Et si le virus nous parlait du Jubilé ?
Méditation du jeudi 16 avril 2020. Nous prions en particulier pour les personnes et les pays asservis à l’endettement, pour tous ceux et toutes celles qui, partout dans le monde, sont dans l’angoisse de la perte de leur travail et de leurs moyens de subsistance.
«Vous laisserez s’écouler sept périodes de sept ans, soit quarante-neuf ans. Ensuite, le dixième jour du septième mois, le grand jour du pardon des péchés, vous ferez retentir dans tout le pays une sonnerie de trompette accompagnée d’une ovation. De cette manière vous manifesterez que la cinquantième année est consacrée à Dieu, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Cette année portera le nom de « Jubilé ».
A cette occasion, chacun d’entre vous pourra rentrer en possession de ses terres et regagner sa famille. C’est ainsi que vous célébrerez tous les cinquante ans l’année du « Jubilé ». Vous ne devrez pas ensemencer vos champs, ni moissonner les épis qui auront poussé naturellement, ni vendanger les grappes qui auront mûri dans les vignes non soignées, car c’est l’année du « Jubilé », dont vous respecterez le caractère sacré. Par contre vous pourrez consommer ce que les champs produisent d’eux-mêmes. « Lors de l’année du «Jubilé», chacun de vous pourra rentrer en possession de ses terres.«
Lévitique 25,8-13
La crise sanitaire liée au Coronavirus est mondiale ; elle est grosse d’une crise économique qui risque d’aggraver fortement les inégalités et les difficultés des plus fragiles parmi les pays et parmi les humains. Le mot dette est dans tous les esprits, provoquant vertige, angoisse, révolte, mais également espérance quand il est accolé au mot remise ou annulation. S’il est très difficile, quand on n’est pas économiste, de comprendre les tenants et aboutissants de la dette publique des Etats, tout un chacun peut ressentir que, dans un cadre privé, l’accumulation et l’aggravation de la dette aboutissent à une forme d’esclavage.
Dans le Code de Sainteté du Lévitique déjà on rencontre une forte préoccupation sur le sort des endettés, et elle se traduit par des lois intégrées à la logique chabbatique. Celles-ci concernent le repos du septième jour, et, pour la septième année, le repos complet du sol et le partage avec tous des récoltes de l’année précédente. Pour la cinquantième année, ou année jubilaire, il s’agit de la remise des dettes rendant à chacun ses possessions et moyens de vivre. Plus qu’une mesure de charité, ces lois visent la justice et l’intégration sociale. Elles ne concernent donc pas seulement Israël mais également les étrangers : « Quand un de vos compatriotes tombé dans la misère ne pourra plus tenir ses engagements à votre égard, vous devrez lui venir en aide, afin qu’il puisse continuer à vivre à vos côtés. Vous agirez de cette manière même envers un étranger ou un hôte résidant dans votre pays. » Lév 25,35
Si nous prenons la mesure de cette logique chabbatique, si nous travaillons ensemble à des interprétations selon les contextes, à des actualisations innovantes et réalistes, alors ce temps d’arrêt forcé que nous vivons au niveau planétaire peut devenir celui d’un confinement fécond, où les impossibles d’hier ne nous apparaissent plus comme tels aujourd’hui, car ils sont en train de devenir les conditions, les défis et les chances de notre vie à tous dans ce monde qui nous est commun. Souhaitons qu’aux temps de la reprise des activités humaines, l’esprit chabbatique continue de nous inspirer, avec son exigence de mesure, de justice, de partage, de respect de Dieu et de la création.
Prions avec St Anselme de Cantorbéry (XIème siècle).
Donne-moi, Seigneur, de compatir
Mon Dieu, tu es toute tendresse pour moi.
Je te le demande par ton Fils bien-aimé : accorde-moi de me laisser emplir de miséricorde et d’aimer tout ce que tu m’inspires.
Donne-moi de compatir à ceux qui sont dans l’affliction, et d’aller au secours de ceux qui sont dans le besoin.
Donne-moi de soulager les malheureux, d’offrir un asile à ceux qui en manquent, de consoler les affligés, d’encourager les opprimés.
Donne-moi de rendre la joie aux pauvres, d’être l’appui de ceux qui pleurent, de remettre sa dette à celui qui en aura contracté une à mon égard.
Donne-moi de pardonner à celui qui m’aura offensé, d’aimer ceux qui me haïssent, de rendre toujours le bien pour le mal, de n’avoir de mépris pour personne, et d’honorer tous les hommes.
Donne-moi d’imiter les bons, de renoncer à la fréquentation des méchants, de pratiquer les vertus et d’éviter les vices.
Donne-moi, Seigneur, la patience quand tout va mal et la modération quand tout va bien.
Donne-moi de savoir maîtriser ma langue et de poser, au besoin, une garde à ma bouche.
Enfin, mon Dieu, donne-moi le mépris des choses qui passent et la soif des biens éternels.