Le président et le secrétaire général du Défap, les pasteurs Jean-Arnold de Clermont et Bertrand Vergniol, se sont rendus en République centrafricaine fin mars, pour le culte de Pâques. Le pasteur Vergniol revient sur ce séjour marquant.

Comment parler de la situation de Bangui sans évoquer ses quartiers dévastés ? C’est une ville abîmée qui nous accueille. La peur est palpable. Les habitants vivent depuis 2013 sous la menace permanente de bandits qui peuvent mettre à sac les écoles, les maisons, les commerces, la vie.

Les milices, chacune de leur côté, poursuivent leurs guerres. Le feu a balayé les rues et a laissé dans son sillage des dizaines de milliers de déplacés. Nus, sans rien d’autres que ce qu’ils ont pu, dans la précipitation, emporter. Enfants au dos et bras surchargés, ils survivent le long de l’aéroport, dans les terrains vagues, en tente ou sous des abris de fortune. La misère est poignante, et personne n’y échappe : femmes, enfants, anciens, blessés… tout le monde subit la violence de ce quotidien incertain. C’est dans ce climat que la France a annoncé le retrait de la force Sangaris. Qu’adviendra-t-il de cette trêve fragile ? Les armes que nous ne voyons plus feront-elles à nouveau entendre la plainte des innocents ?

 

Les pasteurs Vergniol (à gauche) et de Clermont (à droite), en RCA, mars 2016

Les pasteurs Vergniol (à gauche) et de Clermont (à droite), en RCA, mars 2016 (DR)

 

La nuit dépose un voile opaque qu’aucune lumière ne vient troubler. La ville est éteinte.  Quelques fantômes la traversent timidement. Mais les ténèbres ne sont pas seulement la privation de lumière, c’est l’état dans lequel on se trouve lorsque plus rien n’appelle à la vie.

 

Au milieu des blindés de l’armée française et des chars blancs de l’ONU se dessine pourtant un espoir.
Le 30 mars 2016, un nouveau président a été investi. Il hérite d’un pays qui a connu trois guerres civiles en moins de quinze ans. Cinq millions de Centrafricains qui comptent sur ce nouvel espoir. Sans police, sans argent, avec 40% de la population qui à moins de 15 ans : le défi est de taille. Cette jeunesse débordante ne se contentera pas d’attendre, il faut agir, et vite. La violence n’appartient pas encore au passé : victimes et bourreaux partagent le même quotidien.

 

Porter la parole de Dieu

 

Novembre 2015, le pape François prononce un discours exhortant les Centrafricains à « résister à la peur de l’autre ». Il se rend alors à la mosquée centrale de Bangui, dans le quartier du PK-5, théâtre d’atrocités pendant les massacres intercommunautaires de la fin 2013. Depuis cette prise de parole, le rang des forces qui appelaient à la violence s’est tari.

Les Trois Saints, le révérend Nicolas Guerekoyame-Gbangou, pasteur et chef de l’Eglise protestante centrafricaine, Mgr Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui et chef de l’Eglise catholique, et l’imam Omar Kobine Layama, président de la conférence islamique, sont également les artisans de cette paix civile.

En appelant chacun à se souvenir que l’autre est aussi son frère, les forces ecclésiastiques ont peut-être évité le scénario rwandais.

 

Protestant ici et là-bas

 

L’Eglise protestante du Christ Roi ne comptait peut-être que 400 ou 500 participants au culte de Pâques mais leur ferveur témoignait du message d’unité qu’ils portent pour le monde. Les protestants, mais pas seulement. Les hommes et les femmes de toutes horizons aussi. Ceux de l’extérieur, ceux qui ne pensent pas comme nous, ceux qu’il faut aimer malgré les différences car, comme le disait Matthieu (5 ;44), « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent ».

 

Cette Eglise réformée nous invite à nous souvenir que nous sommes aussi à Bangui.

 

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