En mission de paix en Israël-Palestine avec EAPPI

Marilyn fait partie des équipes d’accompagnateurs œcuméniques envoyés en Israël-Palestine dans le cadre du programme EAPPI, initié en 2002 par le COE en réponse à une demande des responsables des Églises de Jérusalem qui appelaient à soutenir leurs efforts pour une paix juste. Ces équipes, formées de volontaires de différents pays, partagent durant trois mois la vie des populations palestiniennes en Cisjordanie et assurent une présence attentive et bienveillante auprès des plus vulnérables. Pour assurer le suivi de ce programme a été constitué un comité de coordination dont la composition est, elle aussi, résolument œcuménique ; au sein de ce comité, le Défap assure la gestion administrative des envoyés venus de France. Dans cette lettre de nouvelles, Marilyn revient sur les premières semaines de sa mission. Au cours des prochains jours, nous aurons l’occasion de revenir sur son parcours, qui l’a amenée à devenir accompagnatrice œcuménique… ainsi que sur le programme EAPPI lui-même.

Vue du camp de bédouins de Khan Al Ahmar © EAPPI

Cela va bientôt faire cinq semaines que nous sommes sur le terrain. Après une semaine de mise au point et de passation de relais entre le groupe précédent et le nouveau groupe, et un accompagnement des activités futures, nous avons vraiment commencé notre travail après la cérémonie officielle. Le 6 septembre le groupe a réellement pris ses fonctions.

Certaines de nos activités sont prioritaires et ne varient pas, d’autres peuvent changer de semaine en semaine selon la situation et les rencontres d’autres organisations sur place. Nos activités prioritaires sont multiples mais nos missions essentielles sont l’observation, les rapports quotidiens envoyés au siège à Genève et pour certaines informations importantes aux N.U. Durant la période de COVID les accompagnateurs œcuméniques n’ont pas été présents sur place, comme de nombreuses autres organisations humanitaires, le programme a repris réellement depuis mars 2022, nous sommes donc le troisième groupe à être présent sur place depuis cette date.

Des accompagnateurs œcuméniques venus de tous les coins du monde

Notre groupe, le 85, est composé de 27 personnes venues de tous les coins du monde : Australie, Autriche, Angleterre, Brésil, Équateur, Suède, Irlande, Finlande, France. Nous sommes placés dans différentes régions de la Cisjordanie, en territoires occupés ou annexés comme Jérusalem-Est. L’équipe de Jérusalem se compose de 8 personnes réparties en 2 groupes avec de nombreuses responsabilités que nous exerçons soit ensemble, soit de manière séparée.
 

Image des destructions dans le camp de bédouins © EAPPI

Ce qui nous marque le plus est la situation précaire de certaines populations fragiles telles que les camps de bédouins que nous visitons une fois par semaine, notamment Jabal al-Baba et Khan al-Ahmar pour assurer une présence protectrice. Khan al-Ahmar a été sous les feux des médias et de la communauté internationale à l’automne 2018 car les habitants étaient sous la menace de démolitions imminentes. Après un report de la décision de la Cour, cette communauté reste toujours sous la menace d’une prochaine démolition car les colons de la colonie située au-dessus ne relâchent pas leurs efforts pour contrecarrer la décision de justice… aussi nous sommes très vigilants de la moindre alerte. Les bergers de cette communauté sont régulièrement harcelés par les colons qui veulent les empêcher de faire paître leurs troupeaux.

« Notre présence réconforte les plus vulnérables »

Et parfois, nous arrivons après les démolitions ! Comme dans ce petit camp de bédouins de quelques familles mais dont l’armée israélienne a détruit l’ensemble des maisons et détruit l’ensemble des réserves de nourriture des familles. C’est tellement violent que nous nous sentons impuissants devant une telle impunité.
 

Image des destructions dans le camp de bédouins © EAPPI

Une autre de nos activités prioritaires est notre présence au checkpoint de Kalendia, deux matins par semaine. Là encore c’est un travail, d’observation et de monitoring. Le vendredi et le dimanche, nous notons le nombre de Palestiniens « rejetés » et donc empêchés de se rendre à Jérusalem soit pour y travailler soit pour aller prier à al-Aqsa, ainsi que les raisons évoquées. La plupart du temps, elles et ils sont rejetés sans aucune raison… Beaucoup de parents s’y rendent le vendredi avec leurs enfants pour prier à Jérusalem, et en raison de non production de certificats de naissances de leurs enfants, ils ne sont pas admis à passer… Parfois leur permis de travail est valable du dimanche au jeudi et comme les vendredis et samedis sont considérés comme des jours de vacances, ils sont également empêchés de passer le checkpoint.

Dimanche dernier, au checkpoint 300 à Bethléem, une jeune femme a été rejetée alors qu’elle détenait une autorisation médicale pour aller visiter son jeune enfant de 6 ans atteint d’un cancer et hospitalisé à Jérusalem-Est.
 

Vue du checkpoint de Kalendia © EAPPI

Parfois les files d’attente sont très longues…

L’occupation militaire est la pire des choses car elle déshumanise non seulement les Palestiniens mais aussi les soldats israéliens. Quant à la colonisation, elle s’accélère dans le silence de la communauté internationale. Tous les jours les accompagnateurs œcuméniques assistent à des violations des droits humains et des lois internationales. Nous les consignons dans nos rapports et notre présence réconforte les plus vulnérables et les plus fragiles. Quand nous avons des moments de rencontres avec les Palestinien-nes, ils nous disent toutes, tous : s’il vous plaît racontez ce que vous voyez, témoignez quand vous rentrerez dans vos pays respectifs !

Marilyn, accompagnatrice œcuménique