Samedi 15 septembre 2012, à l’occasion de la cérémonie en hommage à Éric de Putter, le Défap-Service protestant de mission s’est exprimé par la voix de son président, Jean-Arnold de Clermont. Un article publié par l’hebdomadaire Réforme le 20 septembre 2012.

Éric de Putter © Défap

Réforme : C’est la première fois que le Défap s’exprime publiquement depuis l’assassinat d’Éric de Putter le 8 juillet 2012 à Yaoundé, pourquoi ?

J.-A. de Clermont : Face à un événement aussi grave, nous avons renoncé à prendre la parole de manière publique cet été, car nous devions garder le silence du deuil.

Réforme : Très rapidement, vous vous êtes rendu au Cameroun. Qui avez-vous rencontré ?

J.-A. de Clermont : Avec le secrétaire général de la Cevaa [communauté de 37 Églises protestantes en mission, ndlr], nous avons rencontré les responsables des Églises, consternés. Nous avons également été reçus par la consul de l’ambassade de France, par les responsables de l’enquête et par le ministre de la Justice.

Avec les autres partenaires, nous avons participé au conseil d’administration de l’Université protestante d’Afrique centrale (UPAC). Nous savons que certains diplômes ont été achetés et attribués par favoritisme. C’est ce système de corruption que beaucoup connaissaient et que le doyen n’a pas osé affronter. C’est ce même système qu’Éric de Putter n’a jamais accepté. Les responsables des Églises, en charge de l’UPAC, ont pris les choses en main en remplaçant les dirigeants de l’université, en commandant un audit de fonctionnement et en lançant une réforme des statuts et des partenariats.

Réforme : Que pouvez-vous nous dire sur l’avancée de l’enquête ?

J.-A. de Clermont : Je vous confirme les tensions au sein de l’UPAC et l’arrestation d’un doctorant centrafricain, dont la thèse a été refusée par Éric de Putter, et du doyen de l’UPAC. Mais, pour l’instant, leur implication dans le meurtre n’est pas prouvée. Pour la police judiciaire, il y a bien eu commandite de ce crime de l’intérieur de l’université.

Réforme : Connaissiez-vous la situation d’Éric au Défap ?

J.-A. de Clermont : Nous avons découvert qu’un rapport avait été écrit par des enseignants de la faculté de théologie en 2010 à destination du conseil d’administration de l’université, dénonçant la corruption de manière virulente. Nous ne savons pas pourquoi il a fallu deux ans pour que les partenaires et l’administration réagissent.

Concernant Éric de Putter, évidemment que nous nous sommes posé la question de notre responsabilité. Il nous avait alerté sur les tensions entre lui et le doyen. Mais ni Éric, ni les responsables du Défap ni personne ne pouvaient prévoir cette issue tragique. Le Défap lui avait proposé de rentrer au printemps. Il avait refusé, expliquant qu’il vivait de belles choses malgré tout. Jean-Luc Blanc, responsable des envoyés et de la formation théologique, s’était rendu au Cameroun à cette période pour organiser une médiation. Selon le volontaire, les relations s’étaient apaisées. Mais cet été, le climat de travail s’était détérioré à nouveau et c’est pour cela qu’Éric avait avancé son départ.

Réforme : La corruption au Cameroun est un grave fléau qui touche toute la société. Comment travaillez-vous là-bas ?

J.-A. de Clermont : Certains envoyés en témoignent. Un volontaire a arrêté son contrat dans le domaine médical car il ne supportait plus de voir les infirmiers vendre les médicaments au lieu de les donner. On sait bien que le pays est corrompu à tous les niveaux. On apprend aussi que les personnes arrêtées font partie de l’opposition. Sans aucun doute, cela doit avoir une influence dans la vie des Églises. Nous y sommes attentifs. Notre travail est essentiellement fondé sur l’échange humain et très peu sur l’aspect financier. Donc nous essayons d’être attentifs aux origines des pasteurs que nous recevons pour ne pas favoriser ou discriminer une Église plutôt qu’une autre.

Réforme : Comment envisagez-vous l’avenir du Défap au Cameroun ?

J.-A. de Clermont : C’est une histoire séculaire entre les Églises des deux pays. Nous n’allons pas à la première difficulté demander le divorce. Il nous faut dialoguer, échanger afin de trouver des solutions pour poursuivre cette relation. Comment mettre en place un partenariat transparent les uns avec les autres qui pourra révéler des dysfonctionnements ? Nous ouvrons la réflexion. La réponse ne nous appartient pas, nous la trouverons tous ensemble. Je vais aller à l’assemblée générale de la Cevaa, qui fêtera ses 40 ans en octobre, pour en parler.

Propos recueillis par Laure Salamon

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