Vue sur Antananarivo, DR

 

Comme Antananativo est belle au soleil couchant ! Maisonnettes colorées, arbres en fleurs – ah, les jacarandas autour du Lac Anous… – on a l’impression que les douze collines de terre rouge se parlent et se répondent par les escaliers et les ruelles en dédale. Dominée par le palais de la reine, symbole de la nation malgache, la capitale de la Grande Île s’étend, au cœur du pays, sur les flancs d’une arête rocheuse qui culmine à plus de 1 400 mètres. Au-delà de la cité, les rizières offrent leur vert tendre à perte de vue.

 

Cette beauté un peu magique ne résiste hélas pas à la promenade détaillée. Au pas à pas, dans les rues ou à bord de bus surchargés, comment ne pas être pris à la gorge par la pauvreté sur les trottoirs défoncés de Tana ? Derrière les visages souriants, comment ne pas voir le règne sombre de la misère, celle qui fait disparaître des  enfants derrière la mendicité : noirâtres de saleté, ces gosses des rues,  pieds nus et en guenilles, sont si nombreux, couchés sur des cartons dans les tunnels enfumés par les voitures brinquebalantes. Des gosses qui mendient avec agressivité… De quoi d’autre que la violence, la rapine et l’ordure leur vie peut-elle être faite ? Un rat mort au pied d’un escalier, des venelles jonchées de détritus, c’est là tout leur univers, avec ces quelques bâtiments en construction au centre d’Antananarivo, maigre abri nocturne pour quelques-uns, les autres dorment sur les trottoirs. L’indigence, c’est la loi du plus fort…

 

Il ne faut certes pas enfermer Madagascar dans cette misère qui crie aux yeux du monde, résister aux statistiques récentes qui placent la Grande Île parmi les cinq pays les plus pauvres de la planète. Des hommes et des femmes y vivent également décemment, sans doute mieux en province qu’à la capitale. Bien sûr, ils sont toujours à la merci de l’accident, de la maladie ou du chômage, car de système de protection sociale il n’y a pas pour le Malgache moyen. Il n’y a pas de filet pour celui qui tombe, sauf à utiliser la solidarité familiale. Et je salue ici l’action des multiples Églises et congrégations qui servent le peuple avec leurs écoles, leurs orphelinats, leurs dispensaires… Je salue l’action des envoyés du Défap en leur sein. Je salue ces professeurs de mathématiques qui, dans un lycée au toit de tôle, sans fenêtre, avec juste un tableau noir et des craies, enseignent les intégrales  à des jeunes de terminale, assis à quatre par bancs. Et je salue aussi ces jeunes qui, à l’orée de leur vie, travaillent pour réussir.

 

Il faudrait, me disait un ami, « un exode urbain » à Madagascar, un mouvement qui permettrait aux gens de retourner vivre à la campagne. Il faudrait des « serviteurs » qui viendraient développer des activités lucratives au service du peuple. Il de me citer des exemples d’entreprises qui savent allier éducation populaire et production lucrative.

 

Les  constructions montées par les Chinois « sont utiles au développement du pays » nous a dit l’ambassadeur de France, Véronique Vouland-Aneini, arrivée en août dernier : « bien que montant des bâtiments de piètre qualité, et usant d’une main d’œuvre journalière corvéable à merci, elles fournissent emplois et infrastructures. »

 

Les marchés battent leur plein et les foules, toujours jeunes, déambulent sur la chaussée, tant les petits commerces ont envahi les trottoirs. Que vend tout ce petit peuple, toute la journée assis qui par terre ou sur un seau ? Quelques oranges, des bananes, d’improbables téléphones portables made in China, pourquoi pas des roulements à billes et même des chaussures soi-disant de marques !

 

« Hélas commentait l’une de mes connaissances, enfant, j’ai appris que Madagascar était le quatrième exportateur de  riz au monde. Or aujourd’hui, pour nourrir son peuple, elle doit importer du riz ! » Certains de mes amis malgaches voient la main de la France dans les malheurs de la Grande Ile : l’ancienne puissance colonisatrice tirerait les ficelles pour ses propres intérêts aux dépends de ceux du peuple malgache. L’explication paraît courte, même si le rejet symétrique de la faute à la seule mal gouvernance locale paraît également insuffisant.

 

L’ambassadeur de France, qui a siégé au Conseil d’administration de l’Agence française de développement, nous a interrogés : « Comment participer au développement de Madagascar sans lui imposer notre propre modèle ce qui, de toute façon, est voué à l’échec ? Vous les religieux, vous connaissez les difficultés d’arriver dans un pays avec un message qui lui est étranger… Vous avez connu des heurs et des malheurs. Comment tirer des enseignements de votre expérience ? » Bonne question !

 

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