Congo : un référendum « à la soviétique »…

 

Après les violentes manifestations de la semaine précédente, qui ont fait quatre morts et une dizaine de blessés, le jour du référendum était appréhendé avec crainte tant par la population que par… les forces de l’ordre, finalement peu sûres de n’être pas débordées. Mais toutes les opérations de vote se sont déroulées dans le calme. Rendu public au matin du 27 octobre par le gouvernement, le résultat serait « oui » à la nouvelle constitution à 92,2 %, avec un taux de participation de l’ordre de 72 %. Des scores… soviétiques.

 

A Dolisie, ville au Sud-Ouest de la République du Congo DR (Source : Momo-fait-de-la-photo)

 

Tous les leaders de l’opposition ont protesté, tant contre les conditions dans lesquelles se sont déroulés les scrutins que contre l’absence de toute commission électorale indépendante, voire même de simples observateurs tandis qu’eux-mêmes étaient menacés, placés sous surveillance ou assignés à résidence. Certains, comme Clément Mierassa, du Parti social-démocrate congolais (PSDC), ont parlé de fraudes et de « tripatouillages », ce qui est loin d’être une première.

 

En l’absence de contrôle indépendant, les journalistes locaux ont fait office de témoins. Selon les articles parus dans la presse, dans les quartiers nord de Brazzaville, réputés proches du pouvoir, la participation, timide le matin, a finalement été relativement importante, avec de petites files d’attente. En  revanche dans les zones sud, acquises à l’opposition, les bureaux de vote sont restés déserts.

 

Comment expliquer cette désaffection ? Un certain nombre de citoyens n’avaient pas reçu leur carte d’électeur, ce qui n’est nullement étonnant vu que ce référendum avait été décidé un peu à la va-vite. Le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Zéphirin Mboulou, a reconnu que dans cinq des sous-préfectures  situées dans le sud du pays, le vote n’avait pas pu avoir lieu, pour « diverses raisons », ce qui relève du même flou entourant ce scrutin précipité.

 

Ensuite, les deux plateformes de l’opposition, unies dans un même rejet de la proposition du président de la république, Denis Sassou Nguesso, avaient appelé au boycottage des urnes. Enfin, les violences et les barrages filtrants, par exemple dans les quartiers de Bacongo et de Makélékélé, avaient fait fuir les habitants en situation précaire et la plupart n’étaient pas rentrés chez eux dimanche.

 

Le Défap a actuellement deux jeunes envoyées qui résident dans le quartier de Makélékélé. Durant les jours de troubles, elles ont fidèlement obéi aux consignes de sécurité de l’ambassade de France et sont restées chez elles. Ce sont les responsables de l’Église qui, mieux rompus aux débordements populaires, venaient chaque jour leur rendre visite et leur apporter du ravitaillement.

 

Conséquence de toute cette opération : la nouvelle constitution comporte désormais un article 65 qui stipule que le président est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable deux fois et l’article 66 ne fixe plus aucune limite d’âge pour se présenter à l’élection, hormis un plancher établi à 30 ans révolus. Nouvelle république signifiant remise à zéro du « compteur de mandats » pour le président sortant, Sassou Nguesso peut donc à nouveau briguer, en 2016, la magistrature suprême. Il sera alors âgé de 73 ans et pourra, sauf accident de l’histoire, rester en poste jusqu’en 2031, date anniversaire de ses 88 ans. Là non plus, ce ne sera même pas une « première » : le chef de l’État zimbabwéen, Robert Mugabe, réélu en 2013 à l’âge de 89 ans, poursuit actuellement, un peu à la va-comme-je-te-pousse mais toujours avec autorité, son sixième mandat… De toute évidence, Denis Sassou Nguesso n’a pas fini de faire parler de lui.

 

Valérie Thorin




Congo : l’impasse de la Constitution

 

N’est-il pas étrange ce pays où tout le monde – ou presque – s’attend désormais à ce que le président de la république se présente pour un troisième mandat, alors que la Constitution – sur laquelle tout le monde s’était accordé lors de son adoption – le lui interdit formellement ?

Au Congo Brazzaville, dans la sphère politique comme dans les médias, une idée fait son chemin : Denis Sassou Nguesso présentera sa candidature à sa propre succession en 2016. De nombreux hommes politiques s’insurgent pourtant contre ce projet – si c’en est vraiment un – y compris à l’intérieur du parti présidentiel, le Parti congolais du travail (PCT).

 

Denis Sassou Nguesso

Denis Sassou Nguesso (Source : Wikimedia Commons)

 

Des articles « intouchables »

Le fonds du problème se trouve précisément dans la Constitution elle-même. Ses auteurs ont voulu garantir le Congo contre toute mainmise personnelle sur les institutions, et en particulier sur la présidence de la république. Au sortir de la guerre civile, l’exigence de démocratie était telle que des verrous ont été placés dans la loi fondamentale pour écarter du pouvoir nombre d’ambitieux ou pour éviter, comme au Gabon voisin, que quiconque s’attarde au sommet de l’État plus que de raison.

L’article 57 qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels qu’il est possible d’exercer successivement ; et l’article 58 qui déclare forclos tout candidat âgé de plus de 70 ans, ne sont pas susceptibles d’être réformés, comme le précise clairement l’article 185 : « La forme républicaine, le caractère laïc de l’État, le nombre de mandats du Président de la République ainsi que les droits énoncés aux titres I [De l’État et de la souveraineté, ndla] et II [Des droits et des libertés fondamentaux, ndla] ne peuvent faire l’objet de révision. » Un éventuel référendum portant sur une modification constitutionnelle des articles 57 ou 58 est donc tout bonnement impossible… selon la constitution elle-même.

 

Une nouvelle république ?

Il est donc inutile, comme certains opposants le font, de crier à l’abolition de la république : Denis Sassou Nguesso veut bien plutôt mettre en place une nouvelle république en faisant accepter aux Congolais une nouvelle constitution.

La manœuvre est habile et elle a déjà fait ses preuves dans d’autres pays : même si cette nouvelle Loi fondamentale prévoit, comme celle actuellement en vigueur, que le nombre des mandats successifs est limité à deux, et que l’article les concernant n’est pas réformable, le président sortant pourra se représenter puisqu’il s’agira d’une nouvelle république, ce qui remet « les compteurs à zéro ». Les mandats déjà effectués ne seront pas comptabilisés et Sassou Nguesso pourra s’installer pour un nouveau – voire même deux – septennat.

 

S’opposer à cette manigance est loin d’être facile. Les opposants en appellent à l’Union africaine, à la Charte africaine mais également à la communauté internationale. Mais pour le moment, les pressions restent de pure forme et seul le président de la république est le maître du jeu.

 

Rappelons que le Défap est présent et actif au Congo. Deux envoyés de la nouvelle session ont été recrutés pour venir en aide à trois hôpitaux durant dix mois : travail avec les personnes souffrant du VIH-SIDA, information sur la nutrition infantile et sur l’hygiène hospitalière, appui à la santé communautaire.

 




Le Défap au Congo : projets en cours

Du 3 juin au 10 juin 2015, le pasteur Jean-Luc Blanc s’est rendu au Congo pour une mission de suivi de l’ensemble des projets du Défap dans ce pays. Retour sur les partenariats les plus importants.

Les centres de santé

 

L’enjeu est de finaliser la mise en place d’une formation de sensibilisation à la lutte contre le VIH SIDA pour les personnes travaillant dans tout le département de santé de l’Eglise. C’est un programme où le Défap est impliqué depuis le début, surtout par des formations pour des bénévoles, des pasteurs, et tous ceux qui font de la prévention et mettant en place des cellules d’écoute et d’accompagnement des malades atteints du VIH (dans chaque ville ou paroisse).

Le Défap a également pour projet de renvoyer des services civiques dans les centres de santé de l’Eglise Evangélique du Congo (il existe en tout seize centres). Il est prévu que deux services civiques travaillent dans trois centres de santé sur Brazzaville et Pointe Noire.

Une nouvelle formation en petits groupes verra le jour en novembre dans trois endroits (Brazzaville, Pointe Noire et Ngouedi), demandant ainsi moins de déplacements de la part des personnes formées. Elle sera assurée par les membres de l’organisme « Chrétiens et SIDA » et l’association « Signe-de-vie-Sida ».

 

Carte du Congo (Source : Google Maps)

 

L’Action évangélique pour la paix (AEP)

L’AEP, ou Action Evangélique pour la Paix, est une association liée à l’Eglise protestante mise en place avec le Défap et l’école de la paix de Grenoble. Cet organisme travaille sur la pédagogie de la paix et la promotion d’une culture de la paix dans les écoles et les Eglises. L’AEP est aussi membre du PCPA Congo, le programme concerté pluri-acteurs dont le Défap est également membre.
Le projet actuel, qui est aussi le dernier financé par le Défap, pose la question de la continuité : comment pouvons-nous pérenniser cette action au Congo alors que le financement touche à sa fin ? La recherche de nouveaux partenaires est donc indispensable.

 

Scolarisation des enfants sourds

Le projet de scolarisation des enfants sourds (mettre lien vers article) se poursuit. A partir de la rentrée, huit enseignants seront suffisamment formés pour prendre en charge une classe avec des enfants sourds. Toutefois, leur formation n’est pas encore achevée. Ils pourront commencer à mettre en place ce qu’ils ont appris, mais les enfants seront dans des classes spécialisées. Il faudra attendre encore un peu pour les voir dans des classes dites ‘classiques’.

Ecole de Owendo, Congo

 

La faculté de Théologie

Le Défap travaille également avec la faculté de théologie de Brazzaville.
Sur place, le but était de faire le point sur le partenariat entre cette faculté et celle de Strasbourg. Pour cela, le doyen de la théologie de Brazzaville est en ce moment en France, et, c’est en automne prochain que celui de Strasbourg ira à Brazzaville, pour qu’ils puissent ainsi finaliser leur partenariat.

 

En outre, deux sujets reviennent dans toutes les discussions : le premier concerne l’avenir du président de la république, Denis Sassou Nguesso. Va-t-il se maintenir au pouvoir, au moyen d’un changement de constitution ou y aura-t-il une alternance ? Le second sujet, lui, recouvre la question de la bénédiction des couples de même sexe débattue et autorisée lors du dernier synode de l’EPUdF.