Étudiants de l’IFRP © Dominique Ranaivoson pour Défap

Madagascar a deux langues officielles : le malgache (ou malagasy) et le français. Le malgache est la langue du quotidien ; le français, celle des procédures, des lettrés, de l’enseignement supérieur… Maîtriser le français est déjà un signe de réussite sociale, ou une grande aide pour y parvenir. Mais dans un pays qui figure parmi les plus pauvres du monde, dont l’indice de développement humain le classait en 2016 à la 154ème place sur 188 pays étudés par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), et où les trois-quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté, l’enseignement est souvent sacrifié face aux nécessités du quotidien. Madagascar est le cinquième pays au monde avec le plus grand nombre d’enfants non scolarisés. Voilà pourquoi les actions du Défap dans ce pays tournent essentiellement autour de l’enseignement ; et notamment celui du français. Avec des envoyés dont certains sont présents auprès des plus jeunes (par exemple auprès de la communauté des sœurs de Mamré, à Tananarive, qui fait de l’accueil périscolaire) et jusqu’au niveau des études supérieures.

Dominique Ranaivoson fait ainsi régulièrement des séjours courts (de une à quatre semaines) pour assurer des sessions intensives de soutien en français auprès des étudiants de l’Institut de Formation et de Recherche Pédagogique. L’IFRP a été créé peu avant les années 2000 pour y former les futurs enseignants des écoles de la FJKM (Fiangonan’i Jesoa Kristy Eto Madagasikara, ou Église de Jésus-Christ à Madagascar), l’une des deux Églises partenaires du Défap dans l’île avec la FLM (luthérienne). Ces écoles représentent un réseau de 530 établissements protestants répartis surtout sur les Hauts-Plateaux, sur la côte Est, et dans quelques villes du Nord (Diego, Sambava) et de l’Ouest (Majunga, Marovoay). D’où l’enjeu crucial représenté par la formation de ces enseignants.

Un anniversaire… et un toit à réparer

Un enjeu qui s’est d’ailleurs accru, comme l’a constaté Dominique Ranaivoson lors de sa dernière mission d’enseignement en avril-mai 2018 : «les conditions d’entrée à l’IFRP ayant notablement changé (le diplôme étant reconnu par le ministère, les étudiants ont désormais l’équivalence de la licence et seront autorisés à postuler dans le public), le nombre d’étudiants a beaucoup augmenté, souligne-t-elle. L’ensemble des 1ère année s’élève à 109.» Pour ce séjour, note-t-elle, «contrairement aux autres années, j’ai donné cours à tous les niveaux, soit les trois années divisées en deux sections, les primaires et les secondaires.» Avec un constat qui reste le même pour les étudiants : si les instructions ministérielles obligent ces futurs enseignants à faire leurs cours partiellement en français, en dépit de leurs diplômes et leurs connaissances théoriques, peu arrivent à maîtriser correctement à la fois l’oral et l’écrit. Et avec des difficultés nouvelles dues à cet accroissement du nombre d’étudiants : Dominique Ranaivoson se retrouve ainsi, au cours de sa mission, «à faire parler 98 étudiants, dans une salle qui résonne et avec des étudiants au niveau très hétérogène (certains parlent très bien, d’autres pas du tout)».

Mais l’IFRP aussi a ses propres difficultés, notamment matérielles. En cette année 2018, l’établissement a fêté son vingtième anniversaire. L’occasion de tirer un bilan et de souligner la croissance de l’Institut – sur la période 2000-2017, 435 étudiants y ont été formés, et pour cette seule année 2018, il en compte 260, encadrés par une soixantaine d’enseignants – mais aussi de faire avancer des projets plus pratiques. «Le samedi 21 avril, raconte Dominique Ranaivoson, une grande cérémonie a marqué l’anniversaire des 20 ans de l’établissement. À cette occasion, 1300 enveloppes contenant une plaquette de présentation et un appel à dons ont été distribuées. L’objectif est de financer la réfection du toit et l’achat d’une voiture pour les besoins communs.»

Une quête effrénée de supports en français

Spectacle à l’IFRP © Dominique Ranaivoson pour Défap

Pour les formations courtes et intensives qu’elle anime à raison de deux fois par an, et qui viennent s’ajouter aux cours de langue classiques fournis à l’IFRP, Dominique Ranaivoson utilise des supports très divers. Chants, sketchs, sorties culturelles… L’un des outils les plus prisés : la Petite Bibliothèque portative, un ensemble de textes divers en français dont l’édition est soutenue par le Défap, rassemblés dans une valise qui est généralement offerte aux étudiants en début de cycle. «D’anciens étudiants, actuellement en poste et rencontrés le 21 avril, et les 3ème année qui ont effectué des stages m’ont répété combien la Petite Bibliothèque leur est utile», souligne Dominique Ranaivoson. Encore faut-il pouvoir en disposer sur place ; et sinon, savoir improviser. Dominique Ranaivoson décrit ainsi les conditions dans lesquelles a commencé sa mission d’avril-mai : «Les « Petite Bibliothèque », envoyées par le Défap par container, ne sont pas arrivées et mes outils d’animation (albums, jeux, documents) sont en séries de 30. Il faut donc que je trouve d’autres supports. Je dois confectionner des polycopiés à partir du manuscrit du futur manuel. J’effectue 1500 copies, distribuées au fil des cours, achète des petits livres de contes pour travailler en groupes. Je ne peux exploiter ni la foire du livre (reportée en juin pour cause de grèves en ville), ni le festival du film court qui s’est déroulé mi-avril. Toute visite est de toute façon impossible avec 90 personnes.»

Une quête effrénée de supports qui souligne d’autant plus l’utilité de la Petite Bibliothèque portative, qui connaît aujourd’hui une nouvelle édition. Avant même leur arrivée, les exemplaires dont l’acheminement a été retardé ont ainsi été attribués. «Il est donc établi que les exemplaires qui arriveront par le container seront distribués aux 100 étudiants de 1ère année rentrés en 2017 et aux 100 de la rentrée 2018 (novembre). Le volume « nouvelle version » sera destiné aux promotions suivantes (100 / an) et, selon des modalités qui restent à établir, aux enseignants déjà en activité qui ont besoin d’outils et de recyclage, et à la vente éventuelle à des associations œuvrant dans les écoles publiques ou autres.»

Retrouvez dans la vidéo ci-dessous une présentation de Madagascar, des liens existant aujourd’hui avec les Églises protestantes de France, et des actions du Défap.

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