Jonathan, vous êtes actuellement au Cameroun et vous avez « conçu » votre mission qui est issue d’un projet personnel, monté en collaboration avec le Défap. Ce n’est pas une démarche habituelle.

C’est vrai, j’étais parti en 2011 dans un échange interculturel au Cameroun avec le Défap. Début 2016, l’envie m’a repris de retourner dans ce pays, pour revoir les amis rencontrés lors de ce premier projet. Par chance, la possibilité de partir en mission s’est présentée. C’était pour moi l’occasion de vivre une immersion complète dans la culture camerounaise avec l’organisme de formation Intercordia.

J’ai donc pris la décision de partir, non pas à la rencontre de mes amis, mais en mission. Educateur de profession, j’ai voulu confronter mon savoir à une autre réalité et une autre culture. Mais je ne pouvais pas partir sans dimension spirituelle et religieuse. C’est pour cela que j’ai choisi une structure d’obédience protestante et surtout que j’ai demandé au Défap de me soutenir dans cette mission, dans l’élaboration et la réalisation.

 

Après toutes les démarches nécessaires, vous êtes installé au Cameroun depuis quelques mois. Comment s’est passée l’intégration ?

Aujourd’hui, cela fait 4 mois que j’ai commencé à travailler comme éducateur dans l’association AHP²V à Baham (Association Humanitaire pour la Promotion des Personnes Vulnérables). Cette structure accueille 25 jeunes (de 6 à 25 ans) socialement vulnérables. Leur vulnérabilité vient d’un handicap physique, d’un retard mental, ou d’une situation difficile à la maison, voire de leur statut d’enfant abandonné. Pour ceux qui connaissent un peu le secteur médico-social en France, cela englobe l’ensemble du panel des structures françaises (IME, IMPro, MECS, …).

Les jeunes ici sont accompagnés individuellement pour leur permettre de s’autonomiser et de prendre en main leur destin. Le centre propose de l’alphabétisation, des formations professionnelles (bijoux, couture, bougies, meubles en bambou, …), un soutien scolaire mais aussi le centre permet aux jeunes accueillis d’être opérés et rééduqués.

Quand je suis arrivé, étant éducateur sportif, on m’a dit : « tu animeras le sport et tu participeras aux différentes activités en fonction de tes envies et disponibilités ».
Je me suis rapidement rendu compte que le sport était vraiment minoritaire dans le programme (une demi-heure par semaine) et que ma place était principalement dans l’alphabétisation et les travaux du champ. Les encadrants quittent tous le centre à 16h pour permettre aux jeunes de s’entraider, de développer leurs compétences de vivre ensemble et de travaux quotidiens (nettoyage, cuisine, vaisselle…) mais ce n’est pas toujours aisé.

J’ai dû ainsi dépasser mes fonctions, prenant plus de place dans l’organisation et dans la gestion du temps, afin de permettre à chacun le meilleur développement possible.

 

Et au-delà de l’aspect professionnel ?

Dans ma mission, je cherchais aussi le côté spirituel, et j’ai été très surpris de la façon de voir la religion dans le centre. Ici, nous prions et méditions le lundi matin avec tous les jeunes, quelle que soit leur confession et le message qui est régulièrement passé est celui du travail. Il est demandé à chacun de travailler ce qu’il peut pour le bon fonctionnement du centre, que Dieu pourvoit aux gens qui travaillent. Le mot d’ordre pourrait être « aide-toi, le ciel t’aidera »  et « pardonnons-nous les uns les autres pour qu’un monde de paix soit possible ».

J’étais venu en mission pour découvrir une autre façon d’accompagner le handicap, mais je me suis rendu compte qu’ici, comme ailleurs, l’accompagnement commence par la mise au centre du facteur humain. Ici, comme en France, les encadrants essaient de prendre en considération la personne accueillie dans toutes ces dimensions, sa volonté, ses désirs…

 

Le travail social au Cameroun est-il si différent de celui que l’on connaît en France ?

Là où je vois la différence avec la France, c’est dans le soutien des institutions. Ici il n’y a pas de financement de la part de l’Etat et c’est un combat quotidien pour assurer la ration des enfants et financer les opérations des jeunes.

Je remercie toutes les personnes qui me soutiennent dans cette mission, qui me portent dans la prière, et ceux qui aideraient à la vie du centre ou pour les opérations des cinq jeunes qui sont toujours en attente.


( de gauche à droite ) Jonathan Lafont, le directeur du centre et Jean-Luc Blanc du Défap, DR

image_pdfimage_print