Éduquer à la paix et au développement durable au Burundi
Une paix récente et fragile, une pauvreté endémique avec une partie de la population toujours menacée par la faim : autant de facteurs qui entretiennent les risques de résurgences de violences au Burundi. Comment aider à sortir de ce cycle où le dénuement et les antagonismes s’alimentent mutuellement ? En prenant en compte à la fois les deux aspects : les besoins matériels et la sensibilisation à une culture du vivre-ensemble. Tels sont les fondements du projet soutenu par le MIR France (Mouvement International de la Réconciliation), avec l’aide du Défap, à travers la ferme-école de Bujumbara.
Dans les projets qu’il co-construit avec ses partenaires, dans les liens entre Églises qu’il entretient, le Défap veut travailler à un équilibre qui restaure les personnes, les relations et les sociétés. Cet objectif fait partie des grandes lignes détaillées dans sa « feuille de route » : « Convictions et actions – 2021-2025 ».
Au Burundi, les guerres successives depuis 1962, date de l’indépendance du pays, ont terriblement fragilisé la société. Non seulement par les centaines de milliers de morts qu’elles ont provoquées, mais aussi en faisant voler en éclats le vivre-ensemble, en multipliant le nombre de veuves, orphelins, enfants de la rue et ex-enfants soldats, et en empêchant tout décollage économique du pays. Comme dans le Rwanda voisin, ces conflits ont éclaté à l’occasion de tensions inter-ethniques, entre Hutus et Tutsis. Les massacres de 1972 avaient fait près de 100.000 morts, ceux de 1988 20.000 morts ; la guerre civile de 1993, déclenchée à la suite de l’assassinat par des militaires du président Melchior Ndadaye et de six de ses ministres, a fait un nombre de morts encore difficile à évaluer, les estimations basses tablant sur 50.000 quand d’autres vont jusqu’à 300.000. Si l’accord de paix d’Arusha, signé fin août 2000 sous l’égide de Nelson Mandela, a permis d’éviter de nouveaux bains de sang, la paix reste fragile, émaillée de tentatives de putsch et de violences.
Des maux multiples et enchevêtrés
Paysans au Burundi © Asimbahwe Gratien and CubeMEDIA CM – Wikimedia Commons
Dans une société encore très rurale et dans un pays que les comparaisons de PIB classent comme le plus pauvre du monde, dans un État qui redoute toujours les explosions de violence, les plus fragiles parmi les fragiles, ce sont les femmes et les enfants. Les maux sont multiples et enchevêtrés : précarité matérielle (88% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour) et faible autonomie, rôle peu reconnu des femmes, difficulté à régler les conflits autrement que par la violence… Ce sont à tous ces maux que le MIR (Mouvement International de la Réconciliation) entend s’attaquer, à travers un projet soutenu par le Défap. Il s’agit d’une ferme-école, dans la banlieue de Bujumbara, la capitale, située sur les rives du lac Tanganyika. Elle vise, dans un premier temps, à permettre à ses élèves de devenir matériellement autonomes, à la fois sur le plan des cultures et sur le plan de la commercialisation de leurs produits ; et dans un second temps, à renforcer les solidarités et le dialogue.
Sur le plan pratique, il s’agit d’enseigner tout ce qui concerne le maraîchage, le petit élevage, l’apiculture, l’horticulture, l’agroforesterie ; d’enseigner, aussi, des techniques de protection des sols contre l’érosion, à la fois dans un souci d’efficacité sur le plan agricole, et de protection de l’environnement et des ressources. Au-delà de ces enseignements, il s’agit ensuite d’organiser les jeunes élèves en groupements d’exploitants agricoles financièrement autonomes, et capables de conserver, transformer et commercialiser eux-mêmes leurs produits. Et enfin, à travers cette amélioration de leur quotidien et ces solidarités concrètes, diffuser une culture du respect de l’autre, de la paix et de la non-violence.
Installations agricoles en bordure de la forêt © Jostemirongibiri – Wikimedia Commons
Le MIR, à l’origine de ce projet, se définit comme un mouvement non-violent inspiré de l’Évangile. Il travaille à l’élaboration et à la diffusion d’une théologie de la non-violence et entend lutter contre la guerre sous toutes ses formes. Il est membre de la Fédération protestante de France et préside la Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix. Ce projet de ferme-école, développé avec le Défap, est mené en partenariat avec l’Église baptiste de Bujumbara, et avec le soutien, en France, de la paroisse de Saint-Germain-en-Laye de l’Église Protestante Unie. Montant prévu du projet : 20.000 euros sur 3 ans. De quoi semer de belles graines d’unité.