A la recherche du temple promis

Le pasteur Pierre Lacoste et sa femme Christine sont les envoyés du Défap et des Eglises protestantes de France à Beyrouth. Le culte du 25 juin s’est déroulé sur la montagne, une journée intense sous les pins du Mont Liban que nous raconte Christine.

Depuis trois ans notre Eglise attend patiemment son « temple promis », vivant il est vrai un confortable exil au Collège Protestant. Chaque année nous organisons une excursion à la montagne. Temps privilégié du partage de la joie d’être ensemble, de la communion fraternelle et des repas exotiques ou locaux préparés par chacun. Cette année nous avons eu la joie et la surprise d’accueillir une groupe d’amis libanais ayant répondu aux invitations des fidèles.
Ce 25 juin, la fête était double puisque le jour de l’excursion correspondait à la fête d’indépendance de Madagascar.
C’est donc 150 personnes réparties en trois bus et quelques voitures qui ont quitté Beyrouth sous une chaleur accablante. Notre petite caravane s’est arrêtée dans la région du Metn, au bout d’une une petite vallée bien exposée à la fraîcheur, dans un lieu à l’enseigne attirante : « Moussa (Moïse) Pique-Nique », le patron du lieu, à défaut d’un prophète !  Au cœur d’une végétation préservée, entouré de l’air pur des montagnes, dans un silence troublé seulement par le crissement des cigales, notre destination nous est apparue comme un havre de paix. Très vite le culte entonnait ses premiers cantiques, notre louange montait vers Dieu, portée par une chorale malgache toute bariolée des couleurs nationales.


La chorale malgache – Photo : Christine Lacoste

Pierre a médité avec nous le passage de Matthieu 10 v 34 :  » Je ne suis pas venu porter la paix mais l’épéee », l’épée désignant dans ce passage la puissance de la Parole et de l’Esprit, nous équipant pour un travail de séparations salutaires, celui des relations fusionnelles et totalitaires qu’elles soient affectives, familiales, nationales, culturelles ou cultuelles, nous libérant de ce qui nous attache, nous enferme, pour nous rendre UN, c’est-à-dire autonomes et vrais dans notre relation à Dieu et aux autres.
N’est-ce pas ce que s’efforce de vivre notre petite communauté mosaïque. Que nous venions du Liban, de Madagascar, d’Afrique ou de France, que notre origine ecclésiale soit protestante, catholique, maronite ou orthodoxe, nous nous rassemblons un à un chaque Dimanche pour écouter la Parole de Dieu et faire Eglise ensemble. C’était particulièrement visible en ce beau dimanche de fête. Et si nous étions déjà « le temple promis » ?

 

 

 




Rencontre au Défap avec Hadi Ghantous, pasteur syrien au Liban

Originaire de Damas, Hadi Ghantous est pasteur de la paroisse presbytérienne de Miniara au nord du Liban, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Il est également en charge des questions spirituelles et ecclésiales du Synode Arabe (National Evangelical Synod of Syria and Lebanon). Cette Eglise est présente en Syrie et au Liban. Témoin et acteur de premier plan, il est venu en France à l’invitation de l’Action Chrétienne en Orient (ACO), pour parler de la crise en Syrie. Nous l’avons interviewé à l’occasion de cette visite.

D : Pouvez-vous nous parler de votre engagement ?
Je suis né à Damas puis j’ai fait mes études au Liban et mon doctorat de théologie, à Berne. Je suis ensuite reparti au Liban où je suis en charge d’une paroisse située au Nord-Est du pays, à 15 km de la frontière avec la Syrie.
Aujourd’hui, je suis également responsable des questions spirituelles et ecclésiales du Synode Arabe ce qui m’amène à visiter les églises syriennes et libanaises une fois par mois, parfois dans des conditions difficiles. Il m’est notamment arrivé de me rendre dans une paroisse située à 1km du check point avec Daesh.

Le président du Défap Joël Dautheville, le directeur de l’ACO Thomas Wild et Hadi Ghantous

D : quelles sont les nouvelles de l’Eglise en Syrie ?
Les pasteurs syriens sont confrontés à des difficultés nouvelles : lever des fonds, trouver des lieux d’habitation, gérer des problèmes psychologiques, faire face aux pressions politiques, s’occuper d’églises dont les pasteurs sont partis mais aussi aider leur propre famille.
Le rôle de pasteur au Liban est difficile lui aussi.
Ma paroisse est située dans la partie la plus pauvre du Liban. Ici vivaient 300 000 personnes. Aujourd’hui, il y a, en plus, 300 000 réfugiés. Cela pose des problèmes économiques, de réconciliation (89 % des réfugiés sont des musulmans sunnites), des problèmes pour faire unité entre les Eglises…

D : quelle est votre mission en tant que responsable des questions spirituelles et ecclésiales du Synode Arabe ?
Le Comité des questions ecclésiales pour le synode arabe prend en charge aujourd’hui des questions liées à la santé (des enfants, des femmes), au financement… L’Eglise, si elle ne fait pas partie du conflit, en subit les conséquences.
Elle fait face à de nombreuses questions :
• Pourquoi on reste ?
• Quel rôle doit-on jouer ?
• Quelle identité a-t-on ?
C’est un nouveau challenge de construire un pont entre les gens !

D : pouvez-vous nous raconter ce que vous vivez au quotidien dans votre paroisse ?
Avec le conflit, la province qui était la plus pauvre s’est encore appauvrie. Principalement peuplée de Sunnites, elle accueille en priorité des réfugiés sunnites qui ont eux aussi de faibles revenus. La pauvreté s’ajoute à la pauvreté.
Pour aider les populations, nous avons mené un certain nombre d’actions :  mise en place d’une ne école pour les enfants syriens réfugiés et d’une clinique pour musulmans et chrétiens, réalisation de plusieurs collectes de vêtements pour les réfugiés (70 sacs de vêtements) et d’une collecte de fonds Jamais le montant collecté n’avait été aussi important !

D : Quelles sont vos principales difficultés au niveau de l’Eglise ?
Avec le conflit, nous avons « perdu » des gens qui sont partis à l’étranger, d’autres se sont déplacés. Nous devons redessiner les contours des paroisses : à cause des destructions d’églises (dans certains lieux, c’est la troisième fois que l’église est détruite), de la baisse du nombre de personnes en Syrie et au contraire, du développement ou de la création de nouvelles églises avec l’afflux de réfugiés au Liban.

D : Quels sont vos principaux enjeux ?
Ils sont multiples et d’ordres différents. Tout d’abord financiers car nous devons trouver des partenaires pour faire face aux besoins des réfugiés. Mais aussi humains, il nous faut répondre aux nouveaux besoins des gens, et religieux car nous avons à associer l’Eglise syrienne, à accueillir et intégrer les musulmans. Un enjeu international également : nous voulons faire entendre la voix de l’Eglise, ne pas être un pion dans une stratégie décidée par d’autres.
Sur ce dernier plan, je crois que nous avons un rôle à jouer dans la résolution du conflit : refuser la violence, négocier, parler, risquer, travailler avec toutes les Eglises.

D Comment financez-vous vos actions ?
Nous sommes soutenus par différentes personnes :
• nos partenaires en Occident = Eglises protestantes en Europe et aux US, ONG comme ACO
• les gens des Eglises locales
• la congrégation elle-même
Ma position, c’est de dire que l’argent est fait pour être utilisé ici et maintenant. Il ne doit pas être mis de côté pour le futur.

D : Comment voyez-vous l’évolution du conflit en Syrie et dans cette région ?
Tout le monde a intérêt à ce que la guerre en Syrie dure très longtemps. Pour les grandes puissances, c’est l’assurance de vendre des armes et de participer aux nombreux programmes de reconstruction à venir. Les pays de la région, Iran, Turquie et Israël, y ont aussi tout intérêt.
Cette guerre sera longue. Le régime de Bachar El Assad ne va pas disparaitre. Que faire avec Daesh ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura moins de chrétiens en Orient après cette guerre.
C’est une région instable mais il y a un espoir : que l’Eglise devienne prophétique, plus active, capable de dire plus haut et plus fort ce en quoi elle croit.
L’espoir aussi qu’après cette période de grande violence, qui me fait penser à la période de l’Inquisition, naisse un Islam réformé.




SOS enfants syriens au Liban ! Ils ont besoin de nous

Le Liban est, depuis le début de la guerre en Syrie il y a cinq ans déjà, une terre d’accueil pour de très nombreuses familles syriennes qui ont fui leur pays. Des enfants de tous âges se retrouvent ainsi déracinés. Ils ont besoin d’être pris en charge physiquement et psychologiquement. Le Défap a été informé d’une mission à l’initiative de Christine et Pierre Lacoste, envoyés au Liban*, à travers le projet « Parrainer un enfant syrien ». Explication.

© Amel Association

Comment est né votre projet « Parrainer un enfant syrien » ?

A notre arrivée à Beyrouth en 2013, nous avons dû affronter la réalité bouleversante des réfugiés présents à tous les coins de rue : il nous fallait trouver un moyen de les aider. Découvrant un nouveau pays, ne connaissant pas la langue, nous nous sentions démunis. Nous avons rapidement été mis en contact avec l’association Amel et son président, le Dr Kamel Mohana. ONG très connue au Liban, Amel est une association apolitique et laïque se préoccupant d’aider chaque être humain placé sur son chemin, quelle que soit son origine. Nous leur avons présenté notre volonté de solliciter notre réseau français pour contribuer à l’éducation de ces enfants déplacés mais représentant l’avenir de la Syrie. Le projet « Parrainer un enfant syrien » est né.

 

Comment vous êtes-vous investis dans ce projet ?

Nous le construisons avec l’équipe d’Amel au travers de nos rencontres régulières et nos visites aux enfants. Nous servons d’interface entre les différents partenaires : Amel, la Fondation du protestantisme, les parrains et bien sûr les enfants. Nous nous chargeons de donner régulièrement aux parrains des nouvelles des enfants.

Depuis son lancement, combien d’enfants ont été parrainés ?

Trente enfants ont été pris en charge en 2014-2015, 180 pour 2016-2017. Nous sommes reconnaissants pour le nombre croissant d’enfants mais aussi pour la diversité des parrains. Membres d’une communauté monastique, d’une Église luthérienne, de l’EPUDF, d’une Église évangélique libre, d’une mosquée, ou encore catholique ou sans affichage religieux particulier, tous sont convaincus de l’urgence à faciliter l’accès à l’éducation de ces enfants.

Quel est le bilan pour les années 2015-2016 ?

Un bilan très positif. Les enfants ont été assidus, une relation de confiance s’est tissée entre eux, les éducateurs et les familles. La psychologue a rencontré régulièrement les enfants en groupe mais aussi, individuellement. A chacune de nos visites, nous avons été émus par la tranquillité et la joie émanant des classes. Nous avons été confortés dans notre conviction.

 

Qu’attendez-vous pour cette nouvelle année 2016-2017 ?

Notre objectif est d’atteindre le chiffre de 400 enfants… Amel a pris des dispositions. Les locaux sont prêts à fonctionner. Les éducateurs sont motivés. Une psychologue supplémentaire a été recrutée.

Quel est l’objectif de ce parrainage ? Qui intervient sur place auprès des enfants ?

L’Etat libanais ne peut scolariser que 250 000 enfants sur les 400 000 déplacés au Liban. C’est déjà un énorme effort consenti par ce petit Etat fragilisé par une crise politique, économique et internationale.  Les élèves syriens, souvent déscolarisés depuis plusieurs années, rencontrent de grosses difficultés liées à la différence de programmes, notamment en anglais. Pour un enfant déplacé par la guerre, le passé est traumatisant, le présent est fait d’insécurité permanente et le futur est incertain. Un socle bien trop fragile pour développer des capacités cognitives et personnelles permettant de se projeter dans l’avenir. Le parrainage propose des activités psycho-sociales, un soutien scolaire, des cours d’anglais, des séances d’information sur « les droits de l’enfant » mais aussi des activités manuelles et culinaires, des moments de jeux. Toutes ces activités, nous l’espérons, contribueront à étayer la personnalité des enfants, leur permettant de croire en leur avenir. Nous avons demandé à chacun d’entre eux de dessiner leur futur métier. La majorité se voit médecin, ingénieur ou professeur. Mes « préférées » sont Rahaf et Sarah, deux petites filles vivant dans un squat minable en pleine banlieue sud de Beyrouth, qui se voient professeur d’art…

* Cette opération est une initiative personnelle de Chistine et Pierre Lacoste, envoyés du Défap à Beyrouth. Le Service protestant de mission – Défap n’y est pas directement associé, tout en y étant sensible, raison pour laquelle son site internet relaie l’information.

Parrainez, vous aussi, un enfant syrien du Liban !

C’est simple :
1. Adressez un mail d’engagement à Christine Lacoste (christinelacoste064@gmail.com)
2. Libellez un chèque de 300 euros* à l’ordre de la Fondation du Protestantisme
3. Envoyez-le à la Fondation du Protestantisme (47 rue de Clichy – 75311 Paris cedex 09) portant au dos la mention « Parrainage Amel ».
4. Vous recevrez un reçu fiscal du montant de votre chèque.

*Vous pouvez décider de n’envoyer qu’une partie de la somme

 

 


© Amel Association




Des Gospels à Beyrouth

Le 2 octobre dernier, l’Eglise protestante française de Beyrouth célébrait son culte à 1100 mètres d’altitude devant une centaine de personnes. Pierre Lacoste, le pasteur de « la Communauté des Hauts de la Colline » revient sur ce jour si particulier.

 

« L’Eglise protestante française de Beyrouth est encore entre ciel et terre ce matin. Les célébrations en altitude sont connues pour transfigurer la face des hommes et du monde ! La communauté s’est en effet déplacée ce dimanche 2 octobre à Dhour Chouwer dans le Mont Liban pour un culte et une journée de détente en pleine nature.

Certains désistements de dernière minute n’ont pas empêché de réunir près d’une centaine de personnes. Pour l’Eglise et son pasteur, ces femmes travailleuses domestiques au Liban représentent une mission dans la mission.


Culte à Dhour Chouwer, octobre 2016, DR

 

Principalement malgaches, protestantes, ces femmes vivent dans des conditions proches de l’esclavage. Les maisons qu’elles astiquent à longueur de jour sont leurs champs de coton. Six jours sur sept (pour celles qui bénéficient de ce jour off), elles sont corvéables à merci pour un salaire minable. Le comble du cynisme est que ces esclaves des temps modernes sont consentantes. La misère produit ce genre d’effets pervers. Les cantiques qu’elles font monter vers Dieu dans leur langue maternelle avec une ferveur qui ne peut laisser personne indifférent sont leur gospel.
Si ces excursions biannuelles remportent un vif succès, c’est parce qu’elles offrent la possibilité de retrouvailles dominicales avec la dignité humaine. Tel est le message évangélique, il ne change pas nécessairement la condition humaine, il la transfigure, l’illuminant de grâce et d’espérance ».

 




Manifestation à Beyrouth pour les droits des employés de maison

Le pasteur Lacoste et son épouse Christine, envoyés du Défap au Liban, ont participé cette année encore à une manifestation en faveur des droits des employés de maison.

Dimanche 1er mai 2016, l’Eglise protestante française de Beyrouth fermait ses portes et se mobilisait, comme l’an passé pour participer à la manifestation solidaire des travailleuses domestiques au Liban.

 

Manifestation Liban mai 2016, DR

Manifestation du 1er mai 2016 [DR EPFB]

 

La raison de cette manifestation ? Des revendications sociales et humanitaires.

Pourquoi cette date ? C’est celle choisie depuis six ans par les ONG spécialisées dans l’aide aux employées de maison.

 

Le défilé était composé d’environ trois cent personnes, principalement des employés de maison demandant plus de droits. En effet, ceux-ci « ne sont pas soumis au code du travail mais au système “Kafala” qui ne leur garantit que très peu de droits. Corvéable toute la journée, un seul jour de congé le plus souvent optionnel, passeports retirés, leur vie pendant les trois années que dure le contrat est entièrement soumise à l’arbitraire de leurs patrons », explique Christine Lacoste.

 

L’Eglise protestante française de Beyrouth est composée d’employés de maison malgaches, à 80%. Ils sont présents au culte le dimanche quand leurs employeurs le permettent.

 

« Leurs sourires, leurs chants empreints de joie réchauffent notre culte. “Ne soyez pas tristes! La joie qui vient du SEIGNEUR, voilà votre force!” (Néhémie 8 v 10) : Voilà l’appel que m’adressent mes sœurs malgaches », conclut Christine Lacoste.

 

Source : site de l’EPFB