Le Défap s’est doublement invité à l’exposition-événement « Kanak. L’Art est une parole », visible jusqu’au 26 janvier au musée du Quai Branly à Paris. En premier lieu par le prêt de deux Bibles traduites, l’une en langue drehu, et l’autre en langue nengone, ouvrages rares du XIXème siècle qui font partie du fonds de la bibliothèque du Défap. En second lieu, à travers la visite d’étudiants calédoniens du programme ABS.
Deux poteaux sculptés et peints par Jean-Philippe Tjibaou, en l’honneur de son père Jean-Marie et de Jacques Lafleur, signataires des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa © Défap
« Kanak. L’Art est une parole » n’est pas seulement la plus importante exposition jamais consacrée à la culture des tribus de Nouvelle-Calédonie ; elle est aussi organisée au musée du Quai Branly alors que cet archipel du Pacifique sud est à un tournant de son histoire. D’ici 2018 doit y avoir lieu un référendum d’autodétermination. L’exposition « Kanak » y acquiert une résonance politique d’autant plus forte.
La dernière d’ampleur comparable, « De jade et de nacre », remontait à 1990. Mais depuis lors, le travail de l’ethnologue Roger Boulay, co-commissaire de l’exposition, a permis d’enrichir la connaissance du patrimoine kanak et de mieux faire reconnaître aujourd’hui une culture trop longtemps ignorée. Derrière les armes traditionnelles et bambous gravés, les sculptures du fils de Jean-Marie Tjibaou, le leader indépendantiste, en hommage à son père et à Jacques Lafleur, tous deux artisans des accords de Matignon, c’est toute une opération de réappropriation de la mémoire kanak qui est à l’œuvre au Quai Branly. L’exposition-événement visible à Paris jusqu’au 26 janvier (elle déménagera ensuite à Nouméa à partir du mois de mars) permet ainsi tout à la fois, grâce à Emmanuel Kasarhérou, l’un de ses deux commissaires et ancien directeur du centre Tjibaou, de rendre hommage à une culture vieille de plus de trois millénaires, mais aussi de revenir sur l’imagerie colonialiste qui a longtemps véhiculé, en France, les pires clichés sur la Nouvelle-Calédonie.
L‘histoire du Défap est depuis longtemps liée à celle du « Caillou »
Deux traductions bibliques en langue kanak (Lifou et Maré) datant de la fin du XIXème siècle, et prêtées pour l’exposition par la bibliothèque du Défap © Défap |
Or, l’histoire du Défap est depuis longtemps liée à celle du « Caillou » à travers tout l’héritage de la Société des Missions de Paris. Fait suffisamment rare pour mériter qu’on le mentionne, la bibliothèque du Défap a ainsi été sollicitée par le musée du Quai Branly pour le prêt de deux ouvrages destinés à figurer dans cette exposition. C’est Emmanuel Kasarhérou qui est venu en personne identifier les ouvrages empruntés : l’un, une Bible complète en langue drehu (de Lifou) date de 1890 et l’autre, en langue nengone (de Maré), comprenant les livres de la Genèse et de l’Exode, date de 1869. Les Bibles en langues d’Océanie mais aussi d’Afrique, d’Asie et d’Europe, nombreuses à la Bibliothèque du Défap (environ 500 titres), constituent un petit trésor, rarement consulté il est vrai, sauf par quelques spécialistes de la traduction. Les plus anciennes sont souvent parmi les premières traductions de textes connues pour les langues concernées et représentent parfois, à ce titre, des objets rares, voire très rares, en France mais aussi dans le monde.
Vue de la salle des masques funéraires (tradition pratiquée surtout sur la Grande Terre) © Défap |
Ces relations entre le Défap et la Nouvelle-Calédonie sont toujours vivantes aujourd’hui, notamment à travers le programme Après Bac Service, issu des Accords de Matignon et de Nouméa visant à rééquilibrer les compétences entre toutes les composantes de la population calédonienne. En particulier, le Défap est chargé par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie d’assurer le suivi extra-universitaire d’une soixantaine d’étudiants chaque année venant suivre des études supérieures en métropole. Réunis à Paris du 26 au 28 octobre dernier, ces étudiants ont pu se rendre, notamment, au musée du Quai Branly. Il s’agissait de l’une des trois rencontres organisées par le Défap au cours de l’année scolaire pour ces jeunes Calédoniens. Le Défap effectue également un suivi individuel de ces étudiants (envoi de livres et carte pour les anniversaires, suivi SMS ou réseaux sociaux, parfois visites) et un suivi collectif (courriers postaux ou électroniques).
«Kanak, l’art est une parole», jusqu’au 26 janvier au Musée du quai Branly
Adresse : 37, quai Branly 75007 Paris. Tél.: 01 56 61 70 00. www.quaibranly.fr