A Bâle, protestants et catholiques se rapprochent

Réunion de la CEPE © UEPAL

C’est un culte d’une dimension particulière qui a réuni à la cathédrale de Bâle, ce dimanche 16 septembre, 650 invités représentant la diversité des protestantismes européens. Sous le thème «Libérés – liés – engagés», les participants issus des 108 Églises protestantes membres de la Communion d’Églises protestantes en Europe (CEPE) se retrouvaient en Suisse du jeudi 13 au mardi 18 septembre pour leur 8ème Assemblée générale. Les Églises protestantes françaises étaient représentées par Agnès von Kirchbach pour l’Église protestante unie de France (EPUdF), ainsi que par Christian Albecker et Christian Krieger pour l’UEPAL.

Guidant les débats, le document «être Église ensemble» présenté lors de la première journée de la rencontre affichait trois objectifs (approfondir la communion, promouvoir l’unité des chrétiens et servir la société) directement inspirés par la Concorde de Leuenberg, le document signé par toutes les Églises membres de la CEPE. Cette déclaration de 1973 reconnaît «que les Églises peuvent différer puisqu’elles se basent sur l’Évangile comme fondement commun». Depuis 45 ans, la CEPE, qui représente plus de 50 millions de personnes dans une trentaine de pays, lance ainsi des passerelles entre les Églises réformées et luthériennes séparées depuis des siècles – la France, où le rapprochement a débouché sur des unions d’Églises, faisant en la matière figure d’exception. Mais aussi en direction de l’Église catholique. Le lieu choisi pour cette Assemblée générale en était un signe : il s’agissait d’un rappel symbolique du Concile de Bâle, qui s’était tenu dans cette même cathédrale de manière intermittente de 1434 à 1441, à une époque de grandes tensions entre le Pape et le Concile et d’aspirations à la réforme de l’Église.

«Que les Églises protestantes d’Europe parlent d’une voix forte et unie»

La célébration de ce dimanche, à laquelle participait le chef du Département fédéral des Affaires étrangères de la Confédération suisse Ignazio Cassis, était axée sur l’unité des protestants européens. Pour le président de la CEPE Gottfried Locher, «l’unité dans la diversité» reste encore et toujours l’essentiel de ce que la CEPE entend défendre. À ses yeux, l’unité est plus que jamais nécessaire pour répondre aux défis que connaît l’Europe. «Il faut que les Églises protestantes d’Europe parlent d’une voix forte et unie pour plus de justice et de paix».

Mais la cérémonie a fait également place à une nouveauté : Gottfried Locher et le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, ont signé à cette occasion une déclaration d’intention pour un dialogue officiel entre le Vatican et la CEPE. «Une étape importante», a relevé le conseiller fédéral Ignazio Cassis, «parce que dans le passé, ce n’était pas toujours ce qui vous réunit qui était mis en avant, mais souvent aussi ce qui vous sépare». C’est la première fois en effet que les protestants européens s’unissent pour dialoguer avec le Vatican. Les questions centrales qui se posent entre l’Église catholique romaine et les Églises protestantes pourront alors être abordées, comme la question controversée de l’intercommunion.

Si un pas important a été fait dans le dialogue avec l’Église catholique romaine, la CEPE a aussi réaffirmé sa volonté de dialogue avec d’autres communautés chrétiennes. L’évêque anglican Jonathan Gibbs ou Anthony Peck, secrétaire général de la fédération baptiste européenne, ont par exemple également été invités à s’exprimer.




La réciprocité dans la Mission : un pasteur togolais à Genève

Espoir Adadzi est appelé à construire des liens entre les communautés de la Cevaa et les Églises de la Suisse romande © Alain Grosclaude pour le mensuel «Réformés»

Le premier lieu qu’Espoir Adadzi (45 ans) a visité à son arrivée à Genève fut… le centre commercial de Balexert. La faute à des températures de saison qui l’attendaient en ce mercredi 6 décembre 2017, c’est-à-dire une vingtaine de degrés de moins que dans son Togo natal. Un «baptême du froid» qu’il a heureusement bien vite surmonté.

Né dans un petit village de la Région des Plateaux, au sud du pays, d’un père presbytérien et d’une mère catholique, Espoir Adadzi a commencé très jeune son éducation religieuse, lors des cultes d’enfants et en participant à la chorale. Il a ensuite rejoint un collège protestant : «J’ai eu très tôt le goût des choses religieuses. Tout ce qui concernait l’Église retenait mon attention. Elle a ensuite été un refuge après la séparation de mes parents. Tout ce que je vivais de difficile a été transposé positivement en amour pour le Seigneur.»

Sa formation

À 18 ans, Espoir Adadzi est devenu diacre volontaire. À chaque vacances il participait à des missions d’évangélisation. Deux ans plus tard, il a repris ses études, «persécuté» par son père qui le trouve trop intelligent pour y mettre un terme avant d’avoir son bac. «Lorsque je l’ai réussi en candidat libre, il m’a enfin laissé embrasser ma vocation», précise celui qui se formera par la suite pour devenir diacre, catéchiste puis pasteur après une licence puis une maîtrise à la Faculté de théologie de Porto-Novo, au Bénin.

Ouverture d’esprit

De retour au Togo, il a servi en tant que pasteur, responsable de district puis chargé de la «Division jeunesse» et enfin secrétaire administratif de l’Église après être sorti diplômé de l’École nationale d’administration de Lomé. L’équivalent d’un bac +6 qui donne raison à son père qui le poussait à faire des études !

Sa participation à des rassemblements africains organisés par la Cevaa, une Communauté d’Églises protestantes en mission, par la Communauté de Taizé, et par le club de jeunes théologiens de la Conférence des Églises de toute l’Afrique lui a «ouvert l’esprit sur des sujets comme l’avenir du protestantisme et certains débats théologiques et ecclésiologiques».

Son envie de créer des liens entre les communautés le pousse à postuler pour une mission de deux ans – portée financièrement par la Cevaa – à l’Église protestante de Genève (80%) et à la Conférence des Églises romandes (20%) sous la direction de DM-échange et mission. Son contrat peut être renouvelé à deux reprises. «J’apporte mon dynamisme à ce ministère où je m’épanouis. Je suis régulièrement sollicité par des collègues pour témoigner de comment la foi se vit en Afrique. Je partage volontiers les pratiques que nous avons. Les gens viennent souvent me poser des questions après les cultes. L’amour que je porte aux aînés, partie intégrante de mon éducation, fait que j’aime notamment les visites en EMS», explique Espoir Adadzi. C’est d’ailleurs les résidents des maisons de retraite qui l’ont aidé à comprendre rapidement la Suisse en lui racontant leur vie et leurs expériences.

Sujets d’étonnement

Si le Togolais a vécu un vrai choc thermique à son arrivée à Genève, d’autres sujets d’étonnement ont suivi : «L’absence de jeunes dans l’Église a été une réelle surprise même si en Afrique on parle d’Églises d’aînés en Europe». Pour lui qui avait débarqué à Cointrin avec son col pastoral autour du cou, la laïcité à la genevoise a été une autre source de stupéfaction : «Au Togo, l’Église et la chose religieuse sont incluses partout ! Les gens prêchent à la radio et l’État demande des cultes auxquels le président de la République participe. En ville, les prêtres portent le col pastoral librement.» Six mois après son arrivée, Espoir Adadzi se réjouit d’exercer prochainement son ministère dans une Région, afin d’expérimenter concrètement ses propositions.

Anne Buloz

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