Heesuk et Eric Toumieux sont au Sénégal depuis 18 ans. Envoyés du Défap en VSI pendant 6 ans, de 2009 à 2015 pour Eric et depuis 2015 pour Heesuk, ils y sont toujours. De passage au Défap lors de la formation des envoyés, ils nous racontent leur parcours et en profitent pour distiller quelques conseils aux futurs envoyés, en formation jusqu’au 13 juillet.

Que vous a apporté la formation reçue au Défap avant votre départ ?
La formation du Défap nous a ouvert des portes et donné des grilles de lecture essentielles. Grâce à elle, nous avons eu une bonne compréhension de la situation que nous allions rencontrer en Afrique, et cela nous a beaucoup aidés pendant notre service : analyse économique sur l’Afrique et ses flux de population qui quittent les terres pour aller vers les côtes, explosion à venir de la demande de production de denrées alimentaires dans laquelle l’église n’était pas présente, sensibilisation à la crise potentielle de la jeunesse (exode rural, immigration, chômage…).  Toutes ces données nous ont permis de mieux cerner l’environnement dans lequel nous allions évoluer.
Cela a donné une couleur à notre mission, à notre service. Si on voulait avoir un impact, il fallait donc s’intéresser à cette jeunesse. Comment lui donner du travail ? Empêcher l’exode rural ?

Et aujourd’hui, où en êtes-vous dans votre engagement ?
Nous sommes impliqués dans deux ministères. Heesuk, dans l’éducation, pour développer avec le gouvernement du Sénégal un projet intitulé « Lecture pour tous » (financé par une organisation américaine). Après une première année de préparation, le  programme va être lancé en septembre avec trois langues majeures. Ce projet est parti du constat que l’échec scolaire était dû à la non prise en compte de langue maternelle des enfants. Le français sera donc enseigné comme une langue étrangère. Il faut désormais former les cadres et les enseignants à cette méthode d’apprentissage qui met en place une cohabitation progressive de la langue française avec la langue maternelle.
Aujourd’hui, il y a 14 millions d’habitants au Sénégal, alors qu’il y en avait seulement trois à la fin de la décolonisation Et la moitié de cette population a moins de 18 ans. L’enjeu est fondamental et il reste encore beaucoup à faire.
Eric, lui, s’occupe du projet Beer sheba (www.projet-beersheba.fr), projet fondé avec Heesok il y a une quinzaine d’années avec des pasteurs (de l’Eglise La Porte Ouverte, à Mulhouse). Beer sheba, est structuré comme une association, car ses fondateurs ont voulu que ce soit ouvert à tous et au service de toutes les Eglises. Elle accueille d’ailleurs les représentations de toutes les Eglises du Sénégal. L’association a plusieurs objectifs :
– un projet de conservation de la nature, de reforestation d‘une zone totalement déserte, de soin de la biodiversité où l’on tente de régénérer un espace très abimé.
– un centre de formation qui accueille des jeunes de tout le Sénégal et de toute la sous-région. La plus longue dure une année et dénote un vaste mouvement en faveur de la permaculture. Ce projet a un impact positif pour la population (boutique solidaire, alphabétisation, moulin à céréales). Notre objectif, c’est d’être un centre de ressources pour l’agriculture rurale dans le Sahel.
– un espace de production de poudre bio de Moringa.

 

 


Beer-Sheba mini documentary from joell friesen on Vimeo.
vidéo de présentation du projet Beer sheba

Si vous aviez un conseil à donner à nos futurs envoyés, ce serait lequel ?
Apprenez les langues !
Même sur des séjours courts, c’est très utile d’apprendre à parler la langue dominante. La grande faiblesse des envoyés français, c’est de ne pas parler les langues locales. Ils perdent un niveau de communication énorme. Nous avons appris le Sereer et cela nous a permis d’accéder à un type de relation exceptionnel.
De plus, l’envoyé français qui arrive en Afrique est dans une situation de déséquilibre. De par l’histoire passée et sa couleur de peau, il représente une sorte de domination. Et cela même sans le vouloir, sans même s’en rendre compte.
Apprendre la langue va lui permettre d’être dans une relation où il ne domine plus. Cet état de faiblesse, où il rentre dans une situation infantilisante, lui permettra de rencontrer réellement l’autre, sur un pied d’égalité. Apprendre la langue, c’est se mettre en difficulté pour casser cette image de gens venant du nord, perçus comme tous puissants.
Nous souhaitons à tous et à toutes de très belles découvertes.

 

 

eric.toumieux@beershebaproject.org
heesukkimtousmieux@gmail.com

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