Haïti : des nouvelles du collège Maranatha
A Port-au-Prince, les cours ont repris au collège évangélique Maranatha après l’opération de police du 13 novembre au cours de laquelle plusieurs personnes avaient été abattues dans l’enceinte même de l’établissement. Mais les élèves et les enseignants restent profondément choqués, ce qu’a pu constater le ministre haïtien de l’Éducation nationale, venu apporter son soutien. Le directeur du collège remercie pour sa part la mobilisation de la communauté protestante (ce qui inclut les protestants de France), qui a permis sa remise en liberté. Mais il s’agit toujours d’une liberté conditionnelle.
Le collège évangélique Maranatha © Mission Biblique |
Le ministre haïtien de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Pierre Josué Agénor Cadet, s’est rendu au cours de la dernière semaine de novembre au collège évangélique Maranatha, où plusieurs personnes avaient été tuées deux semaines auparavant. Cette école membre de la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti, partenaire de la Plateforme Haïti, dont fait partie le Défap, entretient un témoignage essentiel dans une partie très défavorisée de Port-au-Prince : le collège Maranatha surplombe le quartier de Grand Ravine, lieu gangréné par la grande criminalité. C’est au cours d’une opération visant les gangs de ce quartier que des policiers avaient, le 13 novembre dernier, abattu plusieurs personnes dans l’enceinte même du collège, dont le gardien, un élève et un enseignant (lire : Haïti : solidarité avec le collège Maranatha).
Au cours de sa visite, le ministre de l’Éducation nationale était accompagné d’une délégation dont faisaient notamment partie le pasteur Sylvain Exantus, président de la Fédération protestante d’Haïti, ainsi que le pasteur Jean Bilda Robert, vice-président de l’Union Évangélique Baptiste d’Haïti (UEBH). Tous ont pu constater que les élèves restent gravement affectés par les violences du 13 novembre. Certains ne sont toujours pas revenus en classe ; d’autres refusent d’aller en cours sans la présence permanente d’un de leurs proches. Le ministre a promis un soutien psychosocial aux enseignants et aux élèves afin de les aider à évacuer le stress post-traumatique. Il a déploré une fois de plus qu’une école, sanctuaire pour la formation des jeunes, soit le théâtre de tels événements et s’est dit prêt à accompagner financièrement la remise en état du collège, vandalisé à la suite de l’opération de police.
Il y aura beaucoup à reconstruire
Il y aura beaucoup à reconstruire car c’est un véritable pillage que l’école a subi après le drame du 13 novembre. Ce dont témoigne son directeur, Armand Louis, dans une lettre datée du 1er décembre : «Pour ce qui a trait au Collège Maranatha, Lekol pou yo tou, l’École technique : on a tout pillé, on a mis l’École à sac au cours des jours qui ont suivi le massacre. Pas une chaise, pas un ordinateur de bureau, pas un livre, pas un instrument de musique, pas un frigo, pas un ventilateur, même pas une lampe électrique n’est restée.»
Quant au directeur lui-même, il est toujours en liberté conditionnelle. Gravement molesté par les policiers à la suite de l’échec de l’opération antigang, arrêté et incarcéré, il a été libéré après plusieurs jours de mobilisation de tout le protestantisme haïtien, qui a multiplié les sit-ins et marches de protestations. Mais il doit toujours attendre une décision judiciaire à la suite des accusations portées contre lui par les policiers, qui le rendaient responsable du fiasco de l’opération. Il remercie néanmoins, dans cette même lettre, tous ceux qui ont contribué à sa remise en liberté ; s’exprimant en son nom propre et au nom de ses proches, il veut «transmettre l’expression même de notre reconnaissance à toute la Mission Biblique, à toute la communauté protestante de France et à tous les frères et sœurs de la Côte d’Ivoire. Car, je suivais vos prises de position, vos protestations, vos témoignages, vos interventions dans la presse et sur les réseaux sociaux ; je suivais vos démarches. Le juste juge est descendu et a fait le miracle. Mille mercis !»
Armand Louis témoigne également de la solidité de son implication en faveur de l’éducation des plus fragiles, en dépit des événements. «Depuis plus d’une trentaine d’année», souligne-t-il, «je me suis engagé dans une bataille pour l’amélioration des conditions de vie de mes concitoyens et concitoyennes, des couches les plus défavorisées de mon pays.» Aussi, en dépit du drame qui l’atteint personnellement et qui frappe «l’institution que je dirige depuis plusieurs décennies, dans laquelle j’ai lutté de toutes mes forces pour forger un destin ou changer les conditions d’existence des enfants et des jeunes les plus vulnérables du pays», il se dit «décidé de continuer cette lutte en faveur des plus faibles, chaque jour de ma vie, tous les jours de ma vie. Nous prions notre Dieu pour notre libération complète et pour cette nouvelle phase dans ce combat pour la justice et le droit.»