L’association A9, créée à Bangui par un ancien boursier du Défap, Rodolphe Gozegba, et qui s’est fait connaître notamment à travers un programme d’agriculture urbaine destinée à améliorer l’autonomie alimentaire de la capitale centrafricaine, prépare un colloque sur « Les voies de la paix face à la difficile construction de la cohésion sociale en Centrafrique ». Cette rencontre, organisée en partenariat avec l’Université de Bangui et avec le soutien du Défap, réunira des personnalités comme le chef de l’État Faustin-Archange Touadéra, deux des trois « saints de Bangui » – le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga et le pasteur Nicolas Guerekoyame Gbangou – ainsi que Jean-Arnold de Clermont, ancien président du Défap.

Rodolphe Gozegba détaillant les projets de l’association A9 lors d’une visite en France © DR

Tout au long de ses études de théologie, depuis la Fateb (Faculté de théologie évangélique de Bangui) jusqu’à l’IPT-Paris (Institut protestant de théologie), Rodolphe Gozegba De Bombémbé a gardé en arrière-plan de ses travaux et de ses réflexions le drame que vivait son pays, la République centrafricaine. Les maux y sont multiples et s’enchevêtrent. Le pays voit se succéder les épisodes de guerre plus ou moins ouverte depuis son indépendance ; le dernier conflit en date, la troisième guerre civile centrafricaine, s’est développé au cours de l’année 2013. Il a vu s’opposer les milices de la Seleka, à majorité musulmanes et fidèles au président Djotodia, à des groupes d’auto-défense chrétiens et animistes, les anti-balaka, fidèles à l’ancien président François Bozizé. Une guerre qui s’est traduite par des exactions sans nombre contre les civils et qui a laissé le pays déchiré et détruit. Depuis lors, la situation politique est d’une extrême instabilité, entre un gouvernement qui peine à faire reconnaître son autorité hors des limites de la capitale et des groupes armés qui revendiquent une légitimité politique. L’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR-RCA), signé en février 2019 avec 14 groupes armés, continue de servir de feuille de route pour la recherche de la paix et de la stabilité à long terme, même après le retrait des groupes armés liés à la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) en décembre 2020. La MINUSCA, force de maintien de la paix de l’ONU composée de plus de 15 000 hommes, reste présente dans le pays depuis 2014. Conséquence de cette instabilité récurrente, la RCA se classe au bas des indices du capital humain et du développement humain, à la 188ème place sur 189.

Le drame de la Centrafrique avait déjà influé sur le choix du sujet d’étude de Rodolphe Gozegba lorsqu’il était en France : la théologie de Jürgen Moltmann, une théologie de l’espérance et des recommencements. « Moltmann, à travers tout ce qu’il a vécu, soulignait-il, réussit à nous parler d’un Dieu non pas lointain, mais bien présent ; un Dieu qui compatit à la douleur et qui intervient, qui agit. » Après sa thèse de doctorat soutenue en décembre 2020, Rodolphe Gozegba est revenu à Bangui pour aider. Avec quelques amis, il a fondé l’association A9.

« Les tensions ont cassé toute cohésion sociale »

L’une des premières actions de l’association A9 à Bangui : participants du projet « Nourris ta ville en 90 jours » réunis lors d’une distribution de matériel © A9

A9 : une association qui s’est fixé comme but d’intervenir, non pas dans un seul domaine, mais de manière globale, face à tous les maux de la société centrafricaine. Et avec, dès l’origine, une sensibilité particulière à l’environnement, un aspect le plus souvent négligé dans un pays où la paix reste encore à construire. Parmi les facteurs qui ont le plus contribué à le pousser à créer cette structure, Rodolphe Gozegba cite « l’insécurité alimentaire, les effets du réchauffement climatique, les conséquences de la crise inter-communautaire de 2013 ». Sa toute première action aurait dû être la lutte contre les déchets plastiques, qui, explique Rodolphe Gozegba, « constituent une véritable menace pour la nature et pour la santé publique ». Mais au moment de lancer le projet, « il y a eu une attaque de la capitale par les rebelles, qui ont coupé les routes d’approvisionnement ; Bangui s’est retrouvée asphyxiée ; il fallait alors un plan d’urgence alimentaire. C’est ainsi que nous avons proposé le projet : Nourris ta ville en 90 jours ». Il s’agissait d’aider les habitants de la capitale à améliorer leur autonomie alimentaire, en cultivant de nombreuses parcelles inexploitées à Bangui. Un projet qui a reçu le soutien du Défap et de l’UEPAL, et qui a déjà donné sur place des résultats très encourageants.

C’est dans cette optique de recherche de solutions globales face aux divers maux de la société centrafricaine qu’A9 organise aujourd’hui son premier colloque, avec le soutien du Défap et en partenariat avec l’Université de Bangui. Il portera sur « Les voies de la paix face à la difficile construction de la cohésion sociale en Centrafrique dans un contexte de tensions internationales« , et se tiendra les 17 et 18 mars 2023 au siège de la CEMAC (la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).

 

Entretien avec Rodolphe Gozegba sur l’association A9, émission présentée par Marion Rouillard

Courrier de Mission – le Défap
Émission du 23 novembre 2022 sur Fréquence Protestante

 

« Ce colloque, indique A9 dans la présentation du programme, s’inscrit dans un double contexte : d’une part, celui de la guerre russo-ukrainienne et ses incidences socio-politiques et économiques sur les pays en voie du développement ; et d’autre part, celui des tensions socio-politiques palpables en République centrafricaine. Les conséquences touchent surtout les populations civiles. La communauté internationale semble bien souvent impuissante. Construire la paix et la cohésion sociale est devenu difficile, cela demande beaucoup de bonne volonté et d’efforts de part et d’autre. Dans le contexte de la RCA, les tensions ont cassé toute cohésion sociale. La méfiance s’est installée au sein de la population alors que le peuple doit construire son avenir dans la paix et dans la cohésion sociale. »

Ce colloque, poursuit A9, « permettra de partager des expériences, de soulever des questions capitales relatives à la résolution des conflits dans un monde en transformation rapide. Ainsi, la consolidation de la paix et de la cohésion sociale devient impérative pour garantir un État de droit, les droits humains fondamentaux, les droits internationaux, etc. » Parmi les intervenants, notons la présence :

  • de Faustin-Archange Touadéra, président de la République centrafricaine ;
  • de Jean-Arnold de Clermont, ancien président du Défap, actuel président d’honneur de l’Observatoire Pharos ;
  • du cardinal Dieudonné Nzapalaïnga et du pasteur Nicolas Guerekoyame Gbangou (deux des trois « saints de Bangui », trois dignitaires religieux – un imam, un pasteur, et un archevêque – qui avaient choisi de prêcher ensemble la paix et la réconciliation au plus fort des affrontements qui, en 2013, laissaient craindre que la guerre civile ne dégénère en conflit religieux) ;
  • d’Abdoulaye Ouasselegue, président de la Communauté islamique centrafricaine ;
  • de Nupanga Weanzana, doyen de la Fateb.

Vous pouvez retrouver ci-dessous le programme complet de ce colloque :

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