Aider les Haïtiens à prendre leur destin en main
Une école d’Haïti après le passage de l’ouragan Matthew, dont la réhabilitation a été financée par le protestantisme français © Laura Casorio pour Défap |
Haïti est un pays où les difficultés se cumulent. Avec un PIB par an et par habitant inférieur à 740 dollars, il est seul de la région Amériques-Caraïbes à figurer parmi la trentaine de «pays à faible revenu» recensés par la Banque Mondiale. Les deux-tiers des Haïtiens sont touchés par le chômage. En termes d’indice de développement humain, le pays est 163e sur une liste de 188 établie par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). Les problèmes environnementaux sont criants (plus de 9 Haïtiens sur 10 sont exposés à des risques de catastrophes naturelles), avec notamment des difficultés liées au déboisement et à l’érosion des sols. Aucun de ces maux n’est une fatalité ; mais pour les combattre, et permettre aux Haïtiens de prendre leur destin en main à long terme, la meilleure arme est l’éducation.
C’est dans ce domaine qu’intervient Mickaël Roux, envoyé du Défap en Haïti. Il est arrivé à Port-au-Prince le 13 septembre 2017. «Ma mission, détaille-t-il dans sa première lettre de nouvelles, consiste à trouver des fonds et des financements pour la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (la FEPH). Cette institution a un important parc scolaire (3000 écoles). Les activités sont diverses : reconstruction d’écoles et de bâtiments scolaires, réhabilitation, formation des enseignants, distribution de kit et de matériel scolaire, mise en place de cantines scolaires…»
«Ma motivation est de voir ces enfants évoluer»
Pour aller plus loin :• L’actualité du Défap en Haïti• PLATEFORME HAITI Présentation sur le site de la Fédération protestante de France • Le site de la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti |
Pourquoi passer par une fédération d’écoles ? Tout simplement parce que l’éducation, en Haïti, fait aussi partie des secteurs sinistrés. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, plus de 200.000 enfants ne sont pas scolarisés. Les écoles publiques sont une petite minorité (9 écoles sur 10 sont des établissements privés) ; et le niveau général est tellement faible que moins de 5% d’une classe d’âge obtient le bac. La question de l’éducation constitue donc un enjeu majeur ; exemple typique, Le Nouvelliste, grand journal de Port-au-Prince et plus ancien quotidien du pays, a dressé l’année dernière la liste des lycées qui, à travers Haïti, ont eu 0% de réussite au baccalauréat… Face à ces lacunes, la FEPH, grâce à son réseau, revendique la scolarisation 300.000 enfants, avec une qualité d’enseignement reconnue. Elle est soutenue directement par le Défap à travers des financements directs et à travers ses envoyés ; elle fait aussi partie des partenaires privilégiés de la Plateforme Haïti, mise en place sous l’égide de la Fédération protestante de France et où le Défap se retrouve aux côtés de divers acteurs du protestantisme français impliqués dans ce pays, comme La Cause ou la Mission Biblique. Ainsi, après le passage destructeur de l’ouragan Matthew sur Haïti, trois écoles ont été réhabilitées avec un financement direct de la fondation du protestantisme.
Le 26 janvier dernier, la FEPH a tenu à Port-au-Prince sa 28ème assemblée générale sur le thème : «Un meilleur engagement des parents pour une éducation de qualité». Y assistaient notamment le président de la Fédération protestante d’Haïti, le pasteur Sylvain Exantus, un représentant du ministre de l’Éducation nationale, ainsi qu’une secrétaire exécutive du Défap, Laura Casorio. L’occasion pour le président de la FEPH, Guilbaud Saint-Cyr, de tirer un bilan de l’année 2017 : la formation de 1383 enseignants et 109 directeurs d’école sur des thèmes touchant notamment à la pédagogie ou à la gestion participative de l’école ; l’encadrement de 144 établissements pour améliorer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ; la dotation de 54 écoles en matériel scolaire… Christon Saint-Fort, le directeur exécutif de la FEPH, s’est dit fier de diriger une institution qui s’améliore de jour en jour. Pour sa part, le représentant du ministre de l’Éducation, le Dr Délima Pierre, a souligné que «la contribution de l’Église protestante dans le développement et l’amélioration de la qualité de l’éducation n’est plus à démontrer en Haïti».
Affiches de la FEPH : la formation pour la limitation des catastrophes naturelles © Laura Casorio pour Défap |
Au cours de cette AG a été également adopté le plan stratégique de la FEPH pour la période 2018-2023. Il prévoit entre autres la promotion de la protection de l’enfant, que ce soit à travers la poursuite de la campagne «Bon trètman» («Bon traitement») ou des actions de formation ; le développement d’un système de certification des écoles ; la promotion de l’environnement et la réduction des risques de catastrophes. Mais la FEPH, réseau d’écoles privées, doit aussi se préoccuper de son financement, et la question de la diversification des sources de revenus figure en première place parmi les priorités de la période à venir. Les partenaires de la FEPH seront donc directement sollicités ; et tout au long de sa mission à Port-au-Prince, Mickaël aura de quoi faire. «Ma motivation, témoigne-t-il, est de voir ces enfants évoluer. Pour ma part, une nouvelle donne n’est possible qu’avec une nouvelle génération. L’éducation est le seul moyen pour certains d’avoir un avenir.»
Franck Lefebvre-Billiez