Samuel Ajayi Crowther – DR

Sa vie est un roman. Avant de devenir le premier évêque noir de l’histoire de l’anglicanisme, Samuel Ajayi Crowther s’appelait seulement Ajayi. Il était né, aux alentours de 1809, dans ce qui est aujourd’hui le Nigéria. Plus précisément à Oshogun, petite ville située dans la forêt en pays yoruba, assez loin au nord de la côté atlantique et de la ville de Lagos. A 12 ans, il avait été enlevé par des trafiquants d’esclaves pour être vendu à des négriers portugais. Puis libéré par la Royal Navy et envoyé à Freetown, Sierra Leone… Et c’est là, en terre étrangère, alors qu’il était pris en charge par la société missionnaire anglicane, la Church Mission Society, qu’il fut baptisé et prit le nom du vicaire de la Christ Church Greyfriars de Newgate, Samuel Crowther (un des premiers membres de la CMS). Dès lors, Ajayi devint Samuel Ajayi Crowther. Après avoir appris l’anglais, le latin, le grec, avoir eu droit à une formation à Londres et avoir été ordonné prêtre, il retrouva le pays yoruba… en tant que missionnaire. Faut-il voir dans ce destin hors norme l’origine de ses idées très en avance sur son temps concernant l’interculturel ? Des idées qui le conduisirent, par exemple, à oeuvrer pour une Église autonome et africaine, au risque de générer des frictions avec d’autres missionnaires…

Ce portrait de Samuel Ajayi Crowther dressé par la bibliothécaire du Défap, Claire-Lise Lombard, était une nouveauté lors de la rencontre des Équipes Régionales Mission qui s’est tenue à la mi-décembre à Paris. Il s’agissait de replacer le travail missionnaire dans une perspective historique. Et entre hier et aujourd’hui, des constantes se dégagent naturellement dans la Mission : l’échange, les voyages, les relations interculturelles…

Articuler Mission ici et Mission là-bas

Pour aller plus loin :
Un service d’Église : actualité et enjeux de la mission

Qu’est-ce qui nourrit l’activité missionnaire ? Qu’est-ce qui la rend pleinement vivante et permet de dynamiser les paroisses ? L’articulation entre Mission ici et Mission là-bas est depuis longtemps au coeur de la problématique des Équipes Régionales Mission. Et les réunions qui sont organisées tout au long de l’année au siège du Défap, à Paris, sont l’occasion de réfléchir en commun sur ce thème. Composées à la fois de pasteurs et de laïcs, les ERM travaillent, tout au long de l’année, avec les régions et les Églises locales pour soutenir leur dynamique missionnaire ; lorsqu’elles se rencontrent au 102 boulevard Arago, c’est pour échanger des nouvelles et coordonner leurs actions ; mais ces réunions prennent aussi la forme d’un groupe de réflexion sur la Mission, qui peut être, selon les périodes et les enjeux, plus axé sur le concret (organisation d’un forum…) ou plus théorique. Celui de la mi-décembre se voulait plutôt pratique et axé sur des questions d’organisation, même si la présentation de Samuel Ajayi Crowther a élargi la perspective de la journée.

L’ordre du jour prévoyait ainsi tout d’abord une présentation du projet de «mini-forums» missionnaires en Centre-Alpes-Rhône par le pasteur Dina Radafiarijaona, avant des échanges sur les projets, des témoignages sur les synodes et des nouvelles de l’accueil des groupes dans la maison des Missions. Le dernier forum régional en Centre-Alpes-Rhône remontait à 2014 ; il avait été organisé à Évian, dans l’extrême Est de la région, et avait mobilisé des participants principalement dans les alentours de cette même ville. D’où l’idée, pour le prochain rendez-vous, d’organiser non pas un grand forum régional, mais une série de «mini-forums» répartis dans toute la région. Et si possible, tous organisés le 1er dimanche du mois d’octobre 2018… Le but étant de se rapprocher de celles et ceux qui pourraient être réceptifs aux enjeux de la Mission, mais n’iraient pas forcément se déplacer très loin pour participer à une journée de rencontres… Autre enjeu soulevé par ce projet de «mini-forums» : comment faire pour croiser les réseaux au bénéfice de la Mission ? «On s’est intéressé à un réseau existant, le réseau Bible et Création», a souligné le pasteur Dina Radafiarijaona, en insistant sur les convergences entre les préoccupations missionnaires et le questionnement sur la justice climatique : ce que l’on fait ici a des effets à l’autre bout du monde…

Accueillir, c’est bien ; convaincre de revenir, c’est mieux

Le 102 boulevard Arago, à Paris, siège du Défap – DR

Mais cette présentation du projet de «mini-forums» a aussi permis de souligner la raréfaction des correspondants locaux, chargés de porter les enjeux de la Mission au coeur de leur paroisse. Une raréfaction qui pourrait être compensée en regroupant les forces au niveau régional sous forme «d’équipes Mission» ; mais quelle en est l’origine ? La discussion lancée sur ce propos a pointé rapidement l’existence de «classes creuses» dans la mission : plus précisément, après la fin du service militaire. Du coup, la Mission manque aujourd’hui d’anciens envoyés pour aller plaider sa cause au sein des paroisses. Une solution envisagée : encourager les projets de voyage, pour que celles et ceux qui vivent cette expérience de la rencontre aient envie de lui donner des suites et deviennent naturellement des avocats de la Mission. Le projet de «mini-forums» pourrait y aider.

Autre préoccupation enfin : les paroisses font souvent l’expérience qu’elles accueillent facilement les nouveaux venus… mais qu’au-delà, elles ont du mal à les convaincre de rester. Comment aller au-delà de cet accueil pour les inviter à s’impliquer ? «Le protestantisme français, a suggéré une participante, peine aujourd’hui à se « reproduire ». Nos Églises accueillent de plus en plus de personnes qui ont eu un parcours de foi différent. En même temps, elles ont un besoin croissant de gens en postes de responsabilités. Mais ces personnes qui arrivent ne comprennent pas la lourdeur institutionnelle, la nécessité de se réunir une fois par mois, de créer une équipe… Penser local, c’est une énergie inouïe ; penser régional, c’est encore plus lourd ; et là-dedans, le Défap est si loin ! Il faut repenser les projets locaux…» Et au-delà de la lourdeur institutionnelle propre à la vie des paroisses, comment réussir à parler la même langue, comment amoindrir le choc de la différence – un choc qui peut être à la fois culturel et théologique ? Peut-on l’amoindrir grâce à l’ouverture et aux échanges permis lors des voyages ? Peut-être, alors, ceux-là même qui ont vécu ces chocs pourraient-ils devenir les meilleurs ambassadeurs de la mission…

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