Haïti : l’espérance face au chaos
Après des semaines marquées par une violence croissante de la part des gangs, un conseil présidentiel de transition espère rétablir le calme en Haïti. Il doit nommer un nouveau Premier ministre par intérim et ouvrir la voie à des élections, ce qui serait une première depuis 2016. La crise humanitaire a explosé, avec plus de 15 000 personnes contraintes de quitter leur domicile à Port-au-Prince depuis fin février, rejoignant les plus de 300 000 personnes déplacées dans tout le pays ces dernières années.
Dans une rue de Port-au-Prince © Philippe Verseils pour DéfapC’est une scène devenue courante dans les rues de Port-au-Prince. Une scène de guerre : des centaines d’habitants en train de courir pour échapper aux combats. Ce lundi 18 mars, plus d’une quinzaine de personnes ont été abattues et Le Nouvelliste, quotidien haïtien référence, évoquait des attaques de gangs contre les quartiers de Laboule et Thomassin. Mardi, ce sont ceux de Diègue, Doco, Métivier, Pégu-Ville, qui ont été attaqués à leur tour. Beaucoup d’habitants se sont retrouvés assiégés chez eux, piégés par les échanges de tirs ; d’autres ont pu prendre la fuite et se réfugier sur des places publiques à Pétion-Ville.
Les gangs contrôlent désormais la quasi-totalité du territoire de la capitale haïtienne. Ils n’hésitent pas à s’en prendre à des institutions, des hôpitaux, des commissariats où les policiers restent terrés devant des forces supérieures en nombre et mieux armées. La crise humanitaire a explosé, avec plus de 15 000 personnes contraintes de quitter leur domicile à Port-au-Prince depuis fin février, rejoignant les plus de 300 000 personnes déplacées dans tout le pays ces dernières années. Les difficultés pour accéder aux biens de première nécessité, et notamment pour se nourrir, atteignent des niveaux critiques, et elles pourraient s’aggraver, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), qui estime que plus d’un million de personnes sont menacées par la famine. Dans les régions les plus pauvres, la nourriture et l’eau sont rares depuis des jours, tandis que les hôpitaux et les cliniques ont été contraints de fermer, alors même que le nombre de cas nécessitant des soins médicaux urgents augmente.
Vue d’un camp de déplacés à la frontière dominicaine © Philippe Verseils pour DéfapIl s’agit de la pire situation d’urgence humanitaire qu’ait connue Haïti depuis de nombreuses années. Pourtant, l’aide n’arrive qu’au compte-goutte. Entrer dans un pays en pleine guerre civile, dont le principal aéroport international et les points de passage terrestres restent fermés, présente d’énormes défis. À la frontière avec la République dominicaine se pressent d’énormes files de commerçants qui peuvent passer la journée dans le pays voisin pour acheter des produits de première nécessité. De nombreux déplacés s’y sont aussi regroupés dans des camps de fortune, sans pouvoir passer la frontière.
Vue d’un camp de déplacés à la frontière dominicaine © Philippe Verseils pour DéfapLa violence des groupes armés, qui gangrène Haïti depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, a atteint un niveau inédit le 29 février, lorsque le chef de gang Jimmy Chérizier a appelé d’autres gangs à unir leurs forces dans une coalition Viv Ansanm (Vivre ensemble) pour renverser le Premier ministre par intérim Ariel Henry. Alors que ce dernier était à l’étranger pour tenter de renforcer le leadership du Kenya dans la mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) autorisée par l’ONU, les gangs ont lancé des attaques coordonnées contre des bâtiments gouvernementaux et des infrastructures clés, attaquant l’aéroport et prenant le contrôle du port. Ils ont également libéré environ 4 000 détenus de deux prisons. Ariel Henry, qui reste bloqué à Porto Rico et ne peut pas rentrer en raison de la situation sécuritaire, s’est engagé à démissionner dès qu’un conseil présidentiel serait formé.
Vue de Port-au-Prince © Philippe Verseils pour DéfapCe conseil présidentiel de transition espère désormais rétablir le calme. Il est censé nommer un nouveau Premier ministre par intérim et ouvrir la voie à des élections, qui n’ont pas eu lieu depuis 2016. Face à l’opposition de la justice kenyane et de certains Haïtiens, le déploiement de la mission d’assistance à la sécurité autorisée par l’ONU reste incertain. Mais alors que les gangs menacent de s’emparer de la présidence, nombreux sont ceux qui estiment qu’il n’y a pas d’alternative.
Comment aider ?
Depuis longtemps, ce sont les Églises qui tentent de pallier les carences de l’État en matière d’action sociale, d’éducation, de protection de l’environnement : autant d’actions cruciales pour Haïti où la profonde crise que traverse le pays frappe d’autant plus durement les plus fragiles. Et c’est en soutenant les institutions liées à ces Églises qu’il est possible d’aider malgré tout. Elles-mêmes ne sont pas à l’abri des pénuries et de la violence, mais elles se consacrent avec dévouement à semer des graines d’espérance. Le soutien de partenaires étrangers est pour elles nécessaire. Ainsi, la Mission Biblique développe sur place des projets sociaux, d’enseignement et de santé en partenariat avec l’UEBH (l’Union Évangélique Baptiste d’Haïti). Avec le soutien du Défap, la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (la FEPH), à travers son réseau de 3000 écoles protestantes, revendique la scolarisation de 300.000 enfants – un enjeu majeur pour la formation des futurs citoyens, alors que du fait de la mauvaise qualité de l’enseignement public, l’analphabétisme concerne près de 4 Haïtiens sur 10.
La scolarisation des enfants se poursuit, dans des conditions précaires © FEPH pour DéfapCe qui relie ces acteurs, c’est la Plateforme Haïti, mise en place par la Fédération protestante de France en lien avec celle d’Haïti, et coordonnée par le Défap. Elle permet un partage d’informations, des actions en commun, des récoltes de fonds pour les projets en cours sur place… La Mission biblique en est membre, mais aussi la Fondation La Cause pour les orphelinats, ou encore le SEL.
Le Défap et la Plateforme HaïtiDes liens privilégiés existent de longue date entre la Fédération protestante de France (FPF) et la Fédération protestante d’Haïti (FPH). Le passage de quatre tempêtes dévastatrices sur le territoire haïtien en 2008 (Fay, Gustav, Hanna et Ike) s’était traduit par la création de la Plateforme Haïti, regroupant divers acteurs du monde protestant sous l’égide de la FPF. En 2010, au moment du tremblement de terre qui devait faire plus de 230.000 morts, les réseaux protestants étaient donc bien en place, et la solidarité avait trouvé rapidement des canaux pour s’exprimer. Le président actuel de la Plateforme Haïti est le pasteur Rodrigue Valentin, de l’Église du Nazaréen, et sa coordination administrative est assurée par le Défap. La Plateforme rassemble les acteurs suivants : |