autres Églises, notamment celles d’Afrique, et de faire la connaissance de personnalités du protestantisme mondial. L’œcuménisme dont il a fait preuve à Tahiti, comme le pasteur Samuel Raapoto, décédé peu de temps avant lui, tient certainement à ses fonctions à Genève.

Il a aussi travaillé avec des collègues catholiques à la première édition du dictionnaire tahitien-français de I’Académie tahitienne. Dans les derniers temps, il avait été nommé représentant du Conseil Œcuménique auprès des Églises du Pacifique. Mais c’est particulièrement dans notre commun désaveu des essais atomiques français en Polynésie et ses interventions pour mettre un terme aux sanctions qui m’avaient frappé du fait de mon opposition à ce projet, que nous avons ressenti une pleine solidarité fondée à la fois sur l’amour du « fenua » (le « pays » en tahitien) et de sa population.

Dans une journée organisée au Sénat de Paris, il m’avait remis une nacre gravée au nom de « MORUROA E TATOU » (Moruroa et nous), association tahitienne défendant les victimes des essais et dont il était l’un des principaux militants.

Je garde précieusement cette nacre en souvenir de lui et de Tetua, son épouse dont il a partagé la vie comme l’indique le titre de son livre : « Mémoire d’une vie partagée ». *

Jean Adnet, pasteur et ancien envoyé à Tahiti.

 

 

*Ouvrage publié en 2016 par les éditions tahitiennes « Haere pô »

 

 

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