RDC : un ancien boursier du Défap à la tête de l’ECC/Sud-Kivu

L’Église du Christ au Congo est l’un des «poids lourds» de l’espace protestant francophone : cumulant les caractéristiques d’une Église et d’une fédération, elle revendique plus de 25,5 millions de membres. Dans la seule province du Sud-Kivu, elle représente 2,25 millions de membres répartis dans plus de 2500 Églises locales. Le 13 décembre a vu l’installation officielle de son nouveau comité provincial, élu en janvier dernier, lors d’un culte à Bukavu ; le nouveau président de l’ECC/Sud-Kivu, Lévi Ngangura Manyanya, professeur d’Ancien Testament à la Faculté de théologie protestante de l’Université libre des Pays des Grands Lacs, est un ancien boursier du Défap.

Le culte marquant l’installation officielle des membres du comité dirigeant provincial de l’Église du Christ au Congo © RTNK

Il y a bien loin de Paris à Bukavu, de la chapelle du boulevard Arago à l’Église de la 8ème CEPAC Sayuni ; pourtant, la cérémonie qui s’est tenue le dimanche 13 décembre dans ce quartier de la capitale de la province du Sud-Kivu avait un lien très réel avec le Défap. Ce culte marquait l’installation officielle des membres du comité dirigeant provincial de l’Église du Christ au Congo, choisis le 23 janvier 2020 lors d’un synode électif tenu à Bukavu. Et le nouveau président provincial, le professeur Lévi Ngangura Manyanya, qui succède à Mgr Kuye Ndondo Wamulemera, est un ancien boursier et un ami du Défap.

Pour matérialiser leur installation, des insignes du pouvoir ont été remis au président de l’ECC notamment «la Bible, la croix, la charte et le sceau de l’Église du Christ au Congo». Le nouveau président provincial s’est engagé à servir le peuple de Dieu dans l’unité et la prière pour que la paix règne sur toute l’étendue de la RDC.

La RDC, plus vaste pays protestant d’Afrique francophone

Le professeur Lévi Ngangura Manyanya lors de l’élection du nouveau comité dirigeant provincial, le 23 janvier 2020 © Radio universitaire ISDR Bukavu

Pour bien se représenter ce qu’est l’ECC/Sud-Kivu, il faut d’abord avoir en tête ce qu’est la République Démocratique du Congo : le plus vaste et le plus peuplé des pays protestants de l’Afrique francophone. Dans cette seule province du Sud-Kivu, l’ECC revendique plus de 2,25 millions de membres, près de 3000 écoles, une trentaine de communautés ecclésiastiques et plus de 2500 Églises locales, plus de 6400 pasteurs, 326 institutions sanitaires, quatre universités regroupant plus de 3600 étudiants… À l’échelle du pays, regroupant une population de 77 millions d’habitants qui est à 80% chrétienne, le protestantisme représente une part de 40% ; et dans ce protestantisme congolais, l’Église du Christ au Congo cumule les caractéristiques d’une Fédération et d’une Église. Elle rassemble 64 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de «communautés» plutôt que «d’Églises» au sein de l’ECC), et toutes ces dénominations différentes se retrouvent lors d’un même synode. L’Église du Christ au Congo regroupe ainsi, au niveau national, 25,5 millions de membres répartis en 320.000 paroisses.

Lévi Ngangura Manyanya, nouveau président provincial de l’ECC pour le Sud-Kivu, était déjà doyen de la Faculté de théologie de Goma et professeur d’Ancien Testament. Il est aussi l’un des rares théologiens africains à être régulièrement publiés en Europe. Pour son livre «L’ancêtre Jacob – Israël et ses origines selon Genèse 25-36», publié en 2014 aux éditions Olivétan, il avait bénéficié d’une bourse du Défap afin de faire des recherches en France. Il avait auparavant écrit «Figures des femmes dans l’Ancien Testament et traditions africaines» (éditions L’Harmattan, avril 2011) et «La fraternité de Jacob et d’Esaü – Quel frère aîné pour Jacob ?» (chez Labor et Fides, octobre 2009).

Le Défap en République Démocratique du Congo :
  Le Défap travaille en lien avec les universités protestantes suivantes:
L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa);
L’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu);
L’Université Évangélique en Afrique – UEA (à Bukavu);
L’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga).
Toutes ces universités comportent une faculté de théologie.
Le Défap échange avec les facultés de théologie partenaires en RDC notamment par l’envoi de professeurs et l’accueil de boursiers.



Un séjour pour faire dialoguer les théologies

Venu en France en tant que boursier du Défap pour un travail de thèse sur la perception du ministère pastoral féminin au sein d’Églises congolaises, Robert Bahizire Byamungu a eu l’occasion de rencontrer des étudiants de la Faculté de théologie protestante de Strasbourg. Des rencontres riches de découvertes réciproques.

Robert Bahizire Byamungu lors d’un entretien diffusé par RCF © Défap

 

Robert Bahizire Byamungu est un des boursiers du Défap. Venu de République Démocratique du Congo, doctorant en théologie, il vient de passer une année et demie à Strasbourg dans le cadre de recherches pour sa thèse. Un séjour compliqué, et rallongé par la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 ; et pourtant, un séjour riche, tant pour lui-même et pour l’avancée de son travail, que pour les enseignants et étudiants qu’il a eu l’occasion de rencontrer au sein de la Faculté de Théologie Protestante. Son travail de recherche porte sur le statut de la femme, et plus spécifiquement sur la question du ministère pastoral féminin ; un ministère qui n’est pas reconnu au sein de son Église, la Communauté Baptiste au Centre de l’Afrique (CBCA), qui fait, historiquement, partie des membres fondateurs de l’Église du Christ au Congo.

Rassemblant plus de 20 millions de membres, l’Église du Christ au Congo est, pour les protestants de France, un partenaire de taille… et surtout, une institution représentant un protestantisme moins divers qu’il n’y paraît : l’ECC cumule les caractéristiques d’une Fédération et d’une Église. Elle réunit 95 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de «communautés» plutôt que «d’Églises» au sein de l’ECC), dont 70 sont présentes dans la seule ville de Kinshasa. Toutes les dénominations qui la composent se retrouvent lors d’un même synode. Et d’une communauté à l’autre, les théologies dialoguent, les liturgies se rapprochent. Les facultés de théologie jouent pour cela un grand rôle : entre les communautés baptiste, anglicane ou mennonite, on retrouvera des pasteurs qui ont fréquenté les mêmes universités et suivi les mêmes cours.

Le Défap travaille justement avec cinq universités protestantes en RDC, toutes membres du RUPA (le Réseau des Universités Protestantes d’Afrique), garant d’un bon niveau académique, et qui disposent chacune d’une faculté de théologie. Dans un pays aussi vaste que la RDC et où le fait religieux est aussi prégnant, ces universités présentent des promotions impressionnantes : 9000 étudiants pour l’Université Protestante du Congo à Kinshasa, dont 300 en théologie ; 3225 étudiants pour l’Université Évangélique en Afrique (Bukavu) dont 686 en théologie ; 3000 étudiants pour l’Université Libre des Pays des Grands Lacs à Goma, dont 380 en théologie… Au sein de ces facultés se rencontrent des élèves issus de communautés ecclésiales différentes, entretenant ainsi le dialogue œcuménique. Et parmi leurs responsables figurent souvent d’anciens boursiers du Défap.

Autant de caractéristiques, à la fois du protestantisme congolais et des universités protestantes avec lesquelles le Défap est en lien, qui expliquent la richesse et la vitalité des travaux de recherches théologiques dans ce pays ; de sorte que les échanges avec les protestants de France, que ce soit à l’occasion d’échanges de professeurs ou de séjours de boursiers, peuvent se révéler aussi porteurs de découvertes pour les uns que pour les autres.

Robert Bahizire Byamungu durant son séjour de recherche en France © Défap

Dans quelles conditions êtes-vous venu faire des recherches en France ?

Robert Bahizire Byamungu : Je suis inscrit en thèse à l’Université Libre des Pays des Grands Lacs, à Goma, et je travaille sur la question de l’ordination des femmes, dans le contexte d’une Église où le ministère pastoral féminin n’est pas reconnu. J’ai demandé à venir poursuivre mes recherches en France, non seulement pour avoir accès à des bibliothèques disposant d’une documentation plus riche, mais aussi pour être en contact avec des enseignants, des responsables d’Églises dans lesquelles des femmes exercent le ministère pastoral… Je comptais aussi rencontrer des pasteures pour discuter avec elles de leur expérience, de leur engagement, et même m’entretenir avec des paroissiens… J’ai obtenu du Défap une bourse pour un séjour de recherche de neuf mois. Je suis arrivé en octobre 2019. J’aurais dû repartir en juin, mais la situation sanitaire et le confinement ont quelque peu bousculé mon programme.

Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce thème ?

Robert Bahizire Byamungu : J’ai commencé à y travailler lors de mon mémoire de DEA ; j’avais alors étudié le cas d’une seule Église. Pour ma thèse, j’en aborde deux : l’Église baptiste et l’Église pentecôtiste, qui ont été parmi les premières Églises protestantes à s’implanter dans cette région d’Afrique. Toutes deux permettent aux femmes de se former à la théologie, et même de l’enseigner : on trouve ainsi une femme à la tête d’une faculté de théologie, une autre qui est vice-recteur d’université… Dès lors, on peut se demander pourquoi les étudiants qui ont suivi leurs cours, une fois devenus pasteurs, restent aussi réticents à reconnaître le ministère pastoral féminin.

Que vous a apporté votre séjour en France ?

Robert Bahizire Byamungu : Il a été très enrichissant, à plusieurs niveaux : par la possibilité qu’il m’a offert de travailler avec des bibliothèques disposant d’informations récentes ou de documents qui, même anciens, n’auraient pas été disponibles à Goma ; par les contacts humains qu’il a rendus possibles ; ainsi que par les échanges avec d’éminents professeurs qui ont orienté mes recherches. Ce séjour a fait évoluer significativement ma démarche et mon travail.

Parallèlement, j’ai eu l’occasion d’intervenir devant des étudiants à Strasbourg sur le thème du christianisme en Afrique. Et à cette occasion, le professeur Jérôme Cottin, qui suit mes travaux, m’a dit que sa propre vision de la théologie africaine avait évolué, qu’il avait véritablement pris conscience de son développement et de sa richesse. Il a estimé que renforcer les contacts avec des théologiens d’Afrique serait très utile pour ses étudiants.

En quoi les théologies africaines et européennes se distinguent-elles aujourd’hui ?

Robert Bahizire Byamungu : Les théologies européennes se sont construites sur plusieurs siècles. Les théologies africaines, par comparaison, sont beaucoup plus récentes : elles ont commencé à se développer après la période des indépendances, et elles sont en pleine évolution. Par ailleurs, elles sont riches de toute la diversité des cultures africaines : même si elles partagent un fonds commun, typiquement africain, les approches d’un Tanzanien, d’un Congolais ou d’un Camerounais seront à chaque fois influencées par leur propre contexte culturel. Les théologies africaines sont avant tout des théologies contextuelles.

Retrouvez ci-dessous l’interview de Robert Bahizire Byamungu sur RCF, diffusée le 23 octobre 2020 :




Une pandémie révélatrice des forces et faiblesses

Le Docteur Célin Nzambe est médecin missionnaire, partenaire du Défap. Il a été de nombreuses années responsable de l’hôpital de Bafia au Cameroun. Aujourd’hui il est médecin chef de l’Hôpital EPC (Église presbytérienne du Cameroun) de Djoungolo. Il témoigne de l’impact de la crise sanitaire au Cameroun.

 

Docteur Célin Nzambé

Comme lors de l’épidémie au choléra, l’Hôpital presbytérien de Djoungolo dont j’assume actuellement la charge, est réquisitionné depuis mars 2020 par l’État camerounais pour prendre en charge les malades atteints de Coronavirus. L’imprévisibilité et la massivité de la pandémie au Covid-19 nous ont tétanisés au début. Puis nous nous sommes souvenus de notre engagement en tant qu’hôpital d’église : être aux côtés des démunis. Et les réflexes face aux épidémies auxquelles nous avons déjà été confrontés nous sont revenus.

A part quelques désistements minimes au sein du personnel, l’ensemble de l’équipe médicale et paramédicale a accepté avec force de se jeter vers l’inconnu et de soigner les malades atteints de ce virus mortel. Médecins Sans Frontières et plusieurs personnels étatiques se sont joints à nous dans cette prise en charge. A ce jour l’Hôpital EPC de Djoungolo a pris en charge plus de 350 cas confirmés, sans compter des cas suspects. Nous avons eu à déplorer, malheureusement, 5 décès. Par la grâce de Dieu, aucun personnel n’a été contaminé, même si deux médecins ont dû être mis au repos pour suspicion au covid-19 mais sans confirmation.

Le Cameroun, à l’inverse des autres pays, n’a pas imposé de confinement strict, juste quelques mesures barrières. On s’attendait donc à la catastrophe prédite et clamée par le secrétaire de l’ONU et l’OMS pour les pays africains. Mais nous devons avouer que nous avons été nous-même les premiers surpris par le faible impact sanitaire de cette maladie sur notre population. Même si sur le plan économique les inquiétudes sont grandes.

Comment expliquer ce faible effet de covid-19 sur nos populations. Aucune étude n’a été menée dans ce sens, mais plusieurs hypothèses, qui mériteraient d’être confirmées par la suite, ont été évoquées. Les plus connues seraient que ce virus circule moins bien dans le climat chaud ; la population africaine habituellement confrontée à plusieurs infections aurait développé, bien avant l’arrivée du virus, des anticorps qui rendent moins actifs le covid-19 ; la jeunesse de la population africaine qui favorise des formes asymptomatiques et moins graves ; etc.

Mais au-delà de ces hypothèses, nous avons remarqué sur le terrain, sans que cela soit clairement dit, que les états africains ont pris le pari de laisser circuler le virus afin de favoriser l’immunité collective afin d’éteindre rapidement l’épidémie. Pour éviter l’encombrement des hôpitaux par des malades peu symptomatiques, et dans la mesure où cela n’était pas dangereux, les états africains ont favorisé les traitements placébos alternatifs proposés par les tradipraticiens, les leaders ecclésiastiques et les scientifiques improvisés chercheurs. Ainsi, face à ce virus inconnu et à l’anxiété généralisée qu’il générait, la population ne s’est pas retrouvée sans armes et se sentait apaisée, évitant ainsi la panique collective. Les opportunistes internationaux et nationaux ont profité de la peur provoquée par le Covid-19 pour développer un business visant, non à rendre service mais à se servir.

Pour nous Hôpital de l’Eglise, cette pandémie a été révélatrice de nos faiblesses et forces. La confiance en Dieu, nous a enlevé la peur d’aller au front et d’accueillir tout le monde. Nous avons ainsi vu passer dans notre hôpital des hautes autorités qui n’auraient jamais osé venir chez nous en dehors du Covid-19. Nous nous sommes aussi rendu compte du manque cruel des moyens pour prendre en charge les cas graves et notre faiblesse dans le management du personnel en temps de crise.

Aujourd’hui le Cameroun a amorcé la phase de décroissance de la pandémie, et le relâchement des efforts à tous les niveaux inquiète. Pour les énormes efforts consentis, le personnel de l’hôpital espère une reconnaissance de l’Etat qui tarde à venir. Il sait aussi que nous aurons du mal à convaincre les malades de reprendre confiance à un hôpital qui ne faisait que du Covid. Ce Covid-19 est à la fois une chance pour reformer les soins et un drame si rien n’est fait.




De Paris à Bukavu, en RD Congo

Adrien Bahizire Mutabesha est le doyen de la faculté de théologie de l’Université Évangélique en Afrique (UEA) à Bukavu. Il était en France pour un congé de recherche de trois mois qui s’est prolongé jusqu’en juillet suite à la crise sanitaire. Son sujet :  » Résilience et spiritualité pentecôtiste dans le contexte de la République démocratique du Congo ».

 

Adrien Bahizire Mutabesha

J’ai atterri à l’aéroport Charles de Gaule à Paris le 14 février 2020 et je devais regagner la République démocratique du Congo, mon pays à la fin du mois d’avril de cette même année. La bourse qui m’a été accordée par le DEFAP devait ainsi m’aider à me connecter à plusieurs ressources sur la résilience pour affiner mes idées de cherche sur la thématique en liaison avec le pentecôtisme.

Mais de la R.D. Congo à la France après un séjour de six ans d’études doctorales en Corée du Sud, je me suis aperçu petit à petit que ma foi de pentecôtiste était de diverses influences que je ne maîtrisais pas. Et jusqu’à l’heure où j’écris cette page, ce mystère persiste. En effet, je ne savais pas expliquer pourquoi, une fois à Séoul ou à Paris, je me sentais mieux quand j’adorais Dieu chez les Réformés ou chez les Baptistes que quand je participais au culte chez les frères pentecôtistes charismatiques dont mon Église était sensée partager les convictions spirituelles.

Mais aussi, plus je m’éloignais de Bukavu, ma ville natale, et que plusieurs bibliothèques s’ouvraient à moi, plus les repères de mon Église se complexifiaient. C’est de cette expérience confrontée aux réalités socioculturelles différentes qu’est née en moi l’idée de mener une étude sur la  »Résilience et spiritualité pentecôtiste dans le contexte de la RDC ». Malheureusement l’irruption de la Covid-19 est venue perturber mon élan de réflexion sur le sujet lors de ce séjour en France. Confinement et déconfinement se sont conjugués en moi sans que je puisse assouvir mes ambitions de recherche. Qu’importe !
J’étais déjà sur une première conclusion que ma foi était le fruit d’un pentecôtisme non connu en France et en Corée du Sud, non maîtrisé par moi-même, non encore décrit d’un point de vue historique et qui nécessitait alors des fouilles sérieuses. Les Scandinaves luthériens et baptistes qui l’ont propagé doivent l’avoir transmis dans son luthéranisme et son baptisme teinté de pentecôtisme sans autre ‘isme’ particulier. Il est tout de même singulièrement caractérisé par son ancrage dans le monde de l’imaginaire en lien émotionnel avec des actions sociales et humanitaires conséquentes. Cette combinaison crée en son sein un pouvoir sécurisant et porteur d’espoir pour des fidèles pentecôtistes qui se croient être les seuls  »protestants » dignes. Certes, la soif de poursuivre mes recherches dans les arcanes des bibliothèques parisiennes pour infirmer ou confirmer cette première conclusion effacera en moi les stress du confinement de 2020 et me ramènera certainement un jour au 102 du Boulevard Arago du quatorzième arrondissement.

Université évangélique d’Afrique à Bukavu (RdC)

Six mois seulement après mon arrivée en France, ces découvertes qui enrichissent ma propre foi et nourrissent mes recherches autour de la résilience, doivent être encore approfondies, et restent difficiles à exprimer et à partager avec mes proches, mes fidèles et mes collègues au moment du retour au pays.
La raison est simple à imaginer. Pour eux comme pour moi, la joie des retrouvailles est plus forte que la curiosité sur mes recherches. Ils ont retrouvé qui un père, qui un pasteur, qui un collègue qu’on croyait mort du Covid-19 et le voici revenu à la vie. Leur principale préoccupation a été d’écouter ce que disent les Blancs sur la pandémie, d’avoir les preuves de son existence réelle. En effet, malgré les cache-nez censés protéger la bouche de certains, ils croient à peine à la présence de la pandémie qu’ils pensent être une création occidentale pour terrifier les Noirs, qui aurait échappé au contrôle de ses initiateurs en se retournant contre eux. Ils n’ont pas vu de morts en cascade en Afrique. Ils n’ont vu que des cercueils à la télévision. Ils n’ont entendu que les informations qu’ils qualifient d’intox européenne. Le confinement de trois jours n’a pas suffi (pour) à les convaincre bien qu’il ait suscité un système d’automédication traditionnelle jamais observé contre le paludisme et la grippe. Certains se disent timidement :  »Si c’est vrai que cette pandémie est une réalité, alors naître Noir et surtout Africain redevient une fierté. Mais en attendant la confirmation, mes amis, lavez vos mains à tout bout de champ et portez-vos cache-manteaux ».

Il faut comprendre : l’espérance est immense autour de celui qui revient tout de même de Paris ! Il doit avoir plein de chocolats dans ses valises, des financements pour des projets, des aides pour ce pays éprouvé… Dans l’imaginaire collectif six mois sur le sol français suffisent pour tout gagner et ne pas revenir les mains vides! Avec sympathie et humour, les langues se délient et les attentes s’expriment autour du rescapé du confinement de France, si bon négociateur : « le président Macron est jeune, la France doit aussi avoir rajeuni dans sa générosité ! »

C’est ainsi que la recherche sur  »la Résilience et la spiritualité pentecôtiste » devient une histoire personnelle et privée de son auteur. Ce qui intéresse de prime abord -et c’est bien normal- c’est son retour, sa bonne santé et ce qu’il a ramené. Malheur à ce pauvre chercheur si ces deux éléments lui font défaut ! Quant à son travail, commencé dans les bibliothèques de Paris, il n’attend qu’à être approfondi, mis en lien avec l’histoire de son Église et les expériences humaines dans le contexte si particulier de son pays, quelque part dans l’est de la RdC.

Pour relire le témoignage d’Adrien pendant le confinement, cliquer ici >>>

 

Adrien Bahizire Mutabesha et sa famille, à son retour à Bukavu




Éloigné, en confinement

Les boursiers du Défap vivent le confinement, éloignés de leurs proches. Ils nous font partager leurs ressentis à travers un « billet d’humeur ».

 

Adrien Bahizire Mutabesha

Adrien Bahizire Mutabesha est le doyen de la faculté de théologie de l’Université Évangélique en Afrique (UEA) à Bukavu. Il est actuellement en France pour un congé de recherche de trois mois. Son sujet :  » Résilience et spiritualité pentecôtiste dans le contexte de la République démocratique du Congo ».

Le confinement était pour moi un concept vide et un terme vulgaire. D’ailleurs, ni le président Macron, ni son premier ministre ne l’avaient prononcé dans leurs premiers discours sur le Covid-19. Et pourtant dans ce pays dit  »de liberté », c’est avec le papier d’autorisation de sortie que j’ai commencé à ressentir la quintessence et le poids du slogan repris partout dans les journaux, sur les différentes télévisions et presque sur les lèvres de tous :  »Restez chez-vous !  » Eh bien ! Venu de la République Démocratique du Congo (RDC) pour une recherche de courte durée et l’actualisation de mes cours à l’Institut Protestant de Théologie (IPT) à Paris, voilà que je ne peux plus sortir ! Ce n’est pas un rêve ! Les écoles, les églises, les entreprises ont fermé, seuls les hôpitaux vivent, pour soigner.

Les messages de ma famille, de mes fidèles, des amis sur Whatsapp me réveillent chaque matin, se répètent vers midi, vers 15h et là aussi à 20 heures pour savoir si je ne suis pas encore contaminé. Du coup, c’est mon dernier fils de 8 ans qui me souffle, téléphone à l’oreille  »¨Papa, reste à la maison ! » Et encore mieux :  »Reviens le plus vite possible ! » Mince, alors… Les sourds parlent, avertissent et les cloches sonnent de toute part. Mourra alors qui mourra !

La famille d’Adrien Bahizire Mutabesha à Bukavu

Non, fatigué de lire les pages des livres en ma possession sans rien comprendre, je descends au deuxième étage pour suivre la télévision, seule détente qui me reste. Les chiffres ahurissants et dévastateurs des cas positifs qui ne font que s’alourdir pour la France, l’Italie, l’Espagne m’envahissent et entament la paix de mon cœur. L’annonce de la présence du coronavirus en République Démocratique du Congo vient chambouler cette âme déjà fragilisée. Et je me dis,  » « Qu’adviendra-t-il pour mon pays si tout l’arsenal français peine ? » Sans connaître les pensées qui m’agitent, le camarade camerounais venu juste pour un colloque me regarde dans les yeux et me dit :  »J’ai raté mon vol à trois reprises à cause de cette pandémie ! J’aimerais tout de même aller souffrir à côté des miens car si mon pays est atteint, ce sera la catastrophe ». Rires tièdes, nous nous consolons mutuellement et nous sortons, autorisation en main, pour faire des courses à quelques mètres du Défap.

Découverte ! Les rues sont vides, les restaurants et cafés fermés, plus de vélos, plus de visiteurs en ligne devant les catacombes bref, la ville est pâle. Paris a perdu sa vitesse et son mouvement. Ce n’est pas Paris, c’est le monde entier. Mon cœur bat et je ne le dis à personne mais je le pense : « Peut-être que c’est la fin de tout ? L’Écriture ne dit-elle pas que le Seigneur vient bientôt ! Ni Raoult, ni Macron, ni la Chine ne nous ramèneront la vie ! Dieu le fera ! » Alors que je suis encore dans ces pensées, à la boutique, une dame qui vient aussi se ravitailler et se trouve à deux mètres de moi me dit : « Monsieur, éloignez-vous encore d’un mètre ». Je le fais, mais elle n’entre que quand je suis sorti. Couverte du haut en bas, portant un masque hors du commun, elle ressemble à une employée de bureau de la Tour Montparnasse. Elle semble incapable de comprendre que le virus ne passe que par le nez ou la bouche et ne dépasse pas plus d’un mètre après expiration. Psychose et terreur !

Si tout à l’extérieur est devenu amorphe, il y a de la vie dans la maison du Défap grâce à une dame qui vient presque chaque soir nous demander  »ça va ? ». Les jours passent. Le confinement m’a permis d’atteindre le but de mon séjour, de lire et de prier ! Adieu corona ! Adieu confinement ! C’est l’espoir ! Oui, le confinement m’éloigne de tout ; mais pas du Seigneur. A nous revoir, Paris.




Courrier de mission : Simon Kabué, l’enseignement contre la pauvreté et la corruption

Invité en ce 22 mai de l’émission Courrier de mission, animée par Valérie Thorin sur Fréquence Protestante, Simon Kabué Mbala, recteur de l’UPRECO, évoque le rôle en République Démocratique du Congo de cette université soutenue par le Défap.

Simon Kabué © DR

 

Simon Kabué, l’enseignement contre la pauvreté et la corruption

«Courrier de mission» du 22 mai 2019.
Émission consacrée au Défap, animée par Valérie Thorin sur Fréquence Protestante

L’UPRECO, l’université protestante de la région de Kananga, en République Démocratique du Congo, n’est pas un établissement d’enseignement supérieur comme un autre. Y étudier, y travailler, est déjà une forme de militantisme, un refus de la fatalité de la misère et de la mauvaise gouvernance. Située dans une région volontairement ignorée par le gouvernement de Kinshasa (le Kananga est connu comme étant la région d’origine de divers leaders de l’opposition), mal desservie, enclavée (on accède au Kananga par avion, plutôt que par la route), l’UPRECO s’est construite autour de la faculté de théologie. Elle compte aujourd’hui cinq filières : théologie, droit, économie, agronomie et informatique. Avec peu de moyens matériels (tout manque, à commencer par l’électricité pour une partie des bâtiments, ou la connexion internet pour la filière informatique), mais avec aussi beaucoup d’engagement, l’UPRECO s’efforce de concilier valeurs chrétiennes et enseignement supérieur, pour former des cadres capables de changer le pays, avec «la Bible dans notre main droite, et la science dans notre main gauche», comme le revendique Simon Kabué. Par exemple, la faculté de droit a été créée avec l’idée de former des juristes capables de s’opposer à la corruption ; celles d’économie et d’agronomie, pour lutter contre la pauvreté… Et ça marche : la qualité d’enseignement de l’UPRECO est largement reconnue, et nombre de ses anciens étudiants se retrouvent aujourd’hui dans des postes de responsabilité dans leur pays.

Au micro de Valérie Thorin, Simon Kabué Mbala revient sur l’histoire et l’engagement de l’UPRECO, une université soutenue par le Défap, qui continue notamment à financer chaque année des bourses pour des étudiantes.

Etudiantes de l’UPRECO en compagnie de Jean-Luc Blanc, du Défap © Défap

 

Pour aller plus loin :



Congo : étudier pour changer la société

Dans un pays, la République Démocratique du Congo, qui cumule richesses naturelles et extrême pauvreté de la population, corruption et flambées de violence, l’UPRECO se veut un acteur de changement. Cette université fondée par l’Église presbytérienne au Congo, et soutenue par le Défap, forme des pasteurs, des juristes, des agronomes, des économistes, en conjuguant une qualité d’enseignement très reconnue et de solides valeurs chrétiennes. Son recteur Simon Kabue Mbala, qui est aussi pasteur et professeur de Nouveau Testament, de passage en France au cours de ce mois de mai 2019, a été invité par diverses paroisses protestantes. Il y a plaidé pour la poursuite des échanges entre France et RDC, cruciaux pour cette université aux moyens limités et dont l’avenir se construit à travers une lutte quotidienne.

Simon Kabue Mbala, recteur de l’UPRECO, photographié dans le jardin du Défap © Défap

 

Que représente aujourd’hui l’UPRECO en République Démocratique du Congo ?

Simon Kabue Mbala : L’UPRECO a été fondée par l’Église presbytérienne au Congo. C’est une université qui se trouve au cœur de la province du Kasaï – une région de République Démocratique du Congo qui est très pauvre et enclavée, essentiellement pour des raisons politiques : elle est généralement vue comme le bastion de l’opposition au pouvoir central. À l’origine de la création de l’UPRECO, il y a eu tout d’abord la volonté de l’Église de mieux former ses pasteurs, afin qu’ils soient mieux outillés pour accompagner, mais aussi transformer les humains et la société : la première filière ouverte a été la faculté de théologie. Puis, pour lutter contre l’un des maux majeurs du pays qui est la corruption, l’Église a ouvert une faculté de droit. Ensuite, comme le Congo est un pays très riche, mais dont la population est très pauvre et où beaucoup meurent de faim, a été créée une faculté d’agronomie, à laquelle est venue s’ajouter celle d’économie. Et comme le monde aujourd’hui est globalisé, qu’il faut pouvoir s’y adapter, l’UPRECO s’est dotée d’une faculté d’informatique.

Dans notre université, nous avons la Bible dans notre main droite, et la science dans notre main gauche. Tous nos étudiants doivent être de vrais témoins de Christ. Et la qualité de notre travail et de nos enseignements est appréciée. Notre université est aujourd’hui très reconnue à travers le pays. À titre d’exemple, lors du concours annuel de juristes qui est organisé en RDC, les cinq premières places sont régulièrement occupées par des étudiants de l’UPRECO. Ceux qui sont issus de chez nous occupent souvent des postes de responsabilité.

Mais l’UPRECO ne se finance qu’avec les frais d’inscription des étudiants ; or beaucoup proviennent de familles pauvres, et ne sont pas en mesure de payer. De ce fait, les professeurs eux-mêmes ne peuvent souvent pas être payés. Mais nous faisons des sacrifices, et nous nous donnons beaucoup dans notre travail, parce que c’est l’œuvre du Seigneur. Les paroisses voisines de l’Église presbytérienne au Congo nous soutiennent régulièrement par des contributions ponctuelles, que ce soit en argent, en nourriture ou en vêtements : elles sont conscientes de l’importance d’avoir des pasteurs bien formés pour assurer un bon encadrement spirituel des fidèles, des juristes de qualité, des agronomes, des économistes, des informaticiens, tous capables d’aider à changer le pays et ayant un bon témoignage chrétien – ce qui implique entre autres qu’ils soient capables de résister à la corruption… Il y a beaucoup de ces paroisses qui soutiennent ainsi l’UPRECO, conscientes de l’importance de cette université, pour qu’elle continue à fonctionner et qu’elle ne ferme pas.

Quelles sont les relations de cette université fondée par l’Église presbytérienne au Congo avec les Églises de France ?

Simon Kabue Mbala : Nous avons des échanges réguliers avec les Églises protestantes de France, via le Défap. Divers invités venus de France sont passés à l’UPRECO, soit pour y enseigner dans notre faculté de théologie, soit pour des projets communs : je pense notamment à la bibliste Christine Prieto, à Olivier Abel, professeur à l’Institut Protestant de Théologie, au pasteur et docteur en théologie Marc-Frédéric Müller ; à l’ancien directeur de l’Institut Al Mowafaqa, Bernard Coyault, au pasteur Antoine Nouis, au pasteur et théologien Philippe Kabongo M’Baya ; mais aussi à Joann Charass et Claire-Lise Lombard, venues soutenir notre bibliothèque à travers la Centrale de Littérature Chrétienne Francophone, ainsi qu’à Jacqueline Gascuel, conservateur des bibliothèques et figure marquante du secteur du livre en France… Tous ces échanges, outre les enseignements qui sont dispensés ou le soutien concret qui nous est apporté, nous encouragent beaucoup, et nous souhaitons qu’ils se poursuivent.

Un des bâtiments de l’UPRECO équipé de panneaux photovoltaïque – projet soutenu par le Défap © Défap

Comment a été perçue votre intervention dans les paroisses de France où vous avez été invité ?

Simon Kabue Mbala : Que ce soit à la paroisse d’Aix-en-Provence, où j’ai été accueilli par le pasteur Gil Daudet et par un public qui devait avoisiner les 500 personnes, ou à la paroisse de l’Annonciation, que j’ai visitée plus récemment, j’ai été frappé par la manière dont ma présentation de l’UPRECO a été reçue par le public. Beaucoup ont manifesté la volonté d’aider. Ce qui les a le plus frappés, je crois, c’est tout ce qui tourne autour du statut de la femme. Autrefois exploitée, elle ne pouvait aller à l’école et devait se cantonner aux travaux domestiques ou des champs ; or dans notre université, nous encourageons l’éducation des jeunes femmes pour qu’elles puissent acquérir des responsabilités. Cette question du statut de la femme est étroitement liée à celle de la pauvreté, avec l’idée qu’une amélioration du niveau d’étude féminin permettrait d’aider la population à améliorer son sort. Le Défap soutient d’ailleurs le financement de bourses pour un certain nombre de nos étudiantes. Les résultats sont déjà éloquents : parmi les jeunes filles qui ont étudié à l’UPRECO, certaines travaillent aujourd’hui dans des écoles, des organismes publics, et leur travail y est apprécié. Certaines dirigent même des paroisses.

Quels sont les besoins actuels de votre université ?

Simon Kabue Mbala : Il y a des besoins matériels : équiper la bibliothèque, en matériel informatique comme en ouvrages récents, et former son personnel ; poursuivre l’installation de cellules photovoltaïques pour électrifier les bâtiments (les bâtiments administratifs ont été équipés avec le soutien du Défap) ; soutenir les enseignants qui n’ont pas de salaire… Mais au-delà, il nous faut penser à la relève. Nous avons besoin d’enseignants formés au niveau doctorat, qui puissent revenir enseigner chez nous. Pour l’instant, nous ne pouvons former nos étudiants que jusqu’au niveau master. Pour qu’ils aient un doctorat, la seule solution actuellement serait qu’ils aillent dans une autre université, par exemple à l’UPC, à Kinshasa (autre partenaire du Défap en RDC) ; et pour cela, il leur faudrait des bourses. Dans ce domaine aussi, qui est crucial pour l’avenir de l’UPRECO, les Églises de France peuvent nous aider.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez




Les collectionneurs ont rendez-vous avec le Congo

Alors même que Jean-Luc Blanc, secrétaire général du Défap, et Tünde Lamboley, chargée de la formation théologique, rencontrent les partenaires du Service protestant de Mission en République démocratique du Congo, le service Philatélie prépare la prochaine Bourse des Collectionneurs de Colombes, le dimanche 17 mars. Les fonds qui seront récoltés grâce aux ventes de timbres serviront précisément à financer des bourses pour les étudiantes de l’UPRECO, à Kananga, une zone enclavée et délaissée par le pouvoir de Kinshasa.

La 20ème Bourse des Collectionneurs organisée par l’Amicale Pluricollections de Colombes et Environs (APCE)

 

Le dimanche 17 mars 2019 aura lieu la 20ème Bourse des Collectionneurs organisée par l’Amicale Pluricollections de Colombes et Environs (APCE). Les visiteurs pourront y acheter des timbres, des cartes postales, des monnaies mais aussi des vieux papiers, des livres et beaucoup d’autres objets, proposés par la cinquantaine d’exposants conviés à cette rencontre annuelle. L’entrée et le parking sont gratuits, angle des rues Léon Bourgeois et Eugène Besançon (voir carte ci-dessous). Le Défap sera représenté lors de ce rendez-vous à travers son service Philatélie, et proposera à la vente ses collections de timbres, dont le produit servira à financer des bourses pour des étudiantes congolaises. Hasard du calendrier, cette Bourse des Collectionneurs va se tenir moins d’un mois après le retour en France de Jean-Luc Blanc, secrétaire général du Défap, et de Tünde Lamboley, chargée (notamment) de la formation théologique, partis en République démocratique du Congo pour rencontrer les divers partenaires du Service protestant de Mission, parmi lesquels figure justement l’université de Kananga…

Les rendez-vous comme celui qui aura lieu ce 17 mars sont cruciaux pour le service Philatélie ; mais ils ne doivent pas pour autant faire oublier le travail qui s’effectue tout au long de l’année, sous l’impulsion des bénévoles mobilisés pour recueillir, trier et classer les timbres. Et au-delà, ce service ne pourrait fonctionner sans tous les donateurs qui permettent d’alimenter le stock de timbres, et qui doivent être chaleureusement remerciés…

Des relations de longue date

Pour aller plus loin :
RDC : fiche pays et actualité du Défap
Des timbres pour aider les étudiantes de l’UPRECO
Des bibles pour Kananga
Visite en images de l’UPRECO
Pour aider les étudiantes de l’UPRECO, vous pouvez aussi retrouver les timbres proposés par le service philatélie sur la boutique du Défap, en cliquant ici.

Le service Philatélie du Défap fonctionne grâce à trois bénévoles : Alain Gilles, Geneviève Minssen et Jean Roman, qui se retrouvent régulièrement au 102 boulevard Arago, dans un local situé un étage en-dessous du hall d’accueil du Défap. C’est là qu’ils stockent, trient et organisent les collections qui seront présentées lors de rendez-vous comme la Bourse des Collectionneurs de l’APCE. Les timbres arrivent de toute la France ; ils sont regroupés par séries identiques dans des enveloppes de cent, rangés en sacs destinés aux négociants qui les achètent au poids… Un travail de longue haleine pour les membres de ce service, qui sont régulièrement à la recherche de bonnes volontés pour les assister, soit au 102 boulevard Arago, soit pour tenir un rôle de correspondant dans leur paroisse. Les fonds ainsi récoltés servant à financer des bourses pour des étudiantes à plus de 9000 km de Paris : à Kananga, en République démocratique du Congo.

Kananga, l’ancienne Luluabourg fondée en 1884 sur la rive de la rivière Lulua, est la capitale du Kasaï-Occidental – une province enclavée, loin de la capitale Kinshasa, isolée des centres de décision par des centaines de kilomètres de routes impraticables. On n’y accède que par avion. C’est là que se trouve l’UPRECO (Université Presbytérienne du Congo), l’une des trois universités protestantes avec lesquelles les Églises de France sont en lien dans ce pays à travers le Défap. Outre la théologie, on y enseigne le droit et l’agronomie. Aussi délaissée par les autorités et privée de moyens que l’est la ville de Kananga elle-même, l’UPRECO a pourtant un rôle essentiel à jouer dans cette région extrêmement pauvre où les jeunes n’ont pas les moyens d’aller étudier dans les grandes villes plus développées. La situation est particulièrement difficile pour les étudiantes, qui vivent dans une grande pauvreté : très peu de filles ont les moyens de suivre des études, car les familles, quand elles le peuvent, choisissent de financer plutôt les études des garçons.

Les relations entre les protestants de France et cette université se sont développées suite à un séjour de professeurs français à l’UPRECO, qui sont revenus particulièrement touchés par la situation des étudiants de Kananga. Ces liens prennent aujourd’hui la forme d’un soutien direct à la faculté de théologie, d’envois d’enseignants… Ils passent aussi par des bourses d’appoint pour les étudiantes. Et voilà comment les timbres triés à Paris aident à soutenir l’Université Presbytérienne du Congo : au cours des dernières années, les revenus de la philatélie du Défap ont permis de financer en moyenne 10 bourses par an.

 

Le Défap en République Démocratique du Congo :
  Le Défap travaille en lien avec les universités protestantes suivantes:
    – L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa);
    – L’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu);
    – L’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga).
  Toutes ces universités comportent une faculté de théologie.
  Le Défap échange avec les facultés de théologie partenaires en RDC notamment par l’envoi de professeurs et l’accueil de boursiers.

 




Un prix Nobel de la paix pour Denis Mukwege, «l’homme qui répare les femmes»

Gynécologue devenu un symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes, Denis Mukwege est avant tout un protestant convaincu, qui puise la force de son engagement dans ses convictions ; et c’est précisément pour parler du rôle et de l’engagement des Églises protestantes au sein de la société congolaise, qu’il avait reçu en mars dernier Jean-Luc Blanc, du Défap, dans son hôpital à Bukavu.

Denis Mukwege en compagnie de Jean-Luc Blanc à Bukavu © Défap

Voilà plusieurs années que Denis Mukwege était pressenti pour le prix Nobel de la paix. Il avait déjà reçu entre autres le prix des droits de l’homme des Nations unies en 2008, le prix Sakharov en 2014 : autant de marques de reconnaissance internationale pour le combat de «l’homme qui répare les femmes». Ce vendredi 5 octobre à Oslo, le prix Nobel de la paix 2018 a été attribué conjointement au docteur Denis Mukwege et à Nadia Murad : le gynécologue qui dénonce inlassablement les viols et les mutilations sexuelles au Congo, et l’ancienne esclave sexuelle de Daesh. Deux symboles des violences faites aux femmes lors des conflits. «Denis Mukwege et Nadia Murad ont tous les deux risqué personnellement leur vie en luttant courageusement contre les crimes de guerre et en demandant justice pour les victimes», a souligné Berit Reiss-Andersen, présidente du comité Nobel.

Dans son hôpital Panzi, à Bukavu, qu’il a fondé et qu’il dirige, Denis Mukwege prend en charge les femmes ayant subi des viols collectifs, sur les plans médical, psychologique et spirituel ; et en-dehors, dans son pays et tout particulièrement sur la scène internationale, il dénonce les violences dont elles sont victimes, le viol et les mutilations faisant partie des armes de guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo. Cette dénonciation inlassable a donné lieu à plusieurs livres et à deux films, dont le plus connu date de 2015 : «L’Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate», de Thierry Michel et Colette Braeckman.

«Dépasser l’inégalité entre hommes et femmes dans les Églises»

Pour aller plus loin :

Avant d’être médecin et gynécologue, Denis Mukwege est fils de pasteur et pasteur lui-même, et c’est au nom de ses convictions protestantes qu’il s’est lancé dans un combat contre les violences faites aux femmes qui a failli plusieurs fois lui coûter la vie. Il témoigne d’une Église qui s’engage et ne connaît pas la langue de bois. «Vous, pasteurs», déclarait-il ainsi en 2017 en Namibie devant les invités de l’assemblée générale de la Fédération luthérienne mondiale, «avez la possibilité de parler à beaucoup de personnes. C’est un pouvoir dont vous devez faire bon usage. Il faut dépasser l’inégalité entre hommes et femmes dans les Églises, sinon cela invalide tout le reste.»

Son action, son témoignage et sa reconnaissance internationale croissante lui valent d’être régulièrement en délicatesse avec le pouvoir congolais, dans un pays que Joseph Kabila, à la tête de l’État depuis la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001, dirige depuis décembre 2016 sans mandat. Une situation qui place les Églises en situation de fragilité, et fait d’elles des cibles du pouvoir : d’abord l’Église catholique, qui s’est impliquée dans une médiation face à la violence de la répression des manifestations anti-Kabila – médiation dont elle a fini par se retirer devant le peu d’empressement du président à respecter les accords qu’elle s’efforçait d’obtenir ; ensuite, l’Église du Christ au Congo, principale Fédération protestante de RDC, dont le nouveau président élu le 19 août dernier, le pasteur André Bokundoa-Bo-Likabe, a décidé de rompre avec l’attitude jusqu’alors en vigueur de neutralité bienveillante vis-à-vis du pouvoir.

C’était, notamment, pour parler de ce rôle des Églises au sein de la société congolaise que Denis Mukwege avait reçu, en mars 2018, Jean-Luc Blanc, du Défap, alors en visite en RDC pour établir des liens avec l’Église du Christ au Congo. Si le prix Nobel de la paix qu’il vient de recevoir lui a valu des félicitations du bout des lèvres de la part du gouvernement congolais, dont le porte-parole a rappelé qu’il «n’a pas toujours été d’accord et continuera à ne pas l’être (avec le docteur Mukwege), parce que l’humanitaire est sacré et ne doit pas être mêlé à des choses politiques», cette distinction a été accueillie avec enthousiasme par les communautés congolaises à l’étranger, et notamment en France.

Franck Lefebvre-Billiez




Un marathon de Nouveau Testament à l’Université Protestante au Congo

Christine Prieto en compagnie des étudiants de l’UPC © Christine Prieto pour Défap

Avec ses 9000 étudiants, dont 300 en théologie, l’Université Protestante au Congo (UPC) représente tout simplement le plus grand campus protestant francophone au monde. Établie en plein cœur de Kinshasa, capitale de plus de 14 millions d’habitants à l’Ouest de la République Démocratique du Congo, elle se situe dans le quartier de la Cathédrale du Centenaire, l’un des plus impressionnants bâtiments religieux protestants du continent. C’est là que s’est rendue, au cours du mois d’avril 2018, Christine Prieto.

Christine Prieto fait partie des intervenants régulièrement sollicités par le Défap pour assurer des missions courtes d’enseignement dans des centres de formation théologique en Afrique. Membre de l’Église protestante unie de France, elle a été formée à la fois à Paris et à Lausanne ; elle est docteur en théologie, bibliste et chargée de cours à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Paris). Au cours de son séjour de deux semaines en République Démocratique du Congo, elle a été amenée à assurer une série de cours de Nouveau Testament à l’UPC. Un séjour qu’elle décrit comme «dense», et dont l’organisation n’a pas été simplifiée par les tensions politiques actuelles que connaît le pays ; mais, précisément pour ce fait, sa présence a été accueillie avec d’autant plus de reconnaissance à la fois par les étudiants et par les enseignants.

Un ancien boursier du Défap fait le relais

Il s’agissait de remplacer au pied levé un professeur de Nouveau Testament brutalement décédé au cours de l’hiver. N’ayant pu trouver les compétences requises en pleine année universitaire, l’UPC a lancé des appels – et le lien avec le Service protestant de mission s’est fait via Sébastien Kalombo Kapuku, qui dirige le département de Systématique à l’Université Protestante au Congo, mais qui est aussi un ancien boursier du Défap. L’idée était de faire une session de rattrapage sur un temps court. «Il a fallu trouver comment caser un programme de 90 heures en deux semaines, souligne Christine Prieto ; j’assurais 4 heures de cours le matin et 2 l’après-midi. Et tout cela, six jours par semaine. C’était assez intensif.» Au menu : deux cours complets, l’un, d’une soixantaine d’heures, consacré aux épîtres non pauliniennes, et destiné aux étudiants de licence 1 (équivalent en France du Mastère 1) ; et un deuxième cours d’une trentaine d’heures, destiné aux Mastère 1 et 2, consacré au livre d’Apocalypse. Avec, en outre, une découverte mutuelle salutaire, comme le note Christine Prieto : «J’ai été assez étonnée de voir qu’à l’UPC, les enseignants ont toujours travaillé selon la méthode de la critique historique, mais qu’ils ne faisaient pas d’analyse narrative ; j’ai donc particulièrement mis l’accent dessus. Pour les étudiants, c’était une nouveauté, ils ont beaucoup apprécié. Ils étaient très attentifs, ils avaient plein de questions à poser… Du coup, le doyen de la Faculté m’a suggéré de revenir l’année prochaine, même si l’UPC réussit à trouver un nouveau professeur d’ici là.»


Vue du campus de l’UPC © Christine Prieto pour Défap

L’UPC fait partie des cinq universités protestantes avec lesquelles le Défap est en lien en RDC. Il y a encore l’Université Évangélique en Afrique – UEA (à Bukavu); les deux sites de l’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu); et l’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga). Toutes sont membres du RUPA (le Réseau des Universités Protestantes d’Afrique), garant d’un bon niveau académique, et toutes disposent d’une faculté de théologie. Dans un pays aussi vaste que la RDC et où le fait religieux est aussi prégnant, ces universités présentent des promotions impressionnantes : car derrière l’UPC, l’UEA revendique tout de même 3225 étudiants pour dont 686 en théologie ; et encore 3000 étudiants pour l’ULPGL à Goma, dont 380 en théologie… Au sein de ces facultés se rencontrent des élèves issus de communautés ecclésiales différentes, entretenant ainsi le dialogue œcuménique. Parmi leurs responsables figurent souvent d’anciens boursiers du Défap. Les relations avec la France se concrétisent aussi à travers des échanges de professeurs. En outre, le Défap reçoit des étudiants boursiers et des professeurs en congé de recherche.

Dans le cadre de ces relations, Christine Prieto avait déjà eu l’occasion de se rendre à l’UPRECO, au cœur d’une province enclavée et oubliée par le pouvoir central, au centre de la République démocratique du Congo. Sa présence à Kinshasa en ce mois d’avril 2018 marquait un renouveau des relations du Défap avec la RDC et tout particulièrement avec l’Église du Christ au Congo (ECC). À la fois Église et fédération, l’ECC rassemble 95 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de «communautés» plutôt que «d’Églises» au sein de l’ECC), dont 70 sont présentes dans la seule ville de Kinshasa. Son président actuel, le pasteur Bokundoa, élu en août 2017, a décidé de rompre avec une attitude de trop grande proximité avec un pouvoir autoritaire, caractéristique jusqu’alors de l’EEC ; ce qui a valu dès lors à l’ECC des tensions croissantes avec le régime de Joseph Kabila, à l’instar de diverses autres Églises déjà soumises à forte pression, mais aussi des marques appuyées de soutien de la part du protestantisme français.




RD Congo : l’appel du pasteur Bokundoa à «nos frères et sœurs protestants»

Le pasteur André Bokundoa, président de l’ECC, en visite au Défap © Défap

Depuis 1997, la République Démocratique du Congo est dirigée par un Kabila : il y eut d’abord Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu ; puis, après son assassinat en 2001, son fils, Joseph Kabila. Il est toujours à la tête du pays, mais depuis fin 2016, et depuis la fin de son deuxième et théoriquement dernier mandat présidentiel, il a épuisé toutes les formes légales qui lui permettaient de se maintenir au pouvoir. Il gouverne donc sans mandat ; l’opposition politique, divisée depuis la mort en Belgique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, ne semble pas en mesure de le contrer efficacement, ni de résister à une répression qui s’avère violente. Dans ce pays divisé, en proie à des guerres civiles larvées, qui figure parmi les plus pauvres du monde (le taux de pauvreté y est de 64%), c’est l’Église catholique, seule institution ayant la légitimité suffisante auprès de la population, qui après avoir joué un rôle de médiateur entre le régime et les opposants, a fini par prendre la tête de la contestation. Quant aux protestants, Joseph Kabila s’était acquis leur soutien tacite… jusqu’à l’arrivée du pasteur André Bokundoa à la présidence de l’Église du Christ au Congo (ECC), fédération qui regroupe à elle seule 95 communautés ecclésiales à travers le pays. Depuis lors, les relations se sont tendues avec le pouvoir et l’ECC à son tour est menacée par la répression.

En visite au mois de février en République Démocratique du Congo, le pasteur Jean-Luc Blanc, du service des Relations et Solidarités Internationales au Défap, avait eu l’occasion de participer à une réunion de la 53ème session ordinaire du Comité exécutif national de l’ECC et de transmettre un message de soutien voté lors de l’Assemblée Générale de la Fédération Protestante de France (FPF). En ce mois de mars, c’est le pasteur Bokundoa qui est, à son tour, l’invité des protestants de France. Il a notamment rencontré le président de la FPF, le pasteur François Clavairoly, et participé à une réunion de travail rue de Clichy ; il a également été l’invité du Défap, boulevard Arago. Deux visites que Jean-Luc Blanc voit comme complémentaires : «En ce qui concerne les projets d’avenir et nos relations, ils ont surtout été abordés à la Fédération, en allant dans deux directions : plaidoyer en direction des autorités françaises et organisation d’une plateforme RDC sous l’égide de la Fédération. La visite au Défap a davantage permis de parler de la Mission et d’expliquer le rôle du Défap.» À l’occasion de cette visite au 102 boulevard Arago, André Bokundoa a accepté de répondre à quelques questions sur la situation de l’ECC, et a demandé aux protestants de France «une parole publique» de soutien face aux pressions politiques. Il a également transmis le texte de la Déclaration du comité exécutif national de l’Église du Christ au Congo, qui interpelle directement le régime du président Kabila (à retrouver ici).

 

Pour aller plus loin :

Quelle est la situation politique actuelle en République Démocratique du Congo ?

Pasteur André Bokundoa : Nous sommes dans la fièvre et l’ébullition. La dernière élection présidentielle dans notre pays aurait dû être organisée en 2016 ; elle n’a toujours pas eu lieu. Tous à présent, nous attendons cette échéance électorale, car nous avons besoin d’alternance au pays. Nous voulons croire que le 23 décembre 2018, nous aurons bien les élections présidentielle, législatives, provinciales et locales qui nous ont été annoncées pour cette date, et que nous espérons démocratiques et transparentes.

Quelle est la position de l’Église du Christ au Congo ?

La position de l’Église du Christ au Congo, c’est de rester une Église prophétique – dénoncer le mal, encourager le bien. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. On a longtemps accusé l’Église du Christ au Congo d’être proche du pouvoir; mais nous voulons nous démarquer de cette image.

Ce qui n’est pas une position facile à tenir, si l’on en juge par la situation du pasteur Ekofo

Certes, ce n’est pas une position facile ; pourtant nous devons nous y tenir, si nous voulons qu’il y ait un vrai changement. Mais actuellement, c’est plutôt le statu quo : nous attendons l’Assemblée qui doit déterminer la répartition des sièges au niveau national; et nous attendons aussi que la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante de la RD. Congo) puisse nous confirmer la tenue effective des prochaines élections. Sinon, nous lui retirerons notre confiance.

Qu’attendez-vous de vos relations avec les protestants de France ?

Nous attendons de vous, d’abord vos prières ; ensuite, une parole publique, qui montre que vous nous soutenez. De manière à ce que les autorités de notre pays sachent que les protestants de France et d’ailleurs soutiennent ceux du Congo. Car parfois, nous nous considérons un peu comme des abandonnés, des orphelins… Lorsque nos amis catholiques organisent des manifestations, ils savent qu’ils ont le Vatican derrière eux. Nous, nous n’avons pas le Vatican; mais nous avons nos frères et sœurs protestants partout dans le monde qui peuvent nous soutenir par leurs déclarations.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez




RDC : déclaration de l’Église du Christ au Congo

DECLARATION DU COMITE EXECUTIF NATIONAL DE L’EGLISE DU CHRIST AU CONGO
TENU A KINSHASA DU 19 AU 22 FEVRIER 2018

 

Visite de la délégation de l’ECC au Défap © Défap

Peuple de Dieu,

Nous, Membres du Comité Exécutif National de l’Église du Christ au Congo, réunis en 53ème Session ordinaire, conformément en l’article 17 de la Constitution de l’ECC, du lundi 19 à jeudi 22 Février 2018, au Centre d’accueil Mgr Dr Shaumba à KINSHASA/GOMBE, sous le thème « Faisons de la RDC le principal sujet de notre joie » tiré de Psaumes 137, verset 6b, pour examiner la marche de notre Église et la situation sociopolitique de notre pays ;

Conscients de la mission nous confiée par le Seigneur Jésus Christ, de cultiver et de protéger la création dont la RDC ;

Vu l’identité protestante en cette 501ème année de la célébration de la réforme protestante qui consiste en la piété, l’équité, le travail et la charité ;

Conscients de notre mission de produire les justes conformément aux Proverbes 29 :2a: « Quand les justes sont nombreux, le peuple est dans la joie » et aux Proverbes 14 :34a : « La justice élève une nation » ;

Déterminés à promouvoir le rêve collectif congolais qui vise le vivre ensemble heureux ;

Considérant la situation sociopolitique qui prévaut actuellement dans notre pays, la République Démocratique du Congo ;

Par ces motifs,

Devant la nation et l’histoire ;

Rappelons les faits ci-après conformément à notre déclaration du 23 novembre 2017 :

1. Sur le plan sécuritaire :

L’Église du Christ au Congo continue à déplorer la persistance des violences et de l’insécurité dans certaines villes et quelques villages de la RDC, qui risquent de compromettre le processus électoral en cours.

2. Sur le plan socioéconomique :

Le peuple Congolais continue à croupir dans la misère et la précarité qui s’empirent de jour en jour.

3. Sur le plan politique :

Pour aller plus loin :

Étant témoins de manifestations organisées par nos compatriotes pour réclamer l’application intégrale de l’accord de la Saint Sylvestre du 31 Décembre 2016, nous avons observé les cas de violence et de pertes en vies humaines. La liberté de manifestation étant garantie, sur pied de l’article 26 alinéas 1 de la constitution de notre pays, l’Église du Christ au Congo déplore d’une part le non-respect des procédures légales dans l’organisation des dites manifestations et d’autre part, la répression disproportionnée des forces de sécurité. En sus, nous constatons la persistance de l’absence de la loi organique, prévue par l’article 26 alinéas 4 de la Constitution, qui fixerait les mesures d’application.

Par ailleurs, nous constatons la confusion dans la gestion des Institutions politiques actuelles de notre pays causée par l’existence de deux textes légaux à savoir la Constitution et l’Accord politique de la Saint-Sylvestre.

Par conséquent,

Devant Dieu et devant l’histoire, l’Église du Christ au Congo formule les recommandations suivantes pour faire de la RDC le principal sujet de notre joie :

1. A LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE.

– Assurer la sécurité des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire, veiller au respect du calendrier électoral s’impliquer personnellement pour faire respecter intégralement la constitution et l’accord de la Saint Sylvestre prêter une oreille attentive aux différentes revendications des acteurs politiques en vue de baliser la voie pour des élections apaisées.

2. AU PARLEMENT.

– Voter dans un plus bref délai, la loi organique portant fixation des mesures d’application des manifestations publiques.
– Voter toutes les lois justes et nécessaires pour l’organisation des élections, en l’occurrence, la loi sur la répartition des sièges.

Philippe Kabongo, le professeur Honoré Muenyi Kamuinga, et André Bokundoa, président de l’ECC, au Zénith pour le grand culte de Protestants en Fête à Strasbourg © Freddy Mulongo

3. AU GOUVERNEMENT.

– Honorer les engagements relatifs au financement de la CENI pour l’organisation des élections prévues au 23 décembre 2018,
– Poursuivre la libération des prisonniers politiques et la résolution effective des cas emblématiques pour la décrispation politique de notre Pays,
– Réajuster et payer les salaires des fonctionnaires au taux budgétaire

4. AU POUVOIR JUDICIAIRE.

– Mettre fin à des procès qui dévalorisent la dignité humaine,
– Arrêter d’instrumentaliser la justice pour des fins politiques,
– Subordonner l’appareil judiciaire aux règles de droits nationaux et internationaux,

5. AUX SERVICES DE SECURITE.

– Mettre fin à la désacralisation des lieux de culte,
– Cesser de se substituer en appareil judiciaire dans la procédure d’interpellation,
– Respecter les limites de leur compétence dans l’exercice de leurs fonctions,

6. A LA COMMISSION ELECTORALE NATIONALE INDEPENDANTE.

– Tenir à la vérité et la transparence soutenues publiquement,
– Informer régulièrement l’opinion de l’évolution du processus,
– Encourager la CENI à mettre tout en oeuvre pour que les élections aient lieu le 23 décembre 2018,

7. AUX ACTEURS POLITIQUES.

– Faire preuve de la responsabilité citoyenne – S’engager à l’éducation civique et électorale de leurs membres – S’impliquer de bonne foi dans le processus électoral

8. A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.

– Jouer franc jeu dans l’accompagnement du processus électoral et le développement intégral de la RDC

9. AUX CONFESSIONS RELIGIEUSES.

– Favoriser le cadre de dialogue interconfessionnel sincère en vue de réaliser le rêve collectif Congolais ;
– Encourager les confessions religieuses d’assurer leur rôle prophétique

AG de la FPF, fin janvier © Fédération protestante de France

10. AUX MEDIAS.

– Vérifier les informations avant de les publier,
– Rester professionnels et faire preuve d’éthique de responsabilité

11.AU PEUPLE CONGOLAIS.

– S’exercer à la construction de la conscience collective pour faire de la RDC le principal sujet de notre joie,

12. AUX CHRETIENS PROTESTANTS.

  • Aux fidèles :

– Se mobiliser pour les élections du 23 décembre 2018,
– Manifester les ambitions politiques en vue de bénéficier du soutien de l’Église

  • Aux Clergés :

– Encourager, soutenir et accompagner les fidèles qui ont des ambitions politiques,
– Organiser les formations sur l’éducation civique et électorale;
– Continuer à prier pour la paix dans notre pays

Confiante de voir toutes les promesses de Dieu sur la RDC s’accomplir les unes après les autres, l’Église du Christ au Congo encourage les différents acteurs sociopolitiques, chacun en ce qui le concerne, de ménager aucun effort en vue de trouver une issue favorable au processus électoral sus-évoqué. C’est de cette manière que nous pouvons faire de la RDC le principal sujet de notre joie.

Que l’Éternel Dieu bénisse la RDC,
Que l’Eternel Dieu bénisse le peuple Congolais,
Que l’Eternel Dieu bénisse l’ECC !

Fait à Kinshasa, le 22 Février 2018.

 

Pour le Comité Exécutif National de l’ECC

Mgr Gabriel UNDA YEMBA
Modérateur du Synode National
Rév. Dr André BOKONDOA Bo-LIKABE
Président National et Représentant Légal