Depuis des semaines, les manifestations se multiplient au Togo pour réclamer une limitation du nombre de mandats présidentiels, et le départ du président Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005 à la mort de son père. Après les catholiques, l’EEPT (Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo) et l’EMT (Eglise Méthodiste du Togo) viennent de diffuser une déclaration commune.


Le texte de l’appel de l’EEPT et de l’EMT

Ce n’est pas la première fois au Togo que les Eglises, qu’elles soient protestantes ou catholique, lancent un même appel à l’apaisement et au dialogue. Après une série de manifestations violemment réprimées en août et septembre pour réclamer une limitation du nombre de mandats présidentiels, la Conférence des évêques du Togo a diffusé une déclaration officielle réclamant au gouvernement d’entreprendre « les réformes demandées par le peuple » et condamnant en outre « la répression en cours. » Dans un entretien au journal La Croix (à lire ici), Mgr Denis Amuzu-Dzakpah, archevêque de Lomé, s’est dit prêt à jouer le rôle de médiateur. A leur tour, l’Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo et l’Eglise Méthodiste du Togo viennent de diffuser une déclaration commune dans laquelle elles indiquent vouloir « solennellement apporter leur soutien à l’offre de médiation faite par l’Eglise catholique du Togo. »

Cette déclaration de l »EEPT et de l’EMT, dont vous pouvez retrouver le texte intégral ici, a été rendue publique le 3 octobre, à la veille de nouvelles manifestations annoncées par l’opposition togolaise, les 4 et 5 octobre. Selon les opposants, la manifestation de mercredi sera un « ultime avertissement » pour le président Faure Gnassingbé avant la « marche » annoncée le lendemain.

Dialogue rompu entre le président et l’opposition

Pour aller plus loin :
Le texte intégral de la déclaration de l’EEPT et de l’EMT sur le site de la Cevaa
« Nous avons besoin de soutien » : interview de Prosper Comlan Deh, coordinateur du PAOET, sur le site de la Cevaa

L’EEPT et l’EMT sont toutes deux membres de la Cevaa, la Communauté d’Eglises en Mission dont font également partie l’Eglise Protestante Unie de France, l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine ainsi que l’Unepref (Union des Eglises Protestantes Réformées Evangéliques de France). Ces deux Eglises togolaises sont à l’origine d’une plateforme commune, le Projet d’Accompagnement Œcuménique pour le Togo (PAOET), destiné à porter leur rôle d’acteurs de la société civile togolaise, qui a longtemps bénéficié du soutien financier des Eglises de France, via le Défap. Les relations restent aujourd’hui proches avec le protestantisme togolais : Bertrand Vergniol, Secrétaire général du Défap, sera ainsi présent au synode de l’EEPT en mars 2018.

L’histoire politique récente du Togo témoigne de sa difficulté à trouver une voie apaisée. Pendant près de 40 ans, le pays a été dirigé par Gnassingbé Eyadema (de 1967 à sa mort en 2005). Depuis 2005, c’est le fils de ce dernier, Faure Gnassingbé Eyadema, qui lui a succédé à la présidence de la République. Des cinq scrutins présidentiels organisés durant la présidence de Gnassingbé Eyadema, aucun n’a évité les controverses et les violences. Depuis 2005, les rendez-vous électoraux oscillent entre ouverture démocratique et phases de durcissement entre le parti au pouvoir et l’opposition. Le président actuel en est à son troisième mandat. Il a été réélu à deux reprises en 2010 et en 2015 lors de scrutins contestés par l’opposition. Entretemps, la Constitution adoptée en 1992, qui prévoyait un maximum de deux mandats présidentiels, a été modifiée à plusieurs reprises. C’est dans ce contexte politique propice aux violences que les Eglises togolaises se sont engagées, voilà plus d’une décennie, comme acteurs de la société civile ; un rôle qui s’est trouvé formalisé peu avant les élections de 2010 à travers le PAOET.

La situation actuelle suscite d’autant plus les inquiétudes que le dialogue semble rompu entre le parti au pouvoir et l’opposition. Début septembre, après des manifestations violentes, le gouvernement a semblé chercher l’apaisement en soumettant au Parlement un projet de réforme constitutionnelle prévoyant notamment la limitation à deux mandats présidentiels. Mais l’opposition a refusé de participer au vote, dénonçant un texte qui n’étant pas rétroactif, permettrait au président d’exercer malgré tout deux mandats supplémentaires à partir de 2020, à l’issue de son mandat actuel. Le projet de réforme, approuvé par les seules voix des députés du parti présidentiel, n’a pas obtenu la majorité des quatre cinquièmes qui lui aurait permis d’entrer directement en vigueur ; mais il a tout de même dépassé le seuil des deux tiers qui lui permet d’être soumis au peuple togolais via un référendum. Référendum qui devrait être organisé d’ici la fin de l’année, mais dont l’opposition conteste le principe, réclamant un retour pur et simple à la Constitution de 1992.

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