…Ce n’est pas la question. La question est : comment le prouver et le rester ? » Article de Claude Smith, envoyée EAPPI pour le Défap, sur la situation des Palestiniens à Jérusalem-Est.
Claude Smith est Accompagnatrice oecuménique à Jérusalem, envoyée par les Églises protestantes françaises.
Rue Jaffa, Jérusalem Ouest DR
« Avant 1947, la totalité de Jérusalem était palestinienne. Après la partition de la Palestine par les Nations Unies cette même année, l’ONU a qualifié Jérusalem de zone internationale. Israël a envahi Jérusalem Ouest et a établi une frontière « de facto » connue sous le nom de Ligne Verte, chassant des dizaines de milliers de Palestiniens de cette partie de la ville. En 1967, Israël a occupé puis annexé Jérusalem-Est. L’occupation et l’annexion de Jérusalem-Est sont illégales selon la législation internationale.
Mais bien que la communauté internationale reconnaisse cette occupation, Israël ne cesse d’agrandir la ville à son profit, en empiétant sur la ligne verte, le gouvernement installe des « colonies » en plein centre et autour de tous les villages palestiniens, rendant ainsi la ville impossible aux habitants originaires de JERUSALEM. Les Israéliens appellent cette évolution « l’unification » de Jérusalem. En 1967, cela signifiait l’accès aux lieux saints juifs, le mur des Lamentations dans la vieille ville qui avait été refusé depuis la fondation de l’Etat d’Israël en 1948.
Pour les Palestiniens, c’est une autre histoire. Juste après l’occupation de 1967, Israël a organisé un recensement des habitants de Jérusalem et tous ceux qui n’étaient pas dans le pays à ce moment-là pour diverses raisons – voyage à l’étranger, études à l’étranger – ont perdu leur droit à revenir chez eux, définitivement ! D’un seul coup, plus de 40 000 Palestiniens ont perdu leur appartenance à cette ville alors que leurs familles y vivaient depuis plusieurs générations.
Cartes de résidents
Israël a annexé Jérusalem-Est et déclaré qu’elle faisait partie d’Israël. Et pourtant, alors qu’ils paient des impôts à Israël, les Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est ne reçoivent pas la citoyenneté israélienne mais doivent faire la demande d’une Carte de résident perma-nent (carte bleue) et, malgré ce terme de permanent, cette demande doit être régulière-ment renouvelée.
Ce statut correspond à celui d’étranger alors qu’il s’agit de personnes résidant sur leur propre terre.
Cette carte n’est transmissible ni au conjoint ni aux enfants : d’où de nombreux problèmes de scolarisation…
Les Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est et qui ont un enfant doivent demander au Ministère de l’Intérieur une carte de résident pour celui-ci. Israël accorde à l’enfant une carte temporaire valable deux ans seulement et qui doit aussi être régulière-ment renouvelée. Il y a actuellement environ 10 000 enfants palestiniens qui vivent sans autorisation à Jérusalem-Est et qui n’ont par conséquent pas accès à l’éducation et la santé.
Pour obtenir le renouvellement de cette carte, les Palestiniens doivent prouver aux autorités israéliennes que Jérusalem-Est est leur « centre de vie », qu’ils y ont une habitation, un tra-vail, qu’ils y font des études etc. Dans ce but, ils doivent fournir quantité de documents, dont l’assurance santé et des factures d’eau ou d’électricité remontant à plusieurs années, que beaucoup de Palestiniens n’ont pas.
En conséquence, de nombreux Palestiniens qui n’avaient jamais vécu ailleurs qu’à Jérusalem-Est ont perdu leur carte de résident.
Et, une fois expulsés, ils n’ont plus le droit de revenir. Ceux qui ont vécu ailleurs pendant plus de sept ans perdent définitivement le droit de revenir y vivre.
La loi sur la citoyenneté interdit aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d’entrer à Jérusalem pour un regroupement familial. Ceci a fait que des époux ont été séparés l’un de l’autre et des enfants de leurs parents.
11 000 cartes de résident ont été retirées à des Palestiniens ces 20 dernières années…
Les Palestiniens sont au nombre de 260 000 environ sur 800 000 habitants de Jérusalem.
Le Mur de séparation dans la région de Bethléem DR
Démolition de maisons
Silwan, faubourg de Jérusalem-Est, est particulièrement visé par les démolitions et les expul-sions.
Dans ce quartier, les maisons palestiniennes sont détruites pour faire place à un centre tou-ristique et archéologique, un parc national israélien appelé « cité de David ». Ne serait-ce qu’à Silwan, plus de 1 000 Palestiniens s’attendent à la perte de leur maison.
Il est pratiquement impossible pour des Palestiniens d’obtenir un permis de construire. Presque toutes les demandes, dont l’enregistrement coûte très cher, sont refusées et il faut attendre parfois des années pour avoir la réponse.
Mais les familles palestiniennes de Jérusalem-Est ont besoin d’agrandir leur espace vital. Elles le font sans avoir reçu l’autorisation et doivent alors vivre dans la crainte de recevoir un ordre de démolition.
Ce document, s’ils le reçoivent, est assorti d’une amende. La police et l’armée israéliennes escortent les bulldozers, et les familles sont sommées de sortir de chez elles le plus rapide-ment possible en emportant le plus de biens possibles. Ils doivent payer le coût de la démoli-tion, qui peut atteindre des centaines de milliers d’euros. Ceux qui ne peuvent pas payer risquent la prison. Avec 70% des Palestiniens de Jérusalem-Est vivant sous le seuil de pauvre-té, certains sont obligés de détruire eux-mêmes leur maison.
Ceux qui ont les moyens, comme un de nos voisins, achètent ou construisent une maison familiale plus grande dans les villages alentours (plusieurs frères avec femme, enfants et leurs vieux parents) mais gardent leur petit appartement à Jérusalem, avec quelques af-faires, pour ne surtout pas perdre leur carte de résident. Pour venir « chez eux » à Jérusa-lem, ils doivent franchir les check points. S’ils se font attraper, ils perdent définitivement leur carte, la possibilité de travailler à Jérusalem et d’y vivre à nouveau et prennent toujours le risque de voir la maison familiale détruite. »