Luc Oechsner de Coninck, envoyé EAPPI début 2015, nous livre un second témoignage sur son expérience en Israël/Palestine.

« La répartition de l’eau potable entre l’État d’Israël et les Territoires occupés de la Cisjordanie  est un problème déterminant et qui conditionne la vie des habitants de part et d’autres du mur de séparation.

Bergers en Palestine

Tout d’abord, quelques chiffres.

 

– À Londres, il tombe annuellement 596 mm de pluie par an et l’eau est répartie équitablement entre les habitants, c’est-à-dire 150 litres par jour.

– À Ramallah, il pleut 619 mm par an et l’eau est réparti comme suit : 70 litres par jour pour les Palestiniens habitant dans leur territoire occupé et 300 litres par jour pour les Israéliens, y compris les colons qui sont sur le territoire palestinien. Des nappes phréatiques situées sous les territoires occupés de la Palestine sont extraites 90 % des ressources en eau potable pour la consommation des seuls Israéliens.

– La consommation d’eau des moutons est d’environ 60 litres par jour et par mouton, sachant que le mouton est bien adapté au climat aride de la Cisjordanie – il est d’ailleurs la principale ressource économique de cette population.

– Les vaches consomment environ 140 litres par jour et par animal. Les colons israéliens ont installé dans les Territoires Occupés des dizaines de fermes laitières, en particulier dans le sud alors que le climat est semi-aride. Lors du Forum mondial de l’eau à Tokyo en 2003, il a été dit que pour produire 1 kg de viande de bœuf il fallait 13 m³ d’eau !

– Les Israéliens cultivent en grande quantité des oranges, des avocats, des salades… Toutes ces cultures consomment énormément d’eau – en particulier l’avocat qui pousse habituellement dans les pays tropicaux humides.

– Enfin, pour bien séparer les populations, il a été construit le MUR dont environ 490 km sont en béton armé et mesurant 8 mètres de hauteur (chiffres de 2011). Pour 1ml de MUR, il faut environ 0,02 m³ de béton soit en tout 10 000 m3, et pour fabriquer 1m3 de béton il faut 140 litres d’eau, soit en tout 10 000 m3 d’eau !

 

Par ailleurs, depuis 1967, dans la Zone C – la zone sous contrôle militaire israélien qui couvre 60 b% de la Cisjordanie – 97 % des permis de construire des habitations ou des puits sont refusés par les autorités israéliennes sous différents prétextes.

 

Les conséquences pour la vie et l’économie des Palestiniens sont considérables.

Avant 1967, les exportations de l’agriculture palestinienne étaient comparables à celle d’Israël. Cette occupation, qui s’accompagne de la confiscation des terres palestiniennes et de la restriction de l’accès à l’eau potable, a provoqué un déclin de leur agriculture : la production agricole de ce pays est passée de 50 % du PIB en 1968 à 5 % en 2011.

D’autre part, 500 millions de dollars US de la production agricole des colonies israéliennes rentrent en Palestine chaque année alors que la production agricole sur ce territoire est à peine de 342 millions de dollars US (chiffres de 2012).

À noter : dans la partie de ce pays sans infrastructures de distribution d’eau potable, la consommation chute à 20 litres par jour.

Enfin, l’Institut des Recherches Appliquées de Jérusalem estimait en septembre 2011, que, si les ressources en eau étaient partagées correctement, la production agricole de la Palestine augmenterait d’1,22 milliard de dollars US.

 

Piscine dans le désert du Néguev

Pendant ce temps, les Israéliens construisent des piscines dans le désert du Néguev pour attirer les touristes qui apporteront des devises à l’État d’Israël.

En conséquence, il n’est plus utile de poser la question de pourquoi l’État d’Israël implante des colonies dans les Territoires Occupés de Palestine, interdites au regard du droit international, et pourquoi le gouvernement actuel veut bien deux États, ce tout en restant dans la configuration actuelle, sans évacuation des Territoires Occupés, et si possible en construisant de nouvelles colonies dans ces Territoires. »

 

Luc Oechsner de Coninck

 

NB : Tous les chiffres et les données de ce texte sont extraits de la documentation d’EWASH qui est une fédération d’ONG et d’organisations dont ACF, l’UNOCHA, l’UNRWA et l’UNICEF.

 

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