Laïcité, migrants : les protestants endossent le rôle de «vigies»
François Clavairoly lors des vœux de la FPF. © Fédération Protestante de France |
«Être protestant, c’est être citoyen protestant, c’est être responsable et solidaire avec d’autres, dans la cité.» Ces quelques mots, extraits de l’allocution de François Clavairoly prononcée le soir du 24 janvier lors des vœux de la Fédération Protestante de France, montrent à eux seuls combien le rôle de «vigies de la République» reconnu par Emmanuel Macron aux protestants de France a été pris au sérieux. Ce discours, tenu en présence de 150 à 200 invités (responsables politiques, responsables des Cultes, responsables d’Églises et d’œuvres, membres de la FPF, dirigeants d’entreprise, partenaires) s’adressait tout particulièrement au Premier ministre Édouard Philippe, qui représentait le gouvernement lors de cette cérémonie organisée à la Maison du Protestantisme.
Cette expression de «vigies» avait été employée pour la première fois fin septembre par le chef de l’État, au cours d’une allocution prononcée lors du colloque «Protestantismes convictions et engagements» ; Emmanuel Macron avait alors plaidé pour une laïcité ouverte permettant une participation des religions aux grands débats de société. Depuis, il a donné des gages de cette volonté d’ouverture, notamment en recevant début décembre à l’Élysée les représentants des principaux cultes en France… précisément pour parler de laïcité.
«Qui peut oser penser que la spiritualité est une dimension facultative?»
Une position vis-à-vis des questions de foi dans la société saluée par François Clavairoly, qui a repris l’expression du chef de l’État lors de ses vœux : «La foi est comprise par nous comme source et ressource pour la société, et non pas comme une menace. Le christianisme est contributeur éclairé et critique et non pas conservateur. Le protestantisme est comme sentinelle et vigie. (…) Je suis reconnaissant que se fasse jour dans ce pays, à cet égard, une compréhension de la laïcité qui ne se réduise donc pas à un slogan pour lutter sans le dire contre l’Islam, ou qui soit une notion détournée de son sens servant à enjoindre tout citoyen d’avoir honte de sa foi. Qui peut oser penser que la spiritualité est une dimension facultative de l’existence, la transcendance un sujet d’ordre privé n’ayant aucun rapport avec l’élaboration des valeurs de notre société qui font de l’humain ce qu’il est ?»
Mais ce rôle même de «sentinelles» donne aux protestants une légitimité renouvelée lorsqu’il s’agit d’interpeller le gouvernement. Ce qu’a fait le président de la FPF sur le chapitre des migrants, en pointant la circulaire du 12 décembre 2017, qui prévoit le déploiement dans les centres d’accueil d’équipes mobiles, composées notamment de membre de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), pour «procéder à l’évaluation administrative» des personnes étrangères en hébergement d’urgence et «veiller à une orientation adaptée» de ces migrants selon leur droit au séjour. Un texte unanimement dénoncé par les associations, dont un certain nombre d’acteurs protestants comme la FEP (Fédération d’Entraide Protestante) ou la Cimade. Un texte, surtout, ressenti par le monde associatif comme un très mauvais signal à l’égard des réfugiés et migrants alors que devrait être bientôt débattu un projet de loi «asile-immigration».
Appel au retrait de la circulaire du 12 décembre 2017
«Entendez ceux qui sont sur le terrain (…) entendez cette demande de retrait de la circulaire du 12 décembre 2017 de la part des acteurs les plus légitimes», a insisté François Clavairoly devant le Premier ministre. «Ces associations souhaitaient et souhaitent toujours une vraie concertation. Elles ne sont pas dans l’émotion, dans l’agression ou aveuglées par une bonne volonté irréaliste.» Un appel face auquel le Premier ministre a réagi en défendant le mot d’ordre : accueillir moins pour accueillir mieux, assurant qu’il s’agit bien «d’honorer la tradition française de l’asile» sans pour autant accepter un «accueil indifférencié» ni un «droit au séjour inconditionnel». Et de plaider : «Au fond, comme l’a dit à Calais le Président de la République, cela veut dire concrètement qu’à chacun, nous devons permettre la mise à l’abri que sa situation justifie ; à tous, nous voulons donner une réponse rapide ; à ceux à qui nous disons « oui », nous devons leur donner une vraie chance de s’intégrer ; à ceux à qui nous disons « non », nous devons faire en sorte qu’ils regagnent effectivement leur pays.»
Au-delà de ces thèmes, les vœux de la FPF ont permis d’exprimer le message du protestantisme français aux autorités publiques pour 2018 sur d’autres sujets qui concernent toute la société. Comme la bioéthique, alors qu’ont été lancés les États généraux de la bioéthique, vaste table ronde qui vise à prendre en compte des contributions émanant de l’ensemble des parties prenantes : citoyens, scientifiques, courants de pensée et religieux, associations, sur des questions aussi difficiles que celle de la GPA. Ou comme les relations inter-religieuses… Une soirée qui a aussi permis d’annoncer pour 2018, à l’occasion du 50ème anniversaire de la mort du pasteur baptiste Martin Luther-King, une année riche de débats et d’engagements sur les questions d’égalité et de lutte contre les discriminations.
Retrouvez ci-dessous les dix interviews réalisées à la FPF à la suite de ces allocutions (cliquez sur la playlist en haut à gauche) ; et retrouvez cette vidéo sur le site de la Fédération Protrestante de France.