Se soigner : Réflexion
Se soigner
Méditer
« Un jour de sabbat, Jésus enseignait dans une synagogue. Une femme malade se trouvait là : depuis dix-huit ans, un esprit impur la tenait courbée et elle était totalement incapable de se redresser. Quand Jésus vit cette femme, il l’appela et lui dit : « Tu es délivrée de ta maladie. » Il posa les mains sur elle et, aussitôt, elle se redressa et se mit à louer Dieu. Mais le dirigeant de la synagogue était indigné de ce que Jésus avait accompli une guérison le jour du sabbat. Il s’adressa alors à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là et non le jour du sabbat ! » Le Seigneur lui répondit en ces mots : « Hypocrites que vous êtes ! Le jour du sabbat, chacun de vous détache de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire, n’est-ce pas ? Et cette femme, descendante d’Abraham, que Satan a tenue liée pendant dix-huit ans, ne fallait-il pas la détacher de ce lien le jour du sabbat ? » Cette réponse de Jésus remplit de honte tous ses adversaires ; mais la foule entière se réjouissait de toutes les œuvres magnifiques qu’il accomplissait. »
Luc 13,10-17
Prenez un temps personnel pour méditer sur cette photo et cette histoire.
Quelle résonance cette histoire trouve-t-elle en vous ?
En deux mots, exprimez ce que vous inspire ce tableau en lien avec le verbe se soigner…
Que faisons-nous et que découvrons-nous lorsque nous nous soignons mutuellement ?
Entendre les langues de la Terre
Qui reconnaît ces différentes langues ? Où les parle-t-on ?
Il s’agit de langues maternelles ou usuelles de membres de l’équipe du Défap et de personnes en relation avec le Défap. Vous pouvez vous adresser à la bibliothèque pour plus d’information : bibliotheque@defap.fr.
En anglais, soigner se dit « to care ». On parle, aujourd’hui, de l’éthique du care, qui consiste à réfléchir à comment soigner l’intégralité de la personne. On dit aussi « to care » pour dire qu’on se sent concerné par quelque chose, attaché à quelque chose ou quelqu’un.
En duala (une des langues au Cameroun) le verbe soigner (Bolea) et donner (Bola) sont très proches. Finalement en soignant on se donne, et en donnant on soigne.
À votre avis ?
- Quelles conditions sont nécessaires pour pouvoir se soigner ? Pour pouvoir soigner les autres ?
- Est-ce une question spirituelle ? Matérielle ? Politique ?
- Soigner les corps, soigner les relations, soigner le mental… quelles différences ?
- Peut-on soigner (les autres) sans se soigner (soi-même) ?
Selon les cultures, se soigner ne va pas de soi : il faut qu’existent des conditions matérielles et financières de base pour que le soin des corps se fasse dans de bonnes conditions. Les gens des pays occidentaux ne se rendent pas nécessairement compte qu’ils bénéficient à cet égard de conditions exceptionnelles, avec des régimes de protection sociale performants dans des sociétés qui ont fait le choix politique d’organiser ainsi le bien commun. Cela a permis la création de filets de sécurité qui permettent aux individus de savoir qu’en cas de maladie, ils pourront être soignés par des gens compétents, et auront les moyens de payer les soins.
Ailleurs, le soin passe parfois par une autre dimension : on dépend d’une communauté qui, collectivement, prend en charge le soin des individus. Le soin garde alors une dimension relationnelle. Les sciences humaines ont d’ailleurs montré à quel point les paroles et les gestes font partie intégrante de la relation de soin. Les missionnaires installaient souvent des œuvres de soin médical (hôpitaux, dispensaires) qui permettaient de témoigner de la foi en action : parfois elles étaient en concurrence avec des soins traditionnels, parfois ces soins se complétaient. La guérison est aussi culturelle, la maladie est aussi culturelle : pensons par exemple à la façon dont on peut être tenté de comprendre la maladie comme un signe de péché, que seul Dieu peut guérir. Aujourd’hui, on réalise peut-être mieux que le risque existe de n’apporter dans les pays en développement qu’une médecine technicienne et curative, où on cherche à soigner la maladie, sans prendre en compte la vie de la personne dans son environnement avec le contexte culturel, la dimension collective, les paroles et les gestes traditionnels qui accompagnent la guérison.
Quand on part en mission, il est nécessaire de bien se connaître pour savoir jusqu’où on peut s’investir, et il est indispensable de savoir prendre soin de soi-même. D’ailleurs, c’est vrai aussi quand on est en mission dans ses engagements personnels et quotidiens. Prendre le temps nécessaire pour se poser, se reposer, recharger ses batteries, être attentif aux petits signes de fatigue, à ses propres limites, tout cela fait partie de l’expérience de l’engagement. C’est un équilibre à entretenir. En même temps, on ne peut pas se soigner tout seul : quand des soins deviennent nécessaires, on dépend de quelqu’un d’autre ; il faut entrer en relation avec quelqu’un qui pourra nous aider. Parfois, écouter est un geste de soin, parce que l’écoute est un acte relationnel qui dit à la personne « Tu es en lien avec d’autres que toi-même ». D’ailleurs, on peut aider une personne sans même le savoir, rien qu’en l’écoutant.
Le soin, donc, nous fait entrer dans la question de nos relations de dépendance mutuelle. Nous avons le récit de l’expérience de missionnaires qui ont tout donné, jusqu’à leur santé, pour être en mission. Pourrait-on encore vivre ça aujourd’hui ? Quelles questions cela pose-t-il pour nous ?
Synonymes et antonymes
Voici quelques exemples de verbes qui résonnent avec le verbe soigner, dans le même sens ou à l’opposé. En voyez-vous d’autres ? Que vous inspirent ces exemples ?
Et dans la Bible ?
Dans la Bible, l’institution du sabbat est une forme de soin pour soi et pour les autres. La jachère permet à la terre de se reposer ; le temps laissé libre permet aux corps des humains comme des animaux de reprendre des forces, de se soustraire au rythme du travail.
Le sabbat est institué au chapitre 20 du livre de l’Exode, dans les dix paroles (ou les dix commandements, le décalogue) :
« Souviens-toi du jour du sabbat pour me le réserver. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c’est le sabbat qui m’est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l’immigré qui réside chez toi. Car en six jours j’ai créé les cieux, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C’est pourquoi moi, le Seigneur, j’ai béni le jour du sabbat et je veux qu’il me soit réservé. »
Ex 20,8-11
Ce commandement évoque la fin du récit de la création du monde, dans le livre de la Genèse. Après avoir organisé le monde et y avoir installé de quoi le peupler, y compris des humains, Dieu se retire et se repose. Respecter le sabbat, c’est alors montrer son respect pour le Dieu créateur qui a donné à l’humain une place particulière dans le monde et les moyens nécessaires pour l’habiter, y compris le repos.
Dieu, en équipant le monde pour la vie, y a inclus le repos et l’a lui-même respecté : premier geste de soin pour toutes les créatures, et commandement valable à perpétuité.
Il est important de noter cependant que l’impératif du soin de l’autre permet de déroger à la règle, lorsqu’il y a danger physique. Enfin, une forme de sabbat est un commandement qui appartient à toutes les grandes religions, qu’on la fête le vendredi, le samedi ou le dimanche.
Questions
- Soigner, se soigner, s’aimer : est-ce la même chose ?
- Prendre soin de sa propre vie intérieure, est-ce se soigner ?
- Quels sont des gestes et des situations de soin qui ne cherchent pas à soigner le corps ?
- L’Église est-elle un lieu où se soigner mutuellement ?
- Et Dieu dans tout ça ? Quelle place a-t-il dans une relation de soin, pour soi ou pour l’autre ?
Quelqu’un a dit :« Celui à qui la souffrance est épargnée doit se sentir appelé à soulager celle des autres. »
Albert Schweitzer
Version téléchargeable :
« Se soigner – Réflexion » : le texte complet en pdf
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