Anatole au Caire : « J’ai retrouvé une ville à laquelle je me suis beaucoup attaché »
Anatole est volontaire au sein d’un foyer de jeunes filles défavorisées, dont il accompagne la scolarité. Un milieu très attachant, même si la mission est exigeante… et qu’il y fait l’expérience de toutes les failles du système d’enseignement égyptien. Il évoque aussi sa redécouverte du Caire, ville où il a déjà effectué une mission et où il a laissé des amis.
Anatole en juillet 2023 au Défap, pour la session de formation des envoyés © Défap
Pour replacer dans le contexte, je suis parti l’année dernière avec l’association L’Œuvre d’Orient au Caire pendant un an, afin d’effectuer un volontariat de solidarité internationale (VSI). J’ai commencé par être professeur de français au sein du collège De La Salle, mais la mission ne me plaisait pas et j’ai donc changé de mission dans un foyer de jeunes filles. L’expérience m’a beaucoup plu et j’ai décidé de continuer une année de plus, mais cette fois ci avec le Défap et l’ACO !
Cela fait donc maintenant un an et demi que je vis au Caire, et je suis arrivé pour cette nouvelle année le 30 août 2023.
J’ai retrouvé une ville à laquelle je me suis beaucoup attaché et lieu d’innombrables souvenirs d’une année 2023 déjà exceptionnelle. Après un été de retrouvailles avec mes amis et ma famille, le retour au Caire n’a pas été facile. Heureusement, j’ai retrouvé des volontaires de ma première année toujours présents sur place à mon arrivée, qui ont beaucoup facilité mon retour. J’étais plutôt inquiet au début mais dès mon premier jour au foyer, je me suis rappelé pourquoi j’avais décidé de rester un an de plus et pourquoi cette année allait être encore une fois extraordinaire.
Le système scolaire égyptien, tel que le découvre un volontaire venu de France
La totalité de ma mission se déroule au sein d’un foyer de jeunes filles de 4 à 18 ans, en situation familiale ou sociale difficile.
Le foyer accueille environ 80 filles, réparties équitablement dans des tranches d’âge différentes. À leur arrivée au foyer, les filles sont placées à l’école française de Saint-Vincent-de-Paul, toujours tenue par des sœurs de cette même communauté. En fonction de leur niveau et au fil des années, certaines restent jusqu’au bac dans cette école, mais d’autres poursuivent leur apprentissage en école gouvernementale.
En effet, en Égypte deux systèmes différents coexistent : le système gouvernemental et les écoles en langues étrangères, en français pour nos filles (il y a également les écoles internationales mais extrêmement chères).
Les écoles gouvernementales sont d’un niveau plutôt faible, les horaires de cours sont minimes et les devoirs ou examens quasiment donnés à l’avance. Les écoles françaises ont un meilleur niveau et permettent aux filles de sortir avec la possibilité de continuer des études dans des universités publiques égyptiennes, comme en faculté de littérature, d’économie ou encore de sciences politiques. Les plus douées parviennent même à effectuer des « doubles licences » avec des universités françaises, et même pour certaines à venir travailler en France, ou bien faire un échange en volontariat dans des communautés religieuses.
Le fonctionnement de ces écoles est assez particulier en Égypte. Les cours sont dispensés du lundi au jeudi, ainsi que le samedi, généralement de 8h à 14h, puis chacun rentre chez soi.
Cependant, il existe un accord tacite entre l’État et les professeurs, qui ne touchent pas plus de 3000 livres par mois (équivalent de moins de 100 €). En raison de leur faible salaire, les professeurs décident de ne donner qu’une partie des cours pendant les horaires de classe. Si l’élève souhaite avoir le reste des cours et pouvoir valider ses examens, il devra payer cher pour assister aux cours privés de l’après-midi, dispensés par ces mêmes professeurs dans leurs salles de classe respectives. En tant que Français, cette organisation nous paraît complètement anormale et frauduleuse, mais c’est bien ainsi que fonctionne le système éducatif en Égypte.
C’est pourquoi depuis maintenant des dizaines d’années, des volontaires français se succèdent au foyer, pour permettre aux filles d’avoir les connaissances et les explications nécessaires pour valider les examens tout au long de l’année.
Cette année, je suis accompagné par Brigitte, avec qui je partage mon quotidien au foyer, mais aussi en-dehors.
« Depuis l’année dernière, j’ai vu beaucoup de progrès… »
Brigitte s’occupe des classes de la petite section jusqu’au CM1 en français, écriture et lecture, et en maths ; et je m’occupe des filles de la sixième jusqu’à la terminale en français, maths, sciences et anglais. Chaque classe compte deux à six élèves, j’accompagne donc chaque semaine une vingtaine de filles. Il n’y a pas d’emploi du temps fixe, lorsque j’arrive l’après-midi, je demande aux filles lesquelles ont un examen ou bien des devoirs, et c’est moi qui choisis (en fonction de la matière, du niveau des filles, etc.). J’essaie d’avoir une répartition horaire assez équitable sur une semaine, mais je préfère une répartition juste, à savoir d’aider plus longtemps les filles qui sont le plus en difficulté.
Carte de l’Égypte © ministère des Affaires étrangeres
Depuis l’année dernière, j’ai vu beaucoup de progrès chez certaines filles, pas seulement sur le niveau niveau scolaire, mais aussi en maturité et en autonomie. Ce sont deux notions sur lesquelles j’essaie d’axer au maximum mon enseignement. Dans beaucoup de classes, certaines filles ont changé leur attitude et motivation au travail. C’est une satisfaction immense pour moi, cela veut dire que j’arrive à leur enseigner des notions, qu’elles s’y intéressent, ou au moins qu’elles comprennent que leur travail a un but.
Je suis satisfait des notes obtenues par mes élèves pour ce premier semestre mais des progrès restent à faire, cela prend du temps (et une énergie folle !).
Une des grandes difficultés auxquelles je fais face, est le flou laissé, de manière volontaire par les professeurs concernant les évaluations et leur contenu pour les élèves qui n’assistent pas aux cours privés. De plus, il arrive parfois que les filles reçoivent une quantité colossale de devoirs à 19h30 pour le lendemain, ou bien des informations cruciales pour l’examen qu’elles auront le lendemain.
« La tâche est plus difficile mais je m’y plais énormément »
Par rapport à l’année dernière, j’ai l’impression d’avoir beaucoup plus de travail et plus d’élèves. En effet, nous étions environ cinq volontaires à être chaque jour au foyer, ce qui permettait à chacun d’avoir des classes précises, dans des matières spécifiques et d’avoir alors un meilleur suivi des filles et plus de temps pour enseigner et expliquer des notions parfois beaucoup trop compliquées pour leur âge (comme l’introduction à la physique nucléaire en classe de seconde, et le tout en français !)
Cette année, nous sommes seulement deux. La tâche est donc plus difficile mais je m’y plais énormément. J’ai même trouvé certains bons côtés : je peux donner des cours à des niveaux beaucoup plus variés, ce qui rend le travail d’enseignement plus intéressant et cela me permet également de connaître beaucoup plus de filles et de me sentir plus intégré au foyer.
Une nouvelle volontaire arrive au mois de janvier ce qui devrait nous laisser un peu respirer avec Brigitte !