Des revenus pour les pasteurs
Le Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest où les relations entre Églises protestantes locales et Églises de France sont nombreuses, voit se développer de nombreux projets en partenariat. C’est le cas du projet de valorisation de terrains dont sont propriétaires des paroisses de l’Église luthérienne du Sénégal, afin d’y développer des activités génératrices de revenus permettant de financer les pasteurs. Un projet soutenu par le Défap, et qui fait partie du «carnet de solidarité» de l’UEPAL. Le point avec cet article de Valérie Thorin publié dans le numéro d’avril 2019 de l’église missionnaire.
Irrigation de cultures dans un village du Sénégal © Wikimedia Commons
Le Sénégal est un «paradoxe démocratique »: la vie politique est dans l’ensemble paisible, et les opérations de vote se déroulent généralement dans le calme. Pourtant, cette situation se trouve totalement inversée avant et après les élections, et la présidentielle de 2019 n’y a pas fait exception. Des violences se sont succédé dans le pays pendant la campagne électorale, et les résultats ont été vivement contestés par l’opposition, avec manifestations de rue et cortèges de protestations. La Commission nationale de recensement des votes a cependant tranché: le président sortant, Macky Salt, l’a emporté dès le premier tour avec 58,27% des voix.
Cette réélection n’est pas une surprise. En effet, le chef de l’État peut s’enorgueillir d’un bon bilan économique, notamment dans le monde rural. A son arrivée aux affaires, en 2012, il avant lancé le Plan Sénégal émergent (PSE), un programme de grands travaux destinés à faire du pays une «locomotive économique en Afrique de l’Ouest», selon ses propres mots. Au fil des ans, la croissance a atteint 6,8 0/0 par an, selon la Banque mondiale, laquelle a salué un «cadre macroéconomique solide». Seule ombre au tableau: le taux de chômage, sur-tout celui des jeunes diplômés, C’est dans ce contexte macroéconomique particulièrement porteur que s’inscrivent les petits projets « microéconomiques » soutenus par les Églises, à commencer par ceux destinés à valoriser les terrains dont elles sont propriétaires. Dans le «carnet de solidarité» de l’UEPAL en 2019 figure l’un d’entre eux: l’accompagnement des activités génératrices de revenus pour les pasteurs de l’Église luthérienne du Sénégal (ELS).
Valoriser des terrains, mais pour quoi faire ?
Ce projet naquit lors de l’échange pastoral entre Claudia Schulz (pasteure à Hautepierre et responsable de « Mosaïque» Alsace-Moselle) et Pierre Adarna Faye, alors vice-président de l’ELS. Le secrétaire général du Défap, le pasteur Jean-Luc Blanc, s’est rendu au Sénégal au début du mois de février dernier. Il a pu discuter avec les nouveaux responsables de l’ELS de la mise en place de ce type d’activités dans les paroisses rurales. En effet, celles-ci possèdent souvent de petits terrains autour du temple ou dans ses environs. Avec un minimum de formation et d’accompagnement, les familles des pasteurs sont donc à même de les mettre en culture. Jean-Luc Blanc a d’ailleurs pu constater que plusieurs initiatives agricoles étaient déjà en place, dont de l’élevage. Bien sûr, il est encore trop tôt pour faire une première évaluation, «mais dans quelques mois, ce sera possible», a-t-il noté dans son rapport de mission. D’ores et déjà, on peut voir des projets similaires, comme à Louga, dans le nord du pays, une région sahélienne très pauvre, en lutte perpétuelle contre l’avancée du désert du Sahara. Là, ce sont les femmes des villages qui sont les plus actives et notamment parce qu’elles s’assurent ainsi une indépendance économique. Dans le même temps, le programme permet de renforcer la sécurité alimentaire et de protéger l’environnement. En augmentant les niveaux de compétence et de conscience, elles deviennent plus sensibles à l’amélioration des conditions sanitaires et au bien-être de tous.
C’est exactement le même raisonnement pour les pasteurs et leur famille: développer des activités qui leur permettent de gagner de l’argent, cela signifie augmenter leur niveau de vie. Grâce à cette autonomie économique, ils pèsent moins sur la communauté ou sur d’éventuels donateurs et peuvent donc plus librement exercer leur ministère. L’agriculture vivrière et l’élevage sont des priorités: et par exemple la réduction du temps passé à la corvée d’eau grâce à des micro-barrages ou des captages pour alimenter les champs ou faire boire les bêtes est un excellent moyen d’augmenter le rendement des cultures et de garantir la bonne santé des cheptels. C’est ce genre d’activités que soutiennent le Défap et l’UEPAL, pour que les pasteurs sénégalais puissent mieux s’occuper de la vie spirituelle de leur communauté.
Par Valérie Thorin