Alors que la 27ème Conférence des Parties s’est tenue en novembre en Égypte, événements climatiques extrêmes et rapports d’experts se conjuguent pour appeler les décideurs mondiaux à faire davantage pour sauvegarder les conditions de vie sur notre planète. Aux côtés des ONG et des militants pour l’environnement, les chrétiens s’engagent aussi. En France, le milieu des Églises protestantes témoigne d’une claire conscience des enjeux et des défis de la sauvegarde de la création. Un mouvement dans lequel s’inscrit pleinement le Défap.

Les inondations au Pakistan vues depuis l’espace : à gauche, photo satellite du 4 août 2022 ; à droite, photo satellite prise le 18 août montrant les zones inondées © Nasa

Le changement climatique n’est plus une menace lointaine : nous en avons désormais les effets tous les jours sous les yeux. Des effets redoutables, qui se traduisent par des destructions et des pertes de vies humaines touchant principalement les pays du Sud. C’est ce constat, fait dès l’ouverture de la COP 27 le dimanche 6 novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Égypte, qui a conduit ces pays à réclamer des dédommagements financiers. Cette question délicate des « pertes et dommages » a été officiellement ajoutée à l’ordre du jour lors de la cérémonie d’ouverture, alors qu’elle ne devait jusqu’alors faire l’objet que d’un « dialogue », prévu jusqu’en 2024.

L’image d’ouverture de cet article résume à elle seule cet enjeu : elle montre les effets des inondations catastrophiques qui ont frappé le Pakistan au cours des mois précédant cette 27ème Conférence des Parties, qui a regroupé les États signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Depuis la mi-juin 2022, le Pakistan a été touché par des pluies de mousson hors-normes qui ont provoqué les pires crues dans le pays en une décennie. Selon l’Autorité nationale de gestion des catastrophes du Pakistan, les inondations ont touché plus de 33 millions de personnes et détruit ou endommagé plus d’un million de maisons. Au moins 1100 personnes ont été tuées par les eaux qui ont submergé des dizaines de milliers de kilomètres carrés du pays.

Ce que l’on prévoit, ce que l’on observe

Mais ce n’est que l’un des événements les plus dramatiques d’une année 2022 qui a vu se multiplier les anomalies climatiques, comme les canicules répétées en Europe accompagnées d’incendies hors-normes, ou la sécheresse extrême qui frappe la Corne de l’Afrique. Un rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié à l’ouverture de la COP 27 constitue un nouveau signal d’alerte : si les projections pour cette année se confirment, les huit années de 2015 à 2022 seront les plus chaudes jamais enregistrées. Il vient s’ajouter au dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), qui souligne que la fenêtre d’action pour limiter la hausse globale des températures est en train de se refermer. Les politiques publiques mises en œuvre par les États depuis la COP 26 – qui s’est tenue en 2021 à Glasgow, au Royaume-Uni – se traduisent aujourd’hui par une différence négligeable en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre jusqu’alors prévues pour 2030. Ce qui est très insuffisant pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C. Sans un changement majeur, la température moyenne du globe devrait augmenter de 2,8°C d’ici la fin du siècle. Et même si les engagements déjà pris au niveau international étaient effectivement tenus – ce qui est loin d’être le cas – la hausse de température atteindrait entre 2,4 et 2,6 °C.

La fiabilité de ces prévisions est largement reconnue dans le milieu scientifique. Certes, il ne s’agit que de prévisions. Mais ce que l’on peut d’ores et déjà observer aujourd’hui va dans le même sens. Comme ce que montre cette animation :
 

Une Terre bleue, où des bouffées de chaleur apparaissent parfois en jaune ou rouge : une Terre qui, au fil du temps et des années, vire peu à peu à un bleu plus pâle, puis à une couleur dorée presque uniforme… Et bientôt, la couleur dominante vire au cuivre. Ce pourrait être un cauchemar de science-fiction. Ce n’est qu’une des multiples animations disponibles aujourd’hui et qui transcrivent sous forme de graphiques ou de mises en images frappantes les résultats d’études scientifiques sur l’évolution du climat. Celle-ci fait partie d’un ensemble de vidéos mises en ligne par la Nasa sur sa page Youtube consacrée au climat, et qui ont toutes pour but de synthétiser les observations réalisées dans de multiples domaines et de multiples régions sur les changements climatiques. Il ne s’agit en rien d’une projection, qui pourrait présenter une vision catastrophiste d’un futur lointain : c’est tout simplement la compilation de données recueillies entre les années 1880 et 2017 sur les anomalies de températures observées dans le monde.

Quand les Églises appellent à une « conversion » écologique

Alors que les conséquences des changements climatiques, mais aussi de la déforestation et de l’épuisement des ressources naturelles font peser des menaces sur l’avenir de toute l’humanité, et notamment des plus fragiles, les questions environnementales ne sont plus du seul ressort des spécialistes ou des militants écologistes. Les humanitaires s’y sont mis aussi. Les Églises se sont également saisies de la question, aux côtés de nombreux mouvements citoyens. Une préoccupation visible depuis longtemps au niveau international : dès 1983, la Déclaration œcuménique de Vancouver avait souligné les liens existant entre justice, paix et sauvegarde de la création. Au niveau français, à l’approche de la COP 27, le Conseil d’Églises chrétiennes en France (CECEF) a diffusé une adresse œcuménique appelant le président Macron à « une vraie « conversion » écologique ». L’Église Protestante Unie de France avait pour sa part pris comme thème principal de son synode national en 2021 : « Écologie : quelle(s) conversions » ; et à l’issue de ses travaux, le Synode avait diffusé un texte constituant une prise de position publique à l’adresse non seulement de ses membres et des paroisses, mais aussi de la société dans son ensemble et des décideurs, appelant à des actions urgentes en faveur de la sauvegarde de la création.

Depuis 2015, la Fédération Protestante de France a mis en place une démarche de plaidoyer et a créé une commission Écologie et Justice climatique, présidée par Martin Kopp. Le Défi Michée porte quant à lui des appels très concrets liant écologie et justice sociale. On peut citer encore le mouvement Chrétiens unis pour la terre, ou la démarche initiée par le label « Église verte« .

Au Défap, des préoccupations très concrètes

 

Sauvegarde de la création : comment le Défap s’implique (en vidéo)

Quand elles ne militent pas directement en faveur du climat, les Églises, notamment protestantes, manifestent aussi bien souvent, à travers leurs activités, leurs projets, des préoccupations fortes concernant la sauvegarde de la création. La conscience des gestes quotidiens ou des actions de solidarité à lancer pour aider à sauvegarder la création, ou pour plus de justice climatique, est bien présente à travers de multiples initiatives. Comme le soulignait en 2007 le sociologue Claude Dargent dans un article de La Croix (Ce que l’écologie française doit au protestantisme), « les protestants sont deux fois plus nombreux que les Français pris dans leur ensemble à être membres d’une association environnementale ou à être prêts à s’y engager ». Les mouvements écologistes français sont aussi redevables à l’héritage de grandes figures intellectuelles et militantes comme Jacques Ellul et Joseph Charbonneau.

Le Défap agit pour sa part dans le domaine de l’écologie comme il le fait pour beaucoup d’autres thématiques : en réseau, et d’une manière essentiellement concrète, la réflexion étant indissociable de l’action. Il faut ainsi souligner que le Défap est en lien, en réseau avec de nombreuses Églises du Sud (Afrique ou Océan Indien) ; et que dans ces pays, les Églises ont un rôle social qui va très au-delà de celui généralement admis pour les Églises en France. Elles ont leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs projets… et occupent des rôles dans la société qui, dans notre pays, reviendraient plutôt au milieu associatif. Les Églises sont donc directement en prise avec les problèmes les plus criants de la société ; et dans de nombreux pays du Sud, les défis climatiques sont déjà un problème majeur. De par ces relations, le Défap a été logiquement amené à soutenir des réflexions et des projets directement en prise avec les questions environnementales. Ce sont quelques-uns de ces projets que vous avez pu découvrir sur notre site à l’occasion de la COP 27.

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