Haïti : «Il y avait beaucoup à faire et j’ai beaucoup appris»
Marie-Bénédicte Loze lors d’une intervention dans une école sur la gestion des risques et des désastres © DR |
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement de volontaire en Haïti et auprès de la FEPH ?
Marie-Bénédicte Loze : J’avais plusieurs types de motivations. Sur le plan personnel, partir en Haïti répondait chez moi à un désir de découvrir une autre culture, de m’en imprégner et de m’y impliquer. Je voulais, non pas pas me contenter d’un regard extérieur et rapide sur le pays, mais vraiment rencontrer l’autre, partager des moments de vie. Sur le plan professionnel, j’avais besoin d’acquérir une expérience de terrain de longue durée, au moins deux années à l’étranger. Je voulais en particulier travailler avec les membres d’une structure locale, pour vraiment connaître leur réalité : c’est le meilleur moyen pour mesurer les vrais enjeux et pour faire du travail efficace. J’ai eu l’opportunité de travailler avec la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti, qui faisait face à pas mal de défis, et qui avait un besoin crucial en termes de ressources humaines : j’ai vite compris que là, j’aurais une grande latitude pour apprendre et pour agir.
Comment s’est déroulée votre mission ?
Marie-Bénédicte Loze : J’ai eu d’emblée la chance de travailler avec Christon Saint-Fort, le directeur exécutif de la FEPH : quelqu’un de remarquable, très compétent, qui se bat pour la structure, et qui m’a fait confiance. De cette manière, j’ai vraiment pu faire équipe avec les autres membres de la FEPH. Il y avait beaucoup à faire et j’ai beaucoup appris. Pour donner un aperçu de ce que fait cette fédération d’écoles, il faut savoir qu’en Haïti, il n’y a que 12% d’écoles publiques : la grande majorité des établissements sont privés, payants, et doivent financer leurs activités sur leurs fonds propres. Le système éducatif haïtien manque terriblement de moyens, ce qui se traduit sur le plan matériel mais aussi au niveau des recrutements : beaucoup d’écoles, ne pouvant rémunérer correctement leurs enseignants, embauchent des répétiteurs pour s’occuper des classes. Ce qui explique qu’alors même que le paysage éducatif haïtien est très peuplé, beaucoup d’établissements soient si peu satisfaisants en termes d’apports éducatifs pour les enfants. Un certain nombre d’écoles ouvrent sans autorisation et sans disposer d’enseignants compétents. Mais comme les frais d’écolage (d’inscription dans les écoles) représentent une lourde charge pour les familles, elles doivent se contenter d’établissements mal lotis. Il y a donc de gros enjeux en termes d’éducation en Haïti, et c’est précisément là qu’intervient la FEPH. Elle représente un réseau de 3000 écoles (près de 30% du secteur éducatif du pays), se bat pour garantir un niveau d’enseignement suffisant ; son action est d’ailleurs jugée indispensable par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP), ainsi que par des partenaires internationaux comme l’Unicef (le Fonds des Nations unies pour l’enfance).
Que vous a apporté cette mission sur les plans personnel et professionnel ?
Une école d’Haïti après le passage de l’ouragan Matthew, dont la réhabilitation a été financée par le protestantisme français © Laura Casorio pour Défap |
Marie-Bénédicte Loze : Sur le plan personnel, j’ai beaucoup grandi, à tous les niveaux. J’ai eu l’occasion de travailler avec des personnes remarquables et j’ai pu vraiment m’imprégner des réalités de la vie haïtiennes, notamment en ce qui concerne les défis du secteur éducatif. C’était aussi une grande satisfaction pour moi de travailler avec des acteurs de terrain, de me battre à leurs côtés pour la même cause… Sur un plan plus professionnel, j’ai acquis une solide expérience de terrain qui me donne aujourd’hui un profil recherché. Travailler avec un organisme local qui se structure et se développe nécessite de faire preuve de souplesse, et garantit une grande diversité dans les actions à mener. C’est passionnant quand on aime relever des défis, s’adapter aux réalités du terrain, réfléchir aux actions à mener avec une équipe : il y a vraiment une grande marge d’action. Cette expérience m’a aussi apporté un large réseau, car même si la FEPH est un acteur local, elle travaille avec des acteurs importants au niveau national et international.