Le président de l’Église du Christ au Congo à la rencontre des protestants de France

Philippe Kabongo, le professeur Honoré Muenyi Kamuinga, et André Bokundoa, président de l’ECC, au Zénith pour le grand culte de Protestants en Fête à Strasbourg © Freddy Mulongo

Élu le 19 août dernier président national de l’Église du Christ au Congo (ECC), le pasteur André Bokundoa-Bo-Likabe est arrivé à la tête de la principale Fédération protestante de RDC dans un contexte de fortes tensions politiques, marqué par des manifestations violemment réprimées réclamant le départ du président Joseph Kabila. Des tensions qui n’épargnent pas les Églises : car pour tenter de rétablir un dialogue jusqu’alors rompu entre le président et les partis d’opposition, l’Église catholique a, dans un premier temps, joué un rôle de médiateur, obtenant un accord, dit «de la Saint-Sylvestre», en vertu duquel des élections libres et transparentes devaient être organisées avant la fin de 2017.

Accord qui n’a jamais été respecté, ce qui a poussé les évêques congolais à renoncer à cette médiation et à réclamer à leur tour une rapide alternance politique. Depuis lors, c’est une organisation proche de l’Église catholique, le Comité laïc de Coordination (CLC), qui a pris la tête de la contestation. Après avoir organisé trois marches pacifiques de chrétiens contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila, toutes violemment réprimées, il a diffusé lundi un appel à la population intitulé «Jusqu’au bout nous irons!».

Le soutien des protestants de France à l’ECC

Pour aller plus loin :

L’Église catholique est, de ce fait, devenue une cible du pouvoir au même titre que les partis d’opposition, et sa position a poussé les autres Églises à s’impliquer à leur tour. De sorte que désormais, les protestants sont eux aussi directement menacés. Ce qu’illustre le cas du pasteur François-David Ekofo : après avoir dénoncé, lors d’un service commémorant le 17ème anniversaire de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, les lacunes de l’autorité et de la justice en RDC devant l’actuel chef de l’État et ses proches, il a dû quitter précipitamment le pays.

Des intimidations qui n’ont pas fait renoncer le pasteur  Bokundoa à sa liberté de parole : «Nous sommes appelés des protestants parce que nous protestons toujours contre ce qui n’est pas juste. Bien-aimés, nous voulons vous rassurer : nous sommes protestants et nous devons le rester. Nous n’abandonnerons pas notre identité pour une autre», a-t-il déclaré le lundi 19 février à l’ouverture de la 53ème session ordinaire du Comité exécutif national de l’ECC. Et de citer le livre de Proverbes (29-2) : «Quand les justes se multiplient, le peuple est dans la joie ; Quand le méchant domine, le peuple gémit».

AG de la FPF, fin janvier © Fédération protestante de France

Les menaces ciblant les Églises en RDC ont suscité un mouvement de solidarité allant bien au-delà des frontières de la République démocratique du Congo. Fin janvier, l’assemblée générale de la Fédération protestante de France, réunissant près de 170 délégués représentant 30 unions d’Églises et plus de 500 œuvres, communautés et associations (dont le Défap), a voté une recommandation apportant un soutien sans réserve à l’Église du Christ au Congo et à son nouveau président, face à «la situation sécuritaire et de tensions politiques en République Démocratique du Congo» et à «la répression que subissent dans ce pays les chrétiens qui réclament des élections crédibles et la cessation des violences politiques». Ce message a été transmis en février au pasteur Bokundoa par le pasteur Jean-Luc Blanc, responsable du service Relations et Solidarités Internationales au sein du Défap, alors en visite en RDC.

Ce samedi 17 mars, le pasteur Bokundoa est arrivé en France, ce qui devrait lui permettre de rencontrer divers représentants du protestantisme français, ainsi que des membres des Églises congolaises. Son arrivée a coïncidé avec l’Assemblée Générale du Défap. Il doit être reçu en début de semaine à la Fédération Protestante de France. Son premier voyage à l’étranger avait déjà été pour la France : il était en effet à Strasbourg pour les célébrations des 500 ans de la Réforme, en tant qu’invité d’honneur de la FPF.




RDC : les défis des protestants congolais

Le pasteur Jean-Luc Blanc, du Défap, en compagnie de la doyenne et de l’équipe de la Faculté de Théologie de Goma © Défap

Traverser un quartier populaire de Kinshasa, pour un visiteur français et, de surcroît, protestant, c’est une expérience que l’on n’oublie pas. À chaque coin de rue ou presque, des dizaines d’Églises aux dénominations les plus diverses, parfois logées dans d’imposants bâtiments pour les plus prospères d’entre elles, parfois recevant les fidèles sous un simple toit de tôle ondulée posé sur des piquets. Aujourd’hui en République démocratique du Congo, au sein d’une population de 77 millions d’habitants (c’est le pays le plus peuplé d’Afrique francophone) et à 80% chrétienne, le protestantisme représente une part de 40%. Une partie des centaines d’Églises qui se sont implantées dans la seule capitale sont marquées par l’influence pentecôtiste et charismatique ; mais en ce qui concerne les Églises protestantes traditionnelles, elles sont pour la plupart membres d’une même grande fédération : l’Église du Christ au Congo (ECC). Le protestantisme français est en relation directe avec elle, et lors de son dernier voyage en RDC, en février, Jean-Luc Blanc, du service Relations et Solidarités Internationales du Défap, a notamment rencontré son nouveau président, le pasteur André Bokundoa.

Depuis son accession à la souveraineté en 1960, la RDC a connu une histoire chaotique et tout, dans ce territoire, en porte les marques. L’économie : en dépit de ses richesses naturelles, la RDC figure parmi les pays les plus pauvres du monde et se situe au 176ème rang (sur 187) de l’indice de développement humain calculé par l’Onu. Les infrastructures : à Kinshasa même, les routes goudronnées sont une minorité, et l’on trouve à l’entrée de la ville une ancienne voie de chemin de fer reconvertie en marché. La vie politique : le pays a connu une multitude de conflits et l’une de ses provinces, le Nord-Kivu, est ravagée par la guerre, contrôlée par des milices et échappe au pouvoir central depuis des années. L’actuel président, Joseph Kabila, à la tête de l’État depuis la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001, gouverne depuis décembre 2016 sans mandat. La vie religieuse n’a pas échappé à cet aspect chaotique de l’histoire de la RDC, et la multiplication des dénominations en est un des symptômes…

L’ECC, à la fois Fédération et Église… et cible du pouvoir

Pour aller plus loin :

Il y a pourtant des facteurs d’unification à ne pas négliger. L’Église du Christ au Congo rassemble 95 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de «communautés» plutôt que «d’Églises» au sein de l’ECC), dont 70 sont présentes dans la seule ville de Kinshasa. Un partenaire de taille… et surtout, une institution représentant un protestantisme moins divers qu’il n’y paraît : l’ECC cumule les caractéristiques d’une Fédération et d’une Église. Toutes les dénominations qui la composent se retrouvent lors d’un même synode. Et d’une communauté à l’autre, les théologies dialoguent, les liturgies se rapprochent. Les facultés de théologie jouent pour cela un grand rôle : entre les communautés baptiste, anglicane ou mennonite, on retrouvera des pasteurs qui ont fréquenté les mêmes universités et suivi les mêmes cours.

Le Défap travaille justement avec cinq universités protestantes en RDC, toutes membres du RUPA (le Réseau des Universités Protestantes d’Afrique), garant d’un bon niveau académique, et qui disposent chacune d’une faculté de théologie. Dans un pays aussi vaste que la RDC et où le fait religieux est aussi prégnant, ces universités présentent des promotions impressionnantes : 9000 étudiants pour l’Université Protestante du Congo à Kinshasa, dont 300 en théologie ; 3225 étudiants pour l’Université Évangélique en Afrique (Bukavu) dont 686 en théologie ; 3000 étudiants pour l’Université Libre des Pays des Grands Lacs à Goma, dont 380 en théologie… Au sein de ces facultés se rencontrent des élèves issus de communautés ecclésiales différentes, entretenant ainsi le dialogue œcuménique. Parmi leurs responsables figurent souvent d’anciens boursiers du Défap. Les relations avec la France se concrétisent aussi à travers des échanges de professeurs. En outre, le Défap reçoit des étudiants boursiers et des professeurs en congé de recherche.

«Message fraternel et de prière» des protestants de France

Mais l’omniprésence du religieux dans l’espace public a d’autres conséquences, notamment dans l’actuelle période de troubles politiques. Des conséquences qui, indirectement, interrogent aussi les protestants de France. Car avec la multiplication des manifestations réclamant le départ de Joseph Kabila, une médiation a été lancée sous l’égide de l’Église catholique, seule institution disposant du poids et de la reconnaissance suffisante au sein de la société congolaise pour être acceptée comme arbitre par toutes les parties, ce qui a permis la signature d’un accord. Accord dont le non-respect a poussé les évêques à réclamer à leur tour une rapide alternance politique. Depuis lors, c’est une association de laïcs liés à l’Église catholique qui a pris la tête de la contestation, poussant les autres Églises à s’impliquer à leur tour, au risque de devenir également des cibles privilégiées de la répression. C’est la situation dans laquelle se trouve désormais l’ECC (lire : République démocratique du Congo et Centrafrique à l’honneur lors de l’AG du Défap).

D’où la recommandation votée fin janvier à Paris lors de l’assemblée générale de la Fédération protestante de France ; et lors de sa rencontre avec le pasteur Bokundoa, Jean-Luc Blanc était aussi porteur d’un message de soutien des protestants de France, «un message fraternel et de prière face aux menaces dont font l’objet les dirigeants de l’Église».

Franck Lefebvre-Billiez

Le Défap en République Démocratique du Congo :
  Le Défap travaille en lien avec les universités protestantes suivantes:
    – L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa);
    – L’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu);
    – L’Université Évangélique en Afrique – UEA (à Bukavu);
    – L’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga).
  Toutes ces universités comportent une faculté de théologie.
  Le Défap échange avec les facultés de théologie partenaires en RDC notamment par l’envoi de professeurs et l’accueil de boursiers.

 




Des timbres pour le Congo

Alain Gilles au travail © Défap

Dans le local dédié à la philatélie, un étage en-dessous du hall d’accueil du Défap, les timbres s’accumulent par milliers, par kilos : en sacs destinés aux négociants qui les achètent au poids, ou regroupés par séries identiques dans des enveloppes de cent ; certains décollés, d’autres présentés sur des fragments d’enveloppes soigneusement découpés… S’activant au milieu de cet atelier, Alain Gilles, dynamique retraité et philatéliste passionné, présente les travaux en cours : «Nous recevons des timbres de toute la France. Tout fonctionne grâce au bouche-à-oreille : classiquement, quelqu’un dans une paroisse va passer le mot autour de lui, en demandant de récupérer des timbres pour le Défap ; une fois qu’il en a collecté suffisamment, il nous les envoie. Il nous faut alors les trier.»

Un véritable travail de bénédictin : l’expression fait sourire Alain Gilles, dont le père était catholique et la mère protestante. «Dans ma famille, se souvient-il, on pratiquait l’œcuménisme bien avant que ce soit à la mode.» En ce lundi 26 février, il est seul à s’activer dans le local, mais le service philatélie fonctionne grâce à l’implication de trois passionnés, tous bénévoles. Des séries de timbres disposées sur une table, face à l’entrée, témoignent d’ailleurs d’un travail de tri en voie d’achèvement. Outre Alain Gilles, il y a Geneviève Minssen et Jean Roman ; tout au long de l’année, les timbres, mais aussi les cartes postales qu’ils réceptionnent, trient, regroupent et revendent leur permettent de récolter des fonds qui vont financer des bourses pour des étudiantes à plus de 9000 km de Paris : à Kananga, en République démocratique du Congo.

Une université si loin de Kinshasa…

Pour aller plus loin :
RDC : fiche pays et actualité du Défap
Des timbres pour aider les étudiantes de l’UPRECO
Des bibles pour Kananga
Visite en images de l’UPRECO
Pour aider les étudiantes de l’UPRECO, vous pouvez aussi retrouver les timbres proposés par le service philatélie sur la boutique du Défap, en cliquant ici.

Kananga, l’ancienne Luluabourg fondée en 1884 sur la rive de la rivière Lulua, est la capitale du Kasaï-Occidental – une province enclavée, loin de la capitale Kinshasa, isolée des centres de décision par des centaines de kilomètres de routes impraticables. On n’y accède que par avion. C’est là que se trouve l’UPRECO (Université Presbytérienne du Congo), l’une des trois universités protestantes avec lesquelles les Églises de France sont en lien dans ce pays à travers le Défap. Outre la théologie, on y enseigne le droit et l’agronomie. Aussi délaissée par les autorités et privée de moyens que l’est la ville de Kananga elle-même, l’UPRECO a pourtant un rôle essentiel à jouer dans cette région extrêmement pauvre où les jeunes n’ont pas les moyens d’aller étudier dans les grandes villes plus développées. La situation est particulièrement difficile pour les étudiantes, qui vivent dans une grande pauvreté : très peu de filles ont les moyens de suivre des études, car les familles, quand elles le peuvent, choisissent de financer plutôt les études des garçons.

Les relations entre les protestants de France et cette université se sont développées suite à un séjour de professeurs français à l’UPRECO, qui sont revenus particulièrement touchés par la situation des étudiants de Kananga. Ces liens prennent aujourd’hui la forme d’un soutien direct à la faculté de théologie, d’envois d’enseignants… Ils passent aussi par des bourses d’appoint pour les étudiantes. Et voilà comment les timbres triés à Paris aident à soutenir l’Université Presbytérienne du Congo : au cours des dernières années, les revenus de la philatélie du Défap ont permis de financer en moyenne 10 bourses par an.

Toutes les bonnes volontés sont bienvenues

Etudiantes de l’UPRECO en compagnie de Jean-Luc Blanc, du Défap © Défap

C’est un travail de longue haleine pour les trois bénévoles. «On est un peu débordé», reconnaît en souriant Alain Gilles, qui dit consacrer entre 25 et 30 heures par semaine au service philatélie du Défap : «J’emporte régulièrement du travail chez moi». Heureusement, il y a des habitués qui envoient ponctuellement, chaque année, la collecte faite dans leur paroisse : «nous avons des correspondants jusqu’en Suisse», souligne Alain Gilles. Dans le meilleur des cas, les timbres sont envoyés déjà décollés, ce qui simplifie la tâche des bénévoles ; sinon, il faudra redécouper soigneusement, un à un, chaque morceau d’enveloppe où restent attachées les précieuses vignettes… Il y a aussi, plus rarement, des legs de collectionneurs.

Mais, outre le travail sur les timbres, il faut aussi organiser la participation du Défap aux expositions et aux rencontres qui permettront d’entrer en contact avec des acheteurs. Elles sont fréquentes en région parisienne, où les cercles philatéliques sont nombreux. La dernière en date a eu lieu à Bois-Colombes, les 10 et 11 février 2018. Pour compléter l’équipe des bénévoles du Défap, le concours de nouvelles bonnes volontés serait le bienvenu – que ce soit au siège du Défap ou comme correspondant en paroisse. Pas besoin pour ça d’être philatéliste : il faut surtout avoir du temps disponible. Et accepter de se laisser surprendre.

Timbres en cours de tri au service philatélie du Défap © Défap

«On peut découvrir des choses passionnantes», s’enthousiasme Alain Gilles, en revenant sur le thème de l’exposition de Bois-Colombes : la femme, vue à travers les timbres et les cartes postales. Lui-même, à travers son activité de bénévole, a pu renouer avec une passion d’enfance, après avoir passé toute sa vie active dans le milieu du bâtiment ; mais le monde du timbre ne demande qu’à s’ouvrir à ceux qui sont prêts à le découvrir. Précisément, la Fédération Française des Associations Philatéliques organise chaque année une opération promotionnelle d’envergure nationale appelée «Fête du Timbre», qui a notamment pour but de susciter l’intérêt des non-philatélistes. Plus d’une centaine de villes participeront à ce grand rendez-vous prévu les 10 et 11 mars 2018, dont le thème sera «l’automobile et le sport». L’occasion, peut-être, de se découvrir une nouvelle passion ; et, pourquoi pas, de soutenir les étudiantes de Kananga aux côtés du Défap…

 

Le Défap en République Démocratique du Congo :
  Le Défap travaille en lien avec les universités protestantes suivantes:
    – L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa);
    – L’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu);
    – L’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga).
  Toutes ces universités comportent une faculté de théologie.
  Le Défap échange avec les facultés de théologie partenaires en RDC notamment par l’envoi de professeurs et l’accueil de boursiers.

 




Les protestants de France solidaires de la RDC

Carte de RDC © Division Géographique de la Direction des Archives du Ministère des Affaires Étrangères – 2004

 

Officiellement, Joseph Kabila ne devrait plus être président de la République démocratique du Congo depuis plus d’un an. Son deuxième mandat a pris fin le 19 décembre 2016. Il dirige pourtant toujours le pays, promettant des élections pour le 23 décembre 2018. Promesse à laquelle bien peu de monde accorde du crédit en RDC, même si elle semble admise par la communauté internationale. En attendant, toutes les manifestations sont réprimées, souvent violemment, toute contestation baîllonnée ; les arrestations arbitraires se multiplient. Une situation qui interpelle directement les Églises.

En décembre 2016, lorsque la fin du deuxième et, théoriquement, dernier mandat de Joseph Kabila a dégénéré en crise politique aiguë, l’Église catholique a accepté de jouer un rôle de médiation entre le pouvoir et l’opposition. Résultat : un accord pour des élections transparentes et une alternance politique. Mais cet accord dit de la Saint-Sylvestre, en vertu duquel une élection présidentielle aurait dû avoir lieu avant le 31 décembre 2017, est resté lettre morte. En mars 2017, les évêques se sont retirés de leur rôle de médiateurs. En novembre, ils ont demandé à Joseph Kabila de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle. Le 31 décembre, des marches pacifiques pour l’alternance politique, organisées à Kinshasa par une association de laïcs reconnue par l’Église catholique, ont été réprimées avec une violence meurtrière. Nouvelle manifestation le 21 janvier, et nouvelle répression. Le 26 janvier, le président de la RDC, s’exprimant lors d’une conférence de presse, la première en cinq ans, a intimé aux Églises de se tenir à l’écart de la politique : «Nulle part, dans la Bible, Jésus-Christ n’a jamais présidé une commission électorale».

Une répression qui s’étend progressivement aux Églises

AG de la FPF © Fédération protestante de France

Ce rôle assumé par l’Église catholique, avec le soutien d’une grande partie de la population, interpelle directement toutes les autres Églises et notamment le protestantisme congolais, à travers l’Église du Christ au Congo (ECC). Le 16 janvier dernier, pour la commémoration du 17e anniversaire de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, qui fut maître du pays avant lui de mai 1997 à janvier 2001, Joseph Kabila avait choisi de prier avec les protestants. Espérant sans doute éviter ainsi un sermon critique. Mais devant le chef de l’État et ses proches, le pasteur François-David Ekofo a dénoncé les lacunes de l’autorité et de la justice en RDC. «Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État existe réellement. Je dis bien réellement. Parce que j’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment. (…) Il faut renforcer l’autorité de l’État. Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État est réel, un État responsable, où tout le monde est égal devant la loi.»

Désormais, ce sont toutes les Églises qui sont menacées par la répression pendant que Joseph Kabila se maintient au pouvoir par la force. Suscitant un mouvement de solidarité au-delà des frontières de RDC : ainsi l’assemblée générale de la Fédération protestante de France, qui s’est tenue les 27 et 28 janvier à Paris, réunissant près de 170 délégués représentant 30 unions d’Églises et plus de 500 œuvres, communautés et associations (dont le Défap), a voté la recommandation suivante :

Le texte de la recommandation de l’AG de la FPF

«Informée de la situation sécuritaire et de tensions politiques en République Démocratique du Congo et de la répression que subissent dans ce pays les chrétiens qui réclament des élections crédibles et la cessation des violences politiques, l’Assemblée Générale de la Fédération protestante de France (FPF), réunie à Paris les 27 et 28 janvier 2018, demande :

  • à son président, de transmettre au pasteur André Bokundoa, nouveau président de l’Église du Christ au Congo (ECC), un message fraternel et de prière face aux menaces dont font l’objet les dirigeants de l’Église.
  • à son président, d’alerter les autorités françaises sur les risques concernant la sécurité personnelle des autorités ecclésiastiques et communautés chrétiennes congolaises, tant protestantes que catholiques, actuellement ciblées par le régime en place.
  • à son Conseil, d’étudier la meilleure façon de suivre la situation (contacts réguliers, mise en place d’une plateforme rassemblant les différents organismes protestants travaillant avec l’ECC ou autres).»



Un voyage pour «toucher du doigt les réalités de la vie au Congo»

Une douzaine de membres de l’Église protestante unie du Consistoire d’Héricourt se sont rendus début octobre auCongo-Brazzaville, pour y découvrir notamment les actions que mène l’Église Évangélique du Congo. Ils étaient accompagnés par le pasteur Joël Dautheville, président du Défap. Retour sur ce voyage avec Georges Massengo, qui a été pasteur à Brazzaville avant d’exercer son ministère au sein de l’Église protestante unie de France, et qui a organisé ce projet.

 

Les participants du voyage devant un centre médico-social © Défap

De retour de Brazzaville et Pointe-Noire depuis quelques semaines, le pasteur Massengo a encore en tête une liste de bagages qui tient du catalogue à la Prévert : trois valises d’habits pour bébé et autres matériels pour enfants, deux valises de lunettes, trois fauteuils roulants et… plus aucune place de disponible pour les livres du Défap… Qu’importe, l’essentiel n’était pas dans les bagages. Mais bien dans les rencontres… Le voyage a duré une dizaine de jours, du 29 septembre au 9 octobre 2017, et pour la plupart des participants, il a marqué leur premier contact avec le Congo-Brazzaville et avec l’Église Évangélique du Congo (EEC). Ils étaient douze, membres de l’Église protestante unie du Consistoire d’Héricourt, Georges Massengo leur servant de guide. Lui-même originaire de ce pays, il avait exercé son ministère pastoral dans l’une des principales paroisses de l’EEC, celle de Mayangui, avant sa venue en France où il est aujourd’hui pasteur de l’EPUdF.

Pour lui, l’objectif de ce voyage accompagné et soutenu financièrement par le Défap devait être avant tout de montrer la réalité du pays, non seulement sur le plan social (même si la République du Congo est un pays producteur de pétrole, près de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et l’accès à l’eau potable et à l’électricité y reste difficile) mais aussi sur le plan de la vie d’Église. Autre participant du voyage à renouer avec le Congo-Brazzaville : Joël Dautheville, président du Défap, qui a lui-même été pasteur de la paroisse du Plateau il y a une quarantaine d’années, et qui avait décidé de précéder le groupe de quelques jours afin de faire le point sur les projets en cours.

La genèse du projet

Pour aller plus loin :
Mission au Congo : des chantiers nombreux et audacieux
Le Défap au Congo : projets en cours

L’Église Évangélique du Congo (EEC) est la première et la plus importante Église protestante au Congo-Brazzaville. Elle est aussi le principal partenaire du Défap dans ce pays. Elle trouve ses origines, au début du XXème siècle, dans les travaux de la Mission Évangélique Suédoise (MES), avec le concours d’autres Églises Missionnaires scandinaves. Son existence en tant qu’Église indépendante remonte au 15 juillet 1961, lorsque les différentes Églises Missionnaires ont décidé de l’autonomie des stations et postes missionnaires, donnant naissance à une Église unie. Mais l’avènement d’une république populaire en 1969, sous la présidence de Marien Ngouabi, avec comme corollaire l’instauration du socialisme scientifique, s’est traduit pour l’Église par la nationalisation de ses écoles et centres de santé. Aujourd’hui, dans un contexte social difficile, elle développe ses activités diaconales pour faire face aux besoins de la population notamment en matière d’éducation et de santé. Les projets soutenus par le Défap sont nombreux : soutien à la faculté de théologie de Brazzaville, programme d’éducation à la paix, formation d’animateurs jeunesse, scolarisation d’enfants sourds, formation à l’informatique, construction d’école, programme de lutte contre le sida, envoi de volontaires au sein du département Santé de l’EEC…

C’est lors d’un culte du pasteur Massengo destiné à présenter ces relations entre les protestants de France et l’EEC qu’est née, début 2016, l’idée d’organiser un voyage avec des membres du Consistoire d’Héricourt. «Il y avait là un couple de retour du Congo-Brazzaville», se souvient Georges Massengo. «Ils avaient séjourné dans le pays avec leurs enfants et ont témoigné de ce qu’ils y avaient vécu, de ce qu’ils avaient vu.» La situation sociale et les difficultés du quotidien, le problèmes de scolarisation des enfants, mais aussi toutes les actions lancées par l’EEC et la manière dont la foi y est vécue : autant de découvertes qui ont poussé les paroissiens à vouloir mieux connaître le pays et l’Église. Une fois le projet monté avec le Défap, trois sessions d’informations sur le Congo-Brazzaville ont été organisées à Lure et Héricourt, auxquelles a participé Joël Dautheville. Et les objectifs du voyage se sont développés.

«Comment pouvons-nous aider ?»

Distribution de médicaments © Défap

«Les participants m’ont demandé : comment pouvons-nous aider ?» raconte Georges Massengo. «Et je leur ai parlé d’un projet de construction de maternité auquel j’avais participé lorsque j’étais pasteur à Mayangui. J’y étais retourné depuis lors et j’avais découvert un centre qui était devenu une structure de référence au sein de l’Église, avec un service pour les consultations prénatales, un bloc opératoire pour les césariennes, mais aussi un service de médecine générale, un autre d’ophtalmologie, un suivi des personnes atteintes par le Sida… Le personnel médical, le médecin-chef m’avaient parlé de tous leurs besoins. Je me suis dit que ce voyage était une excellente occasion d’y répondre.»

Autour du projet de voyage s’organisent alors des collectes : vêtements et matériel médical (pour mesurer la glycémie et la tension, notamment), fauteuils roulants et équipement ambulatoire… Georges Massengo prend aussi contact avec une association locale, le Kiwanis Montbéliard-Sochaux, qui récolte toute l’année d’anciennes lunettes pour les remettre à des associations : «au Congo-Brazzaville, trop de gens qui ont des problèmes visuels ne peuvent pas trouver les lunettes dont ils auraient besoin». Les bagages grossissent ainsi jusqu’au moment du départ.

Rencontres et visites

Rencontre avec le président de l’EEC © Défap

Au Congo-Brazzaville, la petite délégation, accueillie par la paroisse de Mayangui, rencontre le président de l’EEC : le pasteur Edouard Moukala, successeur de Patrice Nsouami. Les visites s’enchaînent à Brazzaville : «Nous avons vu le responsable du département Santé de l’Église, qui a accueilli une envoyée du Défap. Nous avons livré là-bas nos fauteuils roulants et notre matériel ambulatoire. Nous avons visité l’orphelinat du temple du Centenaire, où Joël Dautheville avait été pasteur. Nous avons remis des sacs d’habits à la responsable du département Femmes et Familles de l’EEC, Éléonore Kissagui, ancienne boursière du Défap. Nous avons pu visiter une structure destinée à accompagner les filles-mères (qui vivent seules et sans moyens de subsistance pour élever leurs enfants) et à leur fournir une formation à la couture.»

À cela s’ajoutent des rencontres avec le doyen et les étudiants de la faculté de théologie de Brazzaville, une visite à un projet de «caisse féminine» monté par des femmes chrétiennes afin de faire du micro-crédit… Autant de manières pour les voyageurs de vérifier l’efficacité des liens tissés à travers les échanges ou le financement de bourses par le Défap – les anciens boursiers constituant, au fil des années, un réseau sur lequel le Défap peut s’appuyer dans ses relations entre Églises. Autant de manières, surtout, de «toucher du doigt les réalités de la vie au Congo».




Violences en RDC, le Défap reste vigilant

Des affrontements entre l’opposition et les forces de l’ordre ont eu lieu en début de semaine au Congo Kinshasa, ex-Zaïre. La fin du mandat de Joseph Kabila Kabange, président depuis 2006 réélu en 2011, approche.

Rien ne semble être fait pour organiser les élections qui devraient se tenir en décembre cette année.  Des « dialogues entre Congolais », convoqués par le chef de l’Etat, ont été institués, invitant au débat national. Mais pour les forces d’opposition, le préambule de toute démarche consiste à annoncer, par respect pour le cadre constitutionnel, que l’actuel président de la République ne sera pas candidat aux prochaines élections.

Sur place, nos amis et partenaires témoignent d’une situation tendue, où le mécontentement de la population se joint à une peur grandissante. Ce pays au sous-sol richissime, dont la population ne profite guère, rencontre les mêmes difficultés qu’un grand nombre de pays africains pour qui la démocratie n’est encore qu’à l’état d’ojectif à atteindre.

Une marche, initialement acceptée par le pouvoir en place, composée d’opposants politiques et de membres de la société civile congolaise, a été réprimée dans le sang par les forces de police et la garde républicaine. L’association Human Rights Watch parle de plus de quarante morts à ce jour. Et la contestation ne se limite pas à la capitale, d’autres villes comme Kananga sont touchées par des actes d’une extrême violence. Selon nos informations, les affrontements auraient fait une centaine de morts dont un important chef coutumier.

Nous nous associons à la douleur de ceux et celles qui vivent cet épisode tragique de la vie de la République Démocratique du Congo. Nous prions afin que la parole et la vie puissent émerger de cette crise et donner aux Congolais et aux Congolaises, la force de résister aux violences qui leur sont faites.




Mission au Congo : des chantiers nombreux et audacieux

Du 12 au 18 décembre 2015, le pasteur Jean-Luc Blanc s’est rendu au Congo pour faire le point sur les différents engagements du Défap.

A l’écouter suite à son retour, on se demande pourquoi nos regards ne se tournent pas plus souvent vers le Congo.

 

Construction de l'école d'Owando, DR

Construction de l’école inclusive pour enfants sourds d’Owando, DR

 

Le récit de son séjour pourrait bien faire naître des vocations. Les projets, variés, se révèlent audacieux : programme d’éducation à la paix, formation d’animateurs jeunesse, scolarisation des enfants sourds, formation à l’informatique, construction d’école, programme de lutte contre le sida… Les chantiers ne manquent pas, et malgré les turbulences politiques, ils prennent de la hauteur.

 

Ecole inclusive pour enfants sourds, Owando, DR

Ecole inclusive pour enfants sourds, Owando, DR

 

Une question a particulièrement retenu son attention, celle liée à la relation entre universités européennes et universités d’Afrique centrale. Jean-Luc s’est rendu à la faculté de Brazzaville, partenaire avec le soutien du Défap de la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg. Il a pu constater que les conditions d’études des futurs diplômés n’étaient pas la principale pierre d’achoppement.

En effet, comment l’Universitas magistrorum et scholarium, ce pur produit de l’Occident, peut-elle dialoguer, sans l’aide de Dieu (au sens de support rhétorique), avec une pensée construite avec d’autres représentations symboliques. Le fameux, « discerner pour relier et conjoindre », qui n’est peut-être pas la seule façon de formuler une thèse, se heurte à une approche locale éloignée des attentes des correcteurs.
Si l’on considère que les structures de la pensée sont en partie liées à la langue maternelle, pour beaucoup d’étudiants congolais, cela contribue à envisager l’étude avec d’autres concepts et l’enseignement avec d’autres méthodes.

 

Institut des jeunes sourds de Brazza, DR

Institut des jeunes sourds de Brazza, DR

 

Rémi Gounelle, Doyen de la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg, s’est rendu sur place en novembre 2015. Il témoigne, après son intervention :

« Les étudiants ont été surpris par deux aspects de mon cours : d’une part, il relevait de l’histoire des idées et non de l’histoire factuelle qui leur est enseignée à la Faculté ; d’autre part, la posture de l’historien français repose sur une sorte d’athéisme méthodologique, que j’ai explicitée. Lors des discussions que nous avons eues sur ce point en cours ou lors des pauses, les étudiants ont fait écho à des discussions semblables qu’ils avaient eues avec Michel Grandjean [Professeur ordinaire à la faculté de théologie de l’université de Genève, ndlr], ou Elian Cuvillier [Professeur à l’institut Protestant de théologie de Montpellier, ndlr]. Si certains d’entre eux comprenaient la posture distante et critique de l’historien, d’autres ont cherché jusqu’au dernier jour à connaître mon intime conviction. Leurs réactions, par  moment amusées, m’ont permis d’expliquer plusieurs problèmes de méthode et d’aborder, en conclusion, la fonction de l’historien, qui ne saurait donner de solutions pour le présent, mais dont le travail permet de prendre des décisions éclairées pour le présent. »

 

La tension est nécessaire. Reste à savoir comment l’Université Protestante au Congo peut accepter légitimement les exigences universitaires françaises.

 

En savoir plus sur les projets du Défap au Congo

 




Congo : un référendum « à la soviétique »…

 

Après les violentes manifestations de la semaine précédente, qui ont fait quatre morts et une dizaine de blessés, le jour du référendum était appréhendé avec crainte tant par la population que par… les forces de l’ordre, finalement peu sûres de n’être pas débordées. Mais toutes les opérations de vote se sont déroulées dans le calme. Rendu public au matin du 27 octobre par le gouvernement, le résultat serait « oui » à la nouvelle constitution à 92,2 %, avec un taux de participation de l’ordre de 72 %. Des scores… soviétiques.

 

A Dolisie, ville au Sud-Ouest de la République du Congo DR (Source : Momo-fait-de-la-photo)

 

Tous les leaders de l’opposition ont protesté, tant contre les conditions dans lesquelles se sont déroulés les scrutins que contre l’absence de toute commission électorale indépendante, voire même de simples observateurs tandis qu’eux-mêmes étaient menacés, placés sous surveillance ou assignés à résidence. Certains, comme Clément Mierassa, du Parti social-démocrate congolais (PSDC), ont parlé de fraudes et de « tripatouillages », ce qui est loin d’être une première.

 

En l’absence de contrôle indépendant, les journalistes locaux ont fait office de témoins. Selon les articles parus dans la presse, dans les quartiers nord de Brazzaville, réputés proches du pouvoir, la participation, timide le matin, a finalement été relativement importante, avec de petites files d’attente. En  revanche dans les zones sud, acquises à l’opposition, les bureaux de vote sont restés déserts.

 

Comment expliquer cette désaffection ? Un certain nombre de citoyens n’avaient pas reçu leur carte d’électeur, ce qui n’est nullement étonnant vu que ce référendum avait été décidé un peu à la va-vite. Le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Zéphirin Mboulou, a reconnu que dans cinq des sous-préfectures  situées dans le sud du pays, le vote n’avait pas pu avoir lieu, pour « diverses raisons », ce qui relève du même flou entourant ce scrutin précipité.

 

Ensuite, les deux plateformes de l’opposition, unies dans un même rejet de la proposition du président de la république, Denis Sassou Nguesso, avaient appelé au boycottage des urnes. Enfin, les violences et les barrages filtrants, par exemple dans les quartiers de Bacongo et de Makélékélé, avaient fait fuir les habitants en situation précaire et la plupart n’étaient pas rentrés chez eux dimanche.

 

Le Défap a actuellement deux jeunes envoyées qui résident dans le quartier de Makélékélé. Durant les jours de troubles, elles ont fidèlement obéi aux consignes de sécurité de l’ambassade de France et sont restées chez elles. Ce sont les responsables de l’Église qui, mieux rompus aux débordements populaires, venaient chaque jour leur rendre visite et leur apporter du ravitaillement.

 

Conséquence de toute cette opération : la nouvelle constitution comporte désormais un article 65 qui stipule que le président est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable deux fois et l’article 66 ne fixe plus aucune limite d’âge pour se présenter à l’élection, hormis un plancher établi à 30 ans révolus. Nouvelle république signifiant remise à zéro du « compteur de mandats » pour le président sortant, Sassou Nguesso peut donc à nouveau briguer, en 2016, la magistrature suprême. Il sera alors âgé de 73 ans et pourra, sauf accident de l’histoire, rester en poste jusqu’en 2031, date anniversaire de ses 88 ans. Là non plus, ce ne sera même pas une « première » : le chef de l’État zimbabwéen, Robert Mugabe, réélu en 2013 à l’âge de 89 ans, poursuit actuellement, un peu à la va-comme-je-te-pousse mais toujours avec autorité, son sixième mandat… De toute évidence, Denis Sassou Nguesso n’a pas fini de faire parler de lui.

 

Valérie Thorin




Congo : l’impasse de la Constitution

 

N’est-il pas étrange ce pays où tout le monde – ou presque – s’attend désormais à ce que le président de la république se présente pour un troisième mandat, alors que la Constitution – sur laquelle tout le monde s’était accordé lors de son adoption – le lui interdit formellement ?

Au Congo Brazzaville, dans la sphère politique comme dans les médias, une idée fait son chemin : Denis Sassou Nguesso présentera sa candidature à sa propre succession en 2016. De nombreux hommes politiques s’insurgent pourtant contre ce projet – si c’en est vraiment un – y compris à l’intérieur du parti présidentiel, le Parti congolais du travail (PCT).

 

Denis Sassou Nguesso

Denis Sassou Nguesso (Source : Wikimedia Commons)

 

Des articles « intouchables »

Le fonds du problème se trouve précisément dans la Constitution elle-même. Ses auteurs ont voulu garantir le Congo contre toute mainmise personnelle sur les institutions, et en particulier sur la présidence de la république. Au sortir de la guerre civile, l’exigence de démocratie était telle que des verrous ont été placés dans la loi fondamentale pour écarter du pouvoir nombre d’ambitieux ou pour éviter, comme au Gabon voisin, que quiconque s’attarde au sommet de l’État plus que de raison.

L’article 57 qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels qu’il est possible d’exercer successivement ; et l’article 58 qui déclare forclos tout candidat âgé de plus de 70 ans, ne sont pas susceptibles d’être réformés, comme le précise clairement l’article 185 : « La forme républicaine, le caractère laïc de l’État, le nombre de mandats du Président de la République ainsi que les droits énoncés aux titres I [De l’État et de la souveraineté, ndla] et II [Des droits et des libertés fondamentaux, ndla] ne peuvent faire l’objet de révision. » Un éventuel référendum portant sur une modification constitutionnelle des articles 57 ou 58 est donc tout bonnement impossible… selon la constitution elle-même.

 

Une nouvelle république ?

Il est donc inutile, comme certains opposants le font, de crier à l’abolition de la république : Denis Sassou Nguesso veut bien plutôt mettre en place une nouvelle république en faisant accepter aux Congolais une nouvelle constitution.

La manœuvre est habile et elle a déjà fait ses preuves dans d’autres pays : même si cette nouvelle Loi fondamentale prévoit, comme celle actuellement en vigueur, que le nombre des mandats successifs est limité à deux, et que l’article les concernant n’est pas réformable, le président sortant pourra se représenter puisqu’il s’agira d’une nouvelle république, ce qui remet « les compteurs à zéro ». Les mandats déjà effectués ne seront pas comptabilisés et Sassou Nguesso pourra s’installer pour un nouveau – voire même deux – septennat.

 

S’opposer à cette manigance est loin d’être facile. Les opposants en appellent à l’Union africaine, à la Charte africaine mais également à la communauté internationale. Mais pour le moment, les pressions restent de pure forme et seul le président de la république est le maître du jeu.

 

Rappelons que le Défap est présent et actif au Congo. Deux envoyés de la nouvelle session ont été recrutés pour venir en aide à trois hôpitaux durant dix mois : travail avec les personnes souffrant du VIH-SIDA, information sur la nutrition infantile et sur l’hygiène hospitalière, appui à la santé communautaire.

 




Le Défap au Congo : projets en cours

Du 3 juin au 10 juin 2015, le pasteur Jean-Luc Blanc s’est rendu au Congo pour une mission de suivi de l’ensemble des projets du Défap dans ce pays. Retour sur les partenariats les plus importants.

Les centres de santé

 

L’enjeu est de finaliser la mise en place d’une formation de sensibilisation à la lutte contre le VIH SIDA pour les personnes travaillant dans tout le département de santé de l’Eglise. C’est un programme où le Défap est impliqué depuis le début, surtout par des formations pour des bénévoles, des pasteurs, et tous ceux qui font de la prévention et mettant en place des cellules d’écoute et d’accompagnement des malades atteints du VIH (dans chaque ville ou paroisse).

Le Défap a également pour projet de renvoyer des services civiques dans les centres de santé de l’Eglise Evangélique du Congo (il existe en tout seize centres). Il est prévu que deux services civiques travaillent dans trois centres de santé sur Brazzaville et Pointe Noire.

Une nouvelle formation en petits groupes verra le jour en novembre dans trois endroits (Brazzaville, Pointe Noire et Ngouedi), demandant ainsi moins de déplacements de la part des personnes formées. Elle sera assurée par les membres de l’organisme « Chrétiens et SIDA » et l’association « Signe-de-vie-Sida ».

 

Carte du Congo (Source : Google Maps)

 

L’Action évangélique pour la paix (AEP)

L’AEP, ou Action Evangélique pour la Paix, est une association liée à l’Eglise protestante mise en place avec le Défap et l’école de la paix de Grenoble. Cet organisme travaille sur la pédagogie de la paix et la promotion d’une culture de la paix dans les écoles et les Eglises. L’AEP est aussi membre du PCPA Congo, le programme concerté pluri-acteurs dont le Défap est également membre.
Le projet actuel, qui est aussi le dernier financé par le Défap, pose la question de la continuité : comment pouvons-nous pérenniser cette action au Congo alors que le financement touche à sa fin ? La recherche de nouveaux partenaires est donc indispensable.

 

Scolarisation des enfants sourds

Le projet de scolarisation des enfants sourds (mettre lien vers article) se poursuit. A partir de la rentrée, huit enseignants seront suffisamment formés pour prendre en charge une classe avec des enfants sourds. Toutefois, leur formation n’est pas encore achevée. Ils pourront commencer à mettre en place ce qu’ils ont appris, mais les enfants seront dans des classes spécialisées. Il faudra attendre encore un peu pour les voir dans des classes dites ‘classiques’.

Ecole de Owendo, Congo

 

La faculté de Théologie

Le Défap travaille également avec la faculté de théologie de Brazzaville.
Sur place, le but était de faire le point sur le partenariat entre cette faculté et celle de Strasbourg. Pour cela, le doyen de la théologie de Brazzaville est en ce moment en France, et, c’est en automne prochain que celui de Strasbourg ira à Brazzaville, pour qu’ils puissent ainsi finaliser leur partenariat.

 

En outre, deux sujets reviennent dans toutes les discussions : le premier concerne l’avenir du président de la république, Denis Sassou Nguesso. Va-t-il se maintenir au pouvoir, au moyen d’un changement de constitution ou y aura-t-il une alternance ? Le second sujet, lui, recouvre la question de la bénédiction des couples de même sexe débattue et autorisée lors du dernier synode de l’EPUdF.