«#Time for action» – le moment d’agir : c’est le slogan choisi en ce début décembre pour la COP 25, rendez-vous réunissant des représentants de près de 200 États et destiné à faire le point sur les engagements internationaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Des préoccupations que devraient porter nombre de représentants de la société civile, en dépit de la délocalisation du sommet, initialement prévu au Chili, à Madrid ; et au sein des Églises aussi, les plaidoyers ou les actions en faveur du climat s’organisent.

District de Kurigram, nord du Bangladesh : un enfant patauge dans les eaux sur le chemin de l’école lors des inondations d’août 2016. © UNICEF/Akash

L’Ifema, au Campo de las Naciones, à Madrid : c’est là, dans ce vaste bâtiment disposant de 200.000 m2 de surface utile, que se tient pendant un peu moins de deux semaines la COP 25, la 25ème Conférence des Parties, censée coordonner les efforts internationaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Un rendez-vous délocalisé en urgence : prévu à l’origine au Chili, il a dû trouver un nouveau pays d’accueil du fait des forts mouvements de contestation sociale lancés dans ce pays. Au pied levé, l’Espagne s’est proposée – proposition acceptée par l’Onu ; avec à la clé un défi pour le pays organisateur, qui disposait d’un mois à peine pour organiser l’événement, alors même que des élections législatives avaient lieu le 10 novembre ; et un problème quasi-insoluble pour un bon nombre des 25 000 délégués initialement attendus à Santiago, en particulier des milliers de participants issus de la société civile venus assister aux débats et tenter d’influencer les négociateurs officiels. Pour l’ONG internationale ActionAid, la relocalisation de la COP «présente de réels obstacles à la participation de pays du Sud et de la société civile», notamment concernant les visas et les coûts. D’où le risque que les plus concernés par le changement climatique soient justement les plus mal représentés à cette COP 25… Mais au-delà d’ActionAid, nombre d’observateurs craignent que ce rendez-vous ne soit pas à la hauteur de l’urgence, en dépit du slogan choisi : «#Time for action»: le moment d’agir.

L’Ifema, à Madrid © Wikimedia Commons

L’accord de Paris de 2015 prévoyait que les quelque 200 pays signataires révisent d’ici fin 2020 leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour l’instant, 68 pays se sont engagés à revoir à la hausse ces engagements. Mais en dépit de leur nombre, ils ne représentent que 8% des émissions mondiales. Les principaux concernés, comme la Chine ou l’Union Européenne, n’ont pas encore dévoilé leur position ; quant aux États-Unis, ils ont confirmé leur retrait de l’accord de Paris l’an prochain.

Les questions environnementales ne sont plus du seul ressort des spécialistes ou des militants

Et entre-temps, les émissions de CO2 augmentent dans le monde. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), l’objectif de rester sous les 2°C de réchauffement n’aurait une chance d’être atteint qu’en restant en-deçà de la barre des 450 ppm de CO2 – cette unité en «parties par million» étant ce qui permet de mesurer la concentration d’un gaz dans l’atmosphère. Or, le dernier record en la matière a été enregistré le 15 mai dernier par l’Agence américaine NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) à Hawaï : 415,64 ppm. Il y a 11 ans, en 2008, ce taux était inférieur de 25 ppm. Autant dire qu’à ce rythme, la barre des 450 ppm de CO2 sera allègrement dépassée avant 20 ans. Alors qu’avant l’ère industrielle, le taux de concentration du CO2 dans l’atmosphère oscillait autour des 280 ppm. Les rejets industriels étant aggravés par la déforestation, puisque les végétaux fixent le carbone de l’atmosphère ; avec comme conséquence supplémentaire un recul drastique de la biodiversité, car avec les forêts qui disparaissent, ce sont autant d’espèces animales et végétales qui déclinent. En 2018, 12 millions d’hectares de forêts tropicales ont disparu. Pour la seule forêt amazonienne, ce sont 1,3 million d’hectares qui ont disparu l’an dernier. Les effets du changement climatique se font désormais sentir partout, y compris dans les zones tempérées : en témoigne la canicule inédite qu’a connue la France au cours de l’été 2019, avec des températures jamais enregistrées depuis qu’il existe des relevés internationaux, c’est-à-dire depuis 1880. Ainsi, le 28 juin dernier, c’est un record de 46,2 degrés qui a été enregistré à Verargues, dans l’Hérault. Il y a vingt ans seulement, un tel événement aurait paru relever de la science-fiction. Mais il ne s’agit plus de science-fiction…

Carte animée des anomalies de températures enregistrées au niveau mondial entre 1880 et 2017 © Nasa/Akash

Au Sommet Action Climat qui s’est tenu fin septembre au siège des Nations Unies à New York, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a lancé un vibrant appel à l’adresse des dirigeants du monde, leur rappelant qu’ils avaient l’obligation «de tout faire pour mettre fin à la crise climatique». Lors de la Conférence de Bonn sur le changement climatique (SB50), en juin dernier, Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a prévenu que la communauté internationale doit se «montrer à la hauteur de (sa) responsabilité collective» et veiller à ce que l’ambition de l’action pour le climat soit rehaussée dans la mesure du possible «afin que les pires conséquences du changement climatique soient évitées». Et d’insister : «Nous ne pouvons plus nous permettre des progrès graduels pour lutter contre le changement climatique – nous devons procéder à des changements profonds, transformationnels et systémiques dans l’ensemble de la société, ce qui est crucial pour un avenir à faibles émissions, hautement résilient et plus durable».

Alors que les conséquences des changements climatiques, de la déforestation, de l’épuisement des ressources naturelles font peser des menaces sur l’avenir de toute l’humanité, et notamment des plus fragiles, les questions environnementales ne sont plus du seul ressort des spécialistes ou des militants écologistes. Les Églises s’en sont également saisies, aux côtés de nombreux mouvements citoyens. Au niveau international, les initiatives sont nombreuses ; et dans ces plaidoyers de chrétiens en faveur de la création, l’implication du Conseil œcuménique des Églises est particulièrement révélatrice : dès les années 1970, le COE a contribué à l’élaboration du concept de communautés durables. Depuis l’adoption, en 1992, de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il est présent à toutes les conférences de l’ONU sur le climat.

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