Méditation du jeudi 3 février 2022. Ne nous trompons pas de Dieu ! Car les dieux que nous nous faisons asservissent. Dieu, lui, libère.

Moïse au Mont Horeb, avec les Dix Commandements, par Rembrandt (1659) – Wikimedia Commons

Avant l’entrée en terre promise, Moïse s’adresse longuement au peuple d’Israël, façon de faire le point sur ce que le peuple a reçu de Dieu (essentiellement les dix paroles, ou dix commandements, donnés sur le Mont Horeb) et sur les recommandations à respecter pour vivre en vérité avec ce Dieu-là. L’enseignement porte en partie sur une mise en garde : il ne faut pas se tromper de Dieu. L’enjeu est de taille : rendre un culte à un Dieu qui n’est pas le vrai Dieu c’est s’égarer hors de l’alliance.

Le problème, c’est que les humains ont besoin de se représenter Dieu, alors que Dieu, de son côté, ne se montre pas. Forcément, à un moment, ça pose problème.

Voici ce que Moïse explique au peuple :

Puisque vous n’avez vu aucune forme, le jour où le Seigneur vous a parlé au milieu du feu, au Mont Horeb, prenez bien garde à vous ; de peur que vous ne vous fassiez une statue, une effigie, – quelle qu’elle soit! – modèle d’homme ou de femme, d’une bête sur la terre, d’un oiseau dans le ciel, bestiole ou poisson, de peur que levant les yeux vers le ciel, voyant lune, soleil et étoiles, tu ne sois entraîné à te prosterner devant eux et à les servir. Tout ça, je l’ai donné en partage aux païens, sous le ciel tout entier. Mais vous, le Seigneur vous a pris et vous a fait sortir de l’esclavage d’Égypte…
(Dt 4,15-19)

Dieu met en garde : les dieux que nous nous faisons asservissent. Dieu, lui, libère. Si nous les créons, nous nous inclinons devant eux et nous leur vouons un culte qui nous enferme. Dieu, lui, constate l’asservissement des humains et intervient pour ne pas les y laisser. Deux façons de penser le divin, deux réalités de nos vies.
Face à qui, à quoi nous inclinons-nous ? À quoi attachons-nous nos vies au point d’en être aliénés ? Ces questions nous font toucher du doigt une réalité anthropologique : les humains ont de toute façon un rapport au divin, mais ils ont une certaine propension à y mettre quelque chose de familier, plutôt qu’à faire confiance au Dieu qui ne se laisse pas saisir.

Cela a des conséquences pour la mission : quel Dieu annonçons-nous ? Un Dieu qui enferme (alors ce sera sans doute une idole) ou le Dieu qui libère ? Et qu’est-ce que ça veut dire concrètement, que Dieu libère ?

Parce que le débat n’est pas simple. Par exemple, si la mission chrétienne part du principe que l’animisme est une religion de la peur qui enferme ses adeptes dans une aliénation vis-à-vis de faux dieux, cela peut être interprété comme une raison suffisante pour imposer une autre forme religieuse qui, elle n’entretient pas la peur. Mais quel Dieu prêchons-nous alors ? Si c’est un Dieu qui menace de l’enfer les méchants et récompense les bons, est-ce qu’on ne prêche pas la peur ? Si c’est un Dieu qui exige le respect des conventions et de la norme pour ne pas risquer d’être en dehors des clous, est-ce qu’on ne prêche pas la peur ?

La mission exige alors, d’abord, un travail sur nos propres présupposés théologiques, c’est-à-dire sur ce que nous prêchons de Dieu : quel Dieu prêchons-nous ? Un Dieu qui enferme (une idole) ou un Dieu qui libère ?

Nous prions cette semaine avec notre envoyée au Congo Brazzaville, Lydia.

Seigneur,
Trop souvent nous t’enfermons dans notre imaginaire. Nous te voyons sur un nuage, au milieu d’un jardin luxuriant, sur une montagne au milieu du tonnerre. Nous te voyons à notre mesure, nous te voyons à la mesure de notre regard. Pardonne-nous.
Trop souvent nous pensons à ta place. Nous disons que tu es le vrai Dieu en présentant un dieu qui nous conforte dans nos habitudes. Pardonne-nous.
Viens ouvrir nos horizons, nos prisons, nos illusions sur toi. Viens nous donner le Souffle qui permet de parler de toi en vérité, ancrés dans une vraie liberté.
Notre espérance toute entière repose en toi : ne nous laisse pas l’oublier.
Amen

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