Veronika Tober est Accompagnatrice œcuménique en Israël/Palestine. Membre de la paroisse du Pays de Gex (01) de l’Église protestante unie de France, elle travaille pour l’Internationale des Services Publics, une fédération syndicale globale représentant des syndicats des services publics. Elle a été Accompagnatrice œcuménique, dans le cadre du programme EAPPI du Conseil œcuménique des Églises, de décembre 2015 à février 2016, et basée à Yatta, au sud de Hébron, en Cisjordanie. Voici un de ses témoignages sur son expérience en tant qu’envoyée.

« Nasser Nawajah, activiste des droits de l’Homme de l’organisation israélienne B’Tselem et un des leaders de la communauté villageoise de Susiya, nous a rendu visite le 26 janvier 2016. Il nous a raconté les événements des derniers jours, en commençant avec ce qui ressemble à un « happy end » : sa libération de prison par le tribunal militaire d’Ofer !

 

Nasser Nawaja raconte son odyssée à travers le système judiciaire israélien, DR

Nasser Nawaja raconte son odyssée à travers le système judiciaire israélien, DR

 

Son histoire se lit comme une « étude sur le système judiciaire israélien, ou plutôt sur l’occupation militaire ».

Dans la nuit du 19 au 20 janvier 2016, entre 1h et 2h du matin, le campement bédouin de Susiya est brutalement arraché au sommeil : environ vingt jeeps militaires et nombre de soldats israéliens lourdement armés et masqués envahissent le campement, éclairant les tentes de puissants projecteurs. Un frère de Nasser est réveillé le premier et harcelé par les soldats qui le prennent pour Nasser. Dès que l’erreur est manifeste, les soldats abordent Nasser, qui aurait préféré une convocation plus formelle pour se présenter à la police. Au lieu de cela, il est menotté devant sa femme et ses enfants terrorisés, pour être emmené on ne sait où.

 

Le lendemain de l'arrestation de Nasser, l'IDF a démoli deux tentes à Susiya; voici ce qui reste après le passage des bulldozers, DR

Le lendemain de l’arrestation de Nasser, l’IDF a démoli deux tentes à Susiya; voici ce qui reste après le passage des bulldozers, DR


La suite des événements peut être résumée ainsi.

Une audience devant la cour magistrale israélienne de Jérusalem, le 20 janvier, débouche sur un ordre de relaxe “inconditionnelle et immédiate” de Nasser Nawajah, car la cour estime qu’elle n’est pas compétente en la matière. Toutefois, l’exécution de cette décision est reportée de vingt-quatre heures afin de permettre à la police de faire appel, ce qu’elle fait.

Le jour suivant, 21 janvier, la cour civile israélienne du district de Jérusalem rejette l’appel et, de nouveau, ordonne la relaxe immédiate de Nasser. L’exécution est encore reportée, et la police a un délai de quelques heures pour notifier à l’avocat de Nasser si elle va faire appel (auprès de la Cour Suprême) ou le relâcher. Étrangement, cet ordre n’est pas suivi ; au lieu de cela, Nasser est transféré clandestinement en Cisjordanie où les Palestiniens ne sont pas soumis à la loi civile mais à la loi militaire. Là, au tribunal militaire d’Ofer, en l’absence de l’avocat de Nasser, le juge donne quatre jours à la police afin de mieux documenter ses allégations avant la prochaine audience prévue pour dimanche, 24 janvier.

 

La vie continue : les enfants de l'école de Susiya jouent pendant la récréation, DR

La vie continue : les enfants de l’école de Susiya jouent pendant la récréation, DR

 

Comme la police ne parvient pas à présenter suffisamment de preuves lors de l’audience du dimanche, cette cour ordonne également la relaxe de Nasser, également avec un délai de vingt-quatre heures pour permettre à la police de faire appel – ce qu’elle ne fait pas cette fois-là.

Ainsi, Nasser a été effectivement relâché en fin de journée le 25 janvier.
Mais de quoi s’agit-il en fait? Quel est le fond de cette histoire à suspense?
Il semblerait que tout ait commencé avec une émission à la télévision israélienne, « Uvda ». L’émission en question suggérait qu’une plainte déposée par Nasser auprès de l’Autorité Palestinienne il y a plus d’un an, concernant une vente de terrain illégale, aurait mis en danger la vie du vendeur. Ce dernier vit actuellement en Israël et n’a pas porté plainte à l’époque.

Mais le véritable fond de cette histoire est le durcissement de la campagne du gouvernement israélien et d’ONG israéliennes nationalistes contre les ONG de défense des droits de l’Homme israéliennes, qui luttent contre l’occupation des territoires palestiniens. Les cibles principales de cette campagne incluent Breaking the Silence, Machsom Watch, B’Tselem et d’autres. »

 

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