Entre le 18 et le 25 octobre 2015, le Défap a eu le plaisir de recevoir, en visite officielle, le pasteur Mamadou Thomas Diouf, président de l’ELS, accompagné par son vice-président, le pasteur Pierre Adama Faye et la trésorière générale du mouvement des femmes, Aïssatou Ndiaye.
C’est la première fois que vous venez à Paris dans le cadre de vos fonctions dans l’Église luthérienne du Sénégal. Qu’est-ce qui motive votre visite ?
Notre but initial était double : d’abord nous voulions réaffirmer les relations d’amitié qui nous lient avec les Églises de France, et ensuite remercier le Défap et la Cevaa, qui nous épaulent quotidiennement dans nos activités.
Délégation de l’ELS à Paris avec le pasteur Jean-Luc Blanc du Défap (de gauche à droite : Jean-Luc Blanc, Thomas Diouf, Aïssatou Ndiaye, Pierre Adama Faye) DR
Vous aviez un programme assez chargé…
Oui, il nous fallait d’une part rencontrer les différents responsables des institutions protestantes françaises, à commencer le secrétaire général de l’Église protestante unie de France, Didier Crouzet et le président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine, que nous avons vu à Strasbourg. Nous avons également rencontré l’inspecteur ecclésiastique, Jean-Frédéric Patrinsky, et le responsable de l’entraide luthérienne, qui finance des projets dans notre pays. D’autre part, en région parisienne comme en Alsace, nous voulions faire le tour des paroisses qui travaillent avec nous, afin de dépasser la distance géographique qui nous sépare, et mettre des visages sur les noms !
Racontez-nous, en bref, l’histoire de votre Église… Comment les Sénégalais ont-ils rencontré le protestantisme luthérien ?
L’ELS a été fondée en 1974, date de l’arrivée – tardive, par rapport à d’autres pays africains – de missionnaires luthériens en provenance de Finlande. Ils se sont d’abord installés à Mbour, sur la côte, au sud de Dakar, notre capitale. Ils se sont ensuite enfoncés dans les terres vers l’est, en pays sérère. Là, ils ont aussi été bien accueillis – c’est la téranga [bon accueil, ndlr] sérère qui a joué – et ils ont annoncé l’Évangile avec grand succès. Du coup, nous avons de nombreuses communautés dans la région de Fatick.
Aujourd’hui, nous avons vingt-quatre pasteurs qui officient dans treize paroisses. Une partie de la communauté se consacre à l’annonce de l’Évangile, notamment en organisant des « caravanes d’évangélisation » qui vont dans les villages. Il y a toujours onze missionnaires finlandais dans la région, dont deux à temps partiel et de plus en plus de fidèles : presque 7 500 cette année.
Il y a d’autres Églises protestantes au Sénégal, où en est le projet de rassemblement de ces Églises à l’intérieur d’une fédération, comme en France ?
Nous avons effectivement parlé, avec la Fédération protestante de France, d’un rapprochement institutionnel possible entre nous-mêmes, l’Église Protestante du Sénégal (EPS) [fondée en 1862 par un missionnaire de la Société des missions évangéliques de Paris, l’ancêtre du Défap, ndlr] et l’Église Méthodiste du Sénégal.
Ce projet n’est pas nouveau et nous avons déjà des organismes communs, à commencer par le Comité évangélique pour la santé. Nous organisons chaque année, généralement entre le 17 et le 25 janvier, une semaine œcuménique et, bien sûr, nous nous invitons aussi mutuellement aux grandes fêtes. Les relations entre les femmes sont également très fortes, elles organisent régulièrement des réunions de prière en commun.
En octobre 2014, nous avons co-organisé, avec l’EPS, l’assemblée générale de la Cevaa, preuve que nous travaillons parfaitement bien ensemble, mais nous avons besoin de conseils pour créer une union visible et durable, à l’image de ce que vous avez, en France. C’est ce que nous avons expliqué à Georges Michel, le secrétaire général de la Fédération protestante de France.
Le Sénégal est un pays à majorité musulmane, quels sont vos rapports ?
La cohabitation est tout à fait pacifique et le dialogue islamo-chrétien est permanent. L’État est laïc et chacun peut choisir sa religion en toute liberté. Le pasteur Pierre Adama Faye, notre vice-président ici présent, est issu d’une famille musulmane par exemple. Il a commencé son parcours tout enfant à l’école coranique, puis il est allé à l’école catholique, une référence en matière d’éducation et, comme son frère ainé, il s’est converti au protestantisme luthérien au contact des missionnaires finlandais, en participant aux camps de jeunes et aux caravanes. Vous voyez… ça fonctionne !
Quels sont les projets en cours avec le Défap ?
Le Défap finance pour nous la création de matériel catéchétique et ces dernières années il a octroyé une bourse pour un master en théologie. Nous avons également un projet d’édification d’un dispensaire. Par ailleurs, diverses aides en provenance de paroisses ou de comités d’entraide nous parviennent via le Défap.
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné lors de votre séjour en France ?
La première chose qui nous a frappés et qui est vraiment différente dans notre pays, c’est « l’ancienneté » des communautés françaises : on voit bien plus de personnes âgées que de jeunes dans les cultes, dans les activités paroissiales etc. En Afrique, et au Sénégal comme ailleurs, c’est le contraire, nous avons beaucoup de jeunes.
Il y a aussi la question, toujours pendante chez nous, du ministère des femmes. Les paroissiens rencontrés aimeraient vraiment que l’ELS puisse avoir des femmes pasteures. Nous travaillons en ce sens, mais nous devons aussi tenir compte de notre contexte social et culturel. Cela dit, l’ELS forme désormais des femmes à la théologie, il y aura donc peut-être bientôt une ordination féminine…
Nous avons aussi constaté à quel point les Églises disposaient de moyens financiers importants pour faire vivre leurs communautés, alors même qu’il n’y a relativement peu de fidèles. Et paradoxalement, les responsables craignent de s’affirmer publiquement, comme s’il y avait une barrière infranchissable entre le domaine public et les activités religieuses. Un effet de votre perception de la laïcité, peut-être…